samedi 9 avril 2016

Angelina Jolie et les autres #6

Mon voyage à Paris m'a assommée et j'ai laissé tomber mes recherches pour terminer mes cartons. Les enfants et moi avons trouvé un point de chute, leur père me cédant sa place dans le grand appartement qu'il occupe pour éviter d'aller s'entasser dans 80m2 quand lui vit seul dans 250.
Vient le jour de la deuxième rencontre avec le chirurgien du centre Leclerc. Avant la consultation, j'ai des rendez-vous pour le fameux bilan d'extension, dont le nom, évocateur, indique qu'on va m'inspecter sous toutes les coutures pour voir si par hasard le crabe ne serait pas allé se nicher ailleurs. J'accepte la radiographie des poumons et l'échographie pelvienne. Je suis en revanche très partagée pour la scintigraphie osseuse. D'un côté on me dit : "C'est un petit cancer pas agressif" et de l'autre on aligne les examens. Passons. Nous sommes le 1er août. Après un intense travail et l'aide précieuse de mes amis pendant que monsieur faisait du "business" en Grèce, la maison a été vidée, nettoyée et vendue. On est passés chez le notaire la veille. Je passe sur les péripéties de la signature et les problèmes de levée d'hypothèque...
Je suis éreintée. De plus, sans doute très affectée par tous ces événements, j'ai eu deux cycles en l'espace de 28 jours, moi qui suis réglée comme du papier à musique d'ordinaire. Je suis donc à fleur de peau. On le serait à moins, je pense. Échographie. La dame qui m'accompagne et m'installe en salle d'examen allume la mèche en m'intimant sèchement d'ôter mon slip. Je regarde mes délicats dessous, couleur taupe. J'ai envie de pleurer. Heureusement, la radiologue vient à mon secours : "Oh ! Mais ce n'est pas un slip voyons... C'est une jolie culotte en dentelle !". Elle sourit, bienveillante. Ma peine est adoucie l'espace d'un instant. C'est l'interne qui pratique l'examen. Elle se débat, ne parvenant pas à distinguer l'ovaire gauche du droit. Il y a un truc pas normal. C'est évident, avec deux ovulations au lieu d'une, il y a eu surchauffe en juillet ! Personne ne m'écoute. Après avoir baladé la sonde à l'extérieur, m'écrasant la vessie pleine, l'interne change de stratégie. Délestée de mes deux litres d'urine, je me rallonge sur la table de torture pour subir l'épreuve suivante. Tout sauf une partie de plaisir, comme si mon corps refusait de laisser entrer cet étrange engin. Le médecin est appelé et là, branlebas de combat, ça y est , le feu est aux poudres. Explosion : kyste "suspect dans le contexte". On appelle à la hâte le chirurgien. J'ai beau demander à plusieurs reprises qu'on m'explique (je sais très bien faire la débile parfois !) ce que veulent dire les mots : "suspect dans le contexte", c'est l'affolement général. Je vois le mot cancer des ovaires écrit dans les yeux de tous les protagonistes.
J'ai juste envie d'être vulgaire et de leur dire : "Les gars, pétez un coup, détendez-vous et écoutez-moi. Ok, je suis porteuse d'un BRCA2- si vous voulez faire peur à un médecin, dites-lui cette formule pas magique, l'effet de panique est garanti !- mais toutes les femmes porteuses de cette mutation ne développent pas un cancer des ovaires ? Si ? Vos statistiques, elles sont où, là ? Maintenant vous allez m'écouter : je viens d'apprendre que j'ai un cancer du sein et vous êtes incapables de me proposer une prise en charge thérapeutique cohérente. Je suis passée devant un juge pour divorcer, un arrangement de pacotille, monté de toute pièce, j'ai vidé ma grande maison quasi seule, dû supporter les envies de ménage à trois d'un mari qui veut vivre sa vie sans quitter la mienne. Tout ça en gardant le sourire et en cherchant un chirurgien qui accepte de me faire une reconstruction immédiate car c'est impensable pour moi de me réveiller avec rien à la place du sein. J'ai encaissé tout ça entre le 17 juin et aujourd'hui. Et j'en passe. Putain mais vous êtes incapables de comprendre ça ? Cela fait une demi-heure que je m'époumone à vous dire que j'ai eu deux fois mes règles dans le mois. Deux fois !!! Et ça, ça ne justifie pas ce putain de kyste ??? Un simple kyste fonctionnel ?"

