mardi 30 avril 2019

Les oubliés du dimanche




Étouffer les souvenirs, oublier le passé, ignorer les signes, c'est se perdre, mourir à petit feu. La mémoire est ce qui nous tient en vie. Ce qui fait notre identité. Ce qui nous sauve du désespoir. La mémoire permet de construire, de réparer. Valérie Perrin nous en fait la démonstration magistrale dans un très beau premier roman que l'on peut se procurer en Livre de Poche.


Justine est aide-soignante dans une maison de retraite. Âgée d'une vingtaine d'années, elle vit chez ses grands-parents avec son cousin Jules. Leurs parents sont morts accidentellement lorsqu'ils étaient tout petits.
Le week-end, la jeune fille se détend en boîte de nuit, au Paradis. Elle a un principe : ne pas coucher plus d'une fois avec le même garçon. Sauf qu'avec « je-ne-me-rappelle-plus-comment », elle a dérogé à la règle et, si elle ne connaît toujours pas son prénom, s'est retrouvée dans son lit à plusieurs reprises.
A la maison de retraite, elle se passionne pour l'histoire d'Hélène, une pensionnaire presque centenaire. Dans un cahier bleu, elle écrit les confidences de la vieille dame pour pouvoir les transmettre à Roman, le petit-fils de cette dernière.
Un jour, à la maison de retraite, c'est l'effervescence. Un mystérieux anonyme a téléphoné aux familles des « oubliés du dimanche », ceux qui ne reçoivent jamais de visite, pour leur annoncer la mort de leur parent. Effet garanti. Les proches rappliquent. Les policiers trouveront-ils le corbeau ?
Enquêtes multiples. Entre le présent et le passé, Justine évolue dans l'écheveau complexe des secrets de famille. Hélène ne savait pas lire. Lucien, par un moyen détourné, lui a appris. Pendant la seconde guerre mondiale, Simon, juif polonais, a trouvé refuge dans le café que Lucien et Hélène tenaient ensemble. Simon a été tué. Qu'est devenu Lucien, arrêté ?
Les parents de Justine et Jules se rendaient à un baptême. Ils étaient jeunes. La vie leur souriait. Que leur est-il vraiment arrivé ? Pourquoi Jules est-il fâché avec ses grands-parents maternels ? Pourquoi leurs grands-parents paternels, qui les ont élevés, restent-ils obstinément silencieux ?
Autant le dire tout de suite, une fois le roman ouvert, il est difficile de s'en détacher avant la fin. Dès les premières pages, on est saisi par le charisme, la maturité et la fraîcheur de Justine Neige, la narratrice. L'action se passe à Milly, petit village bourguignon. Le Milly de Lamartine ? L'histoire ne le dit pas. La vie des habitants, d'hier et d'aujourd'hui, est racontée avec beaucoup de délicatesse. Valérie Perrin prend soin de ses personnages jusque dans leurs failles et leur rudesse. La romancière, d'énigmes en rebondissements, maintient son lecteur en haleine. Elle tisse patiemment ses récits enchevêtrés jusqu'à la chute délicieuse et inattendue.

Les oubliés du dimanche. Valérie Perrin. Livre de Poche. 7,90€