vendredi 6 mars 2020

Le réveil des sorcières




Je n’avais, jusqu’à il y a quelques jours, jamais rien lu de Stéphanie Janicot, dont le nom m’était pourtant familier. Or, début janvier, sortait son dix-neuvième roman : « Le réveil des sorcières ». Un thème qui m'est cher. C'est donc tout naturellement que j'ai eu envie de voir s'il y aurait alchimie entre ce livre et moi.
La narratrice, romancière, possède une propriété à la lisière de la forêt de Brocéliande. Depuis des années, elle entretient une amitié avec Diane, une rebouteuse, veuve, qui vit dans la région avec ses deux filles. « N’écris pas de choses horribles, disait Diane, car elles arrivent. ». Le jour où cette dernière meurt brutalement dans un accident de voiture, la narratrice craint d’avoir provoqué le destin. En effet, elle a commencé sa nouvelle histoire, sur la sorcellerie en Bretagne, par le meurtre du personnage principal. Accourue auprès des orphelines, elle se lie avec la cadette, Soann. Cette dernière, héritière, semble-t-il, des pouvoirs des femmes de sa lignée, est persuadée que sa mère a été victime d’un mauvais sort. Ensemble, la jeune fille et la romancière enquêtent pour faire la lumière sur cette douloureuse disparition. Au fil des pages, en étudiant l’entourage, traquant les secrets de famille, puisant dans leurs observations et en écoutant leur voix intérieure, elles vont démêler le réel de l’irrationnel, flirter entre ici et l’au-delà, revisiter les croyances et avancer vers leurs vérités.
Envoûtée. Voilà ce qui s’est passé pour moi avec cette lecture. Contrairement à certaines fois où je dévore un ouvrage d’une seule traite, j’ai ressenti le besoin impérieux de la lenteur. Indispensable pour laisser au texte le temps d’infuser… de distiller son message. Pendant des siècles, les sorcières ont été jugées malfaisantes, montrées vieilles et laides dans l’iconographie populaire. Stéphanie Janicot explique les origines de cette représentation et s’engouffre habilement dans le courant de réhabilitation qui souffle heureusement depuis quelques années, ouvrant ainsi les perspectives. Et si ces femmes, loin d’être les harpies maléfiques qu’on a longtemps décrites, avaient subi un mauvais procès, simplement parce qu’elles étaient différentes ? Refusant d’entrer dans le moule du patriarcat qui les bâillonnait pour mieux les soumettre ? Stéphanie Janicot décortique les mythes à travers le portrait d’une adolescente éveillée et le questionnement journalistique de sa narratrice. On se passionne pour l’intrigue et l’enquête qui en découle. On apprend énormément sur les pratiques ancestrales, sans jamais se perdre dans des théories fumeuses. L’auteur réussit le tour de force de nous faire garder les pieds sur terre, bien ancrés dans le sol des landes bretonnes, sauvages et attirantes. Elle se penche à la fois avec bienveillance et circonspection sur les liens entre la vie et la mort, la réalité et le surnaturel. Il en résulte un ouvrage doux et intense, d'où émergent des femmes connectées à leur connaissance, leur liberté, leur indépendance et leur intuition. Sans jugement, emphase ou parti pris, Stéphanie Janicot livre un récit empreint de spiritualité. La dernière page refermée, on baigne dans un sentiment de paix. Et si c’était la clé ?

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