Alors je sais qu'ils voient des jeunes femmes mourir tous les jours. Je sais qu'ils veulent sauver des vies. Je sais qu'ils ne veulent pas passer à côté d'un signal d'alerte pour ne pas s'en mordre les doigts plus tard. Je sais qu'il n'y a pas de bonne ou mauvaise solution. Il y a des circonstances. Mais à ce moment-là, je suis dans une telle détresse, une telle impuissance, un tel épuisement physique et moral... Je me raccroche à ce que je peux. Et là, il s'agit de la volonté de maîtriser ce qui est fait de mon corps, en écoutant et mon intuition et la raison. Exercice périlleux. Je ne tiens qu'à ça. Je ne veux pas leur livrer mon corps en pâture au nom du principe de précaution. Je veux faire les choses de telle façon que je puisse continuer à vivre. Et pas seulement survivre. Comment leur dire que je sais tout des cicatrices qu'ils me décrivent comme un remède ? Comment leur dire que je sais tout des désillusions de leurs fausses promesses de reconstruction mammaire ? Comment leur dire ?
Allez voir un psy ! Combien de fois ai-je entendu cela ? Ce n'est pas moi qui ai besoin de cela... C'est vous, les soignants, qui devez apprendre à composer avec la personnalité des femmes qui sont en face de vous. Et les femmes, comme moi, qui ont vu leur mère ballotée d'hôpital en clinique, de chimio en rayons, d'opérations en rendez-vous divers et qui, aujourd'hui, ne sont pas orphelines, combien y en a t-il ? Des femmes comme moi qui ont vu leur petite sœur se battre, subir, encaisser, remonter la pente, accepter, raconter, souffrir, espérer... Savent-ils seulement écouter ? Car je ne leur demande pas de me comprendre (est-ce que je me comprends moi-même ?), seulement d'écouter mon questionnement et de chercher avec moi des réponses thérapeutiques qui ne relèvent pas de la prise en charge psychologique mais bien d'un protocole de soins personnalisé au regard de ce que les connaissances en médecine et l'expérience peuvent apporter...

C'est le début d'un mois d'août ubuesque. Je repousse le rendez-vous de la scintigraphie osseuse que je ne ferai de toute façon pas. Je discute longuement avec le chirurgien qui veut bien chercher des solutions avec moi. J'obtiens que mon dossier passe en RCP, c'est à dire une réunion de concertation pluri-disciplinaire. Je prends rendez-vous avec la psychologue du centre. Là, j'hallucine. Pour se rendre au bureau de consultation, il faut traverser le service de chimiothérapie. De chaque côté du couloir, des boxes, avec des gens en plus ou moins bon état, branchés à leur perfusion. Cerise sur le gâteau, j'apprends que la psychologue, n'étant pas médecin, n'a pas le droit de participer à la RCP. J'ai l'impression de marcher sur la tête. Lors d'un rendez-vous suivant, à peine suis-je installée dans le bureau du chirurgien que ce dernier, s'adressant à mon fils aîné pas encore majeur qui a voulu m'accompagner ce jour-là, assène : "Il faut que vous fassiez la prise de sang pour voir si vous êtes porteur de la mutation génétique car les hommes sont touchés aussi. Ils ont des risques accrus de cancer du sein aussi et de cancer de la prostate !"
Je sors de mes gonds. C'en est trop !
-Vous plaisantez j'espère ? Vous savez quel âge il a ? Il ne peut de toute façon pas prendre une décision maintenant. Votre façon de faire, à chercher la petite bête systématiquement, confine au harcèlement. Mais c'est quoi votre problème ? Vous passez votre temps à me mettre la pression et vous cherchez à la mettre à mes enfants, c'est insupportable. Qu'on soit conscient des risques d'accord, mais vous exagérez !
Et là, j'entends, ébahie, la réponse du monsieur :
-C'est vrai qu'à force de chercher constamment quelque chose, on finit par rendre les gens malades.
Je scrute son visage mais il n'y a pas la moindre trace de second degré !

