La narratrice, romancière, possède une propriété à la lisière de la forêt de Brocéliande. Depuis des
années, elle entretient une amitié avec Diane, une rebouteuse, veuve, qui vit dans la région avec ses deux filles. « N’écris pas de
choses horribles, disait Diane, car elles
arrivent. ». Le jour où cette dernière meurt brutalement dans un accident de
voiture, la narratrice craint d’avoir provoqué le destin. En effet, elle a commencé sa
nouvelle histoire, sur la sorcellerie en Bretagne, par le meurtre du personnage
principal. Accourue auprès des orphelines, elle se lie avec la cadette, Soann.
Cette dernière, héritière, semble-t-il, des pouvoirs des femmes de sa lignée, est
persuadée que sa mère a été victime d’un mauvais sort. Ensemble, la jeune fille
et la romancière enquêtent pour faire la lumière sur cette douloureuse
disparition. Au fil des pages, en étudiant l’entourage, traquant les secrets de
famille, puisant dans leurs observations et en écoutant leur voix intérieure,
elles vont démêler le réel de l’irrationnel, flirter entre ici et l’au-delà,
revisiter les croyances et avancer vers leurs vérités.
Envoûtée. Voilà ce qui s’est
passé pour moi avec cette lecture. Contrairement à certaines fois où je dévore
un ouvrage d’une seule traite, j’ai ressenti le besoin impérieux de la lenteur.
Indispensable pour laisser au texte le temps d’infuser… de distiller son
message. Pendant des siècles, les sorcières ont été jugées malfaisantes,
montrées vieilles et laides dans l’iconographie populaire. Stéphanie Janicot
explique les origines de cette représentation et s’engouffre habilement dans le
courant de réhabilitation qui souffle heureusement depuis quelques années,
ouvrant ainsi les perspectives. Et si ces femmes, loin d’être les harpies
maléfiques qu’on a longtemps décrites, avaient subi un mauvais procès,
simplement parce qu’elles étaient différentes ? Refusant d’entrer dans le
moule du patriarcat qui les bâillonnait pour mieux les soumettre ? Stéphanie Janicot décortique les mythes à travers le portrait d’une adolescente
éveillée et le questionnement journalistique de sa narratrice. On se passionne
pour l’intrigue et l’enquête qui en découle. On apprend énormément sur les
pratiques ancestrales, sans jamais se perdre dans des théories fumeuses.
L’auteur réussit le tour de force de nous faire garder les pieds sur terre,
bien ancrés dans le sol des landes bretonnes, sauvages et attirantes. Elle se penche à la fois avec bienveillance et
circonspection sur les liens entre la vie et la mort, la réalité et le
surnaturel. Il en résulte un ouvrage doux et intense, d'où émergent des femmes connectées à leur connaissance, leur liberté, leur indépendance
et leur intuition. Sans jugement, emphase ou
parti pris, Stéphanie Janicot livre un récit empreint de spiritualité. La
dernière page refermée, on baigne dans un sentiment de paix. Et si c’était la
clé ?
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