Lors de ces rendez-vous d'août, il a été question de faire de la chimiothérapie avant la chirurgie, ou bien, non, plutôt une hormonothérapie, enfin... La partie de ping pong entre le chirurgien, l'oncologue et moi me semble surréaliste... A chacun de leurs arguments, je tente de questionner pour évaluer les conséquences, et chaque fois, il y a un hic. Parallèlement, le chirurgien m'a flanqué une telle trouille pour les ovaires que je décide de l'ablation, le 20 août. Certes, j'ai ma petite idée derrière la tête...

Le jour J, ce sont mes beaux-parents, dévoués, qui m'accompagnent. Le mari est parti à Dubaï... Je passe sur les détails de son voyage et de ce que je découvrirai bien plus tard. Beaux-parents dévoués. Il n'y a que cela à retenir. Durant toute cette période, ils ont été près de moi, dans un silence réprobateur à l'égard du comportement de leur fils, tentant, du mieux qu'ils pouvaient, d'être humains avec cette belle-fille qui ne parvenait pas à sortir du cercle vicieux dans lequel la maintenait leur enfant. Et je resterai infiniment reconnaissante de cela. Ils ont mis beaucoup de douceur dans ma souffrance. Leur présence et leur soutien ont été un profond réconfort. A l'hôpital, on m'indique ma chambre. Je rencontre une nouvelle fois mon chirurgien. L'intervention doit avoir lieu le lendemain. Il me demande comment j'ai cheminé au sujet du sein depuis notre dernière rencontre. Il y a une chose que j'ai besoin de vérifier :
-En fait, si je fais un traitement au tamoxifène*, quoiqu'il en soit, ensuite, lors de l'intervention chirurgicale, vous enlevez la chaîne ganglionnaire... C'est bien ça ? Alors que si l'on fait une chirurgie primaire, il n'y aura que prélèvement du ganglion sentinelle et si ce dernier est sain, on ne touche pas à la chaîne ganglionnaire. J'ai bien compris ?
-Oui, c'est exactement ça...
-Alors pourquoi me proposer ce traitement au tamoxifène en première intention, pour ensuite procéder à une mastectomie-puisque vous avez dit vous-même que la tumeur était trop grosse par rapport à mon sein, pour permettre un résultat esthétique correct et que la mastectomie était la seule solution- avec en plus l'obligation d'enlever une chaîne ganglionnaire qui est peut-être saine ?
Encore une fois, je réagis comme la petite fille de maman. Maman qui a un bras énorme et douloureux, gonflé de lymphe depuis des années. Le chirurgien me présente cette phase de l'intervention comme anodine. Or, si les effets sont bien mieux pris en charge maintenant qu'il y a quarante ans, on ne peut ignorer ou minimiser les conséquences d'un tel acte. Je bous. Encore et toujours.
Nous voilà à la question du jour. Les ovaires. Je sais que lors d'une ovariectomie, le protocole (toujours lui !) veut qu'avant l'intervention soit pratiquée une échographie, c'est obligatoire. Les médecins, début août, n'ont pas accédé à ma demande de procéder à une échographie de contrôle un peu plus tard pour vérifier si le kyste observé pouvait être fonctionnel. J'obtiens donc satisfaction par ce biais-là.
-Je vais aller faire l'écho pelvienne ?
-Oui.
-Ce serait possible de faire une écho mammaire aussi ?
-Quelle drôle d'idée ! Pourquoi donc ?
-Euh... Ben quand même, pour voir si le cancer n'a pas trop évolué depuis la mi-juin !
-Si ça peut vous rassurer, pourquoi pas !
Je souris... Me rassurer ?
Mes beaux-parents m'attendent dans la chambre. Nous décidons d'aller nous installer au bout du couloir, dans un salon assez confortable et qui, dieu merci, ressemble plus à un lobby d'hôtel qu'à un hôpital. La pièce est baignée de soleil. Nous devisons et lisons les magazines pour tromper l'attente. Une infirmière surgit soudain, qui nous cherchait partout. Elle n'est pas fâchée, me conduit dans la chambre où m'attend l'anesthésiste. Elle plaisante en disant gentiment qu'elle reviendra plus tard pour me préparer pour l'opération demain. Me raser ? Le médecin anesthésiste est physiquement repoussant. Ce n'est évidemment pas celui que j'ai rencontré à la consultation préalable. Il me regarde à peine, le nez dans ses papiers. Il marmonne des réponses incompréhensibles à mes questions puis, lassé, prend congé en disant un peu agacé :
-Oh, mais c'est bon, laissez-moi faire mon boulot... Contentez-vous de guérir après.
Oups... J'ai des envies de meurtre. Autant dire que j'arrive remontée à bloc au sous-sol, où l'on m'a enfin appelée pour les échos. Là, je retrouve le même médecin que début août. Elle est détendue et à l'écoute, contrairement à la première fois. L'examen est absolument normal. Nous discutons longuement. Je lui fais part de mes doutes à l'égard du chirurgien et du processus thérapeutique flou qui m'est proposé. Je lui indique que je ne vois pas l'intérêt d’intervenir sur les ovaires en urgence. Elle acquiesce. Nous changeons de salle et de matériel pour l'écho mammaire. Là, elle constate sans grande surprise qu'il y a sans doute une propagation dans le sein, de tous petits foyers autour du premier. Je pense que j'ai fait le deuil de mon sein car cela ne m'inquiète pas outre mesure. Je me dis seulement qu'il faut agir vite. Et que l'on n'en serait probablement pas là si l'on s'était dispensé de la biopsie. Notre échange à bâtons rompus se poursuit et la femme prend le dessus sur le médecin. Elle parle de son ressenti, de la façon dont elle pense qu'elle réagirait si cela lui arrivait. Je lui confie que j'ai l'intention d'aller me faire soigner ailleurs. A l'institut Curie sans doute. "C'est ce que je ferais si j'étais à votre place". Cette phrase achève de me convaincre.

Mes beaux-parents sont toujours dans la chambre et m'attendent. Je m'installe en tailleur sur le lit et leur fais part de ma détermination. Le chirurgien arrive alors dans la pièce avec son air vainqueur, se postant au bout du lit, les mains sur le rebord :
-Alors, qu'est ce qu'on fait ?
-Alors je rentre chez moi.
Le praticien voit rouge et ne peut le masquer. Il était dans les starting block avec le bistouri, prêt à tout enlever le lendemain matin. Il manque de s'étouffer...
-Quoi ? Vous voulez rentrer chez vous avec votre cancer ?
Sa voix tonne. Assise en tailleur sur mon lit je suis obligée de lever la tête vers lui. Il me domine. Je tâche de ne pas me laisser impressionner. Cependant, je n'ai pas la présence d'esprit de faire un trait d'humour en lui demandant si c'est possible de repartir en laissant sur place le cancer en question. J'affirme juste d'une voix ferme :
-Oui, je rentre chez moi avec mes ovaires et mon cancer et je vais aller me faire soigner ailleurs. Ma sœur est suivie à l'institut Curie, j'irai là-bas.
-Eh bien allez-y donc ! Moi des seins, j'en fais mille par an, alors un de plus un de moins !
-Ben moi, je suis une personne et des seins j'en ai que deux, voyez-vous, et j'entends qu'ils soient traités de la meilleure façon qui soit !
-De toute façon à Curie, je les connais très bien, j'étais leur élève. Le docteur H et le professeur P... Mais à cette période de l'année vous ne pourrez jamais les avoir, vous serez opérée par je ne sais qui, c'est comme vous voulez !
Il déverse encore un peu sa haine et sa soif de reconnaissance, furieux de ma réaction, puis, voyant que je ne me démonte pas, il capitule et quitte les lieux en grommelant.





*tamoxifène : hormonothérapie destinée à combattre la prolifération des cellules cancéreuses dans un cancer hormono-dépendant. La molécule bloque l'absorption par la glande mammaire de l’œstrogène qui "nourrit" la tumeur. Si le traitement est pris avant la chirurgie, l'analyse du ganglion sentinelle peut donner un faux-négatif. Pour ne pas prendre de risque, la chaine ganglionnaire est donc enlevée systématiquement.

dimanche 3 avril 2016

Festival du film policier. Jour 4.



Samedi est une journée intense. Le centre ville de Beaune est animé. Les gens se promènent sur le marché. Rue Maufoux, la porte de la "Maison de Maurice" est ouverte. Un pianiste joue "chabadabada" et on se croirait dans un film de Lelouch.
Place Carnot, la foule se presse pour admirer des véhicules de police d’ici et d’ailleurs, d’aujourd’hui et d’autrefois. Outre un impressionnant Hummer et une légendaire Ford Mustang, sont exposés de vieux modèles de la police française, couleur pie, présentés par une association dont la plupart des membres sont d’anciens policiers passionnés. Les enfants ont le droit de s’installer au volant et d’actionner la sirène, grâce à un petit bouton rouge placé sous le tableau de bord.  
Les voitures de police étaient essentiellement des Renault (entreprise nationalisée). Celle-ci date de 1957.
 A la librairie "Des livres et des hommes", l'éclectique François-Henri Soulié signe dans la bonne humeur son ouvrage "Il n'y a pas de passé simple". La conversation s'engage avec un couple de clients qui se chamaillent gentiment. Quand la dame demande où habite l'auteur et qu'il répond "Montauban", le monsieur, taquin, commente : "On ne devrait jamais quitter Montauban". Remarque qui fait bien évidemment sourire les inconditionnels des "Tontons flingueurs" que nous sommes.
En fin de matinée, c’est la projection de « Diamant noir », un film français d’Arthur Harari. Les différents jurés se répartissent ensuite en plusieurs lieux pour un déjeuner de délibération. Sandrine Bonnaire (Jury long métrage) entraîne sa troupe au Cep, tandis que Serge Moati (Jury Sang Neuf) investit le Jardin des Remparts avec ses acolytes. Danielle Thiéry (Jury Police) et ses pointures s’installent à l’Hôtel de La Poste. Le discret jury des critiques doit également décerner un prix. Pour faire leur choix, les journalistes se réunissent au Piq’bœuf. Pendant ce temps, la foule se presse aux abords du Cap Cinéma. La leçon de cinéma de Brian de Palma commence en milieu d’après-midi. Jean-François Rauger, directeur de programmation de la Cinémathèque française, interroge Brian de Palma et soumet des extraits de films (Pulsions, L’impasse, Passion). Il est question de l’importance des musiques et de la technique du split screen (ou écran divisé, qui permet de montrer plusieurs images en même temps). Entre points précis de biographie et anecdotes savoureuses, une heure et demie se passe.
Masterclass. Brian de Palma avec le maître de cérémonie, traducteur.

Enfin, voilà le moment du dernier tapis rouge. Après la remise des prix littéraires et l’intervention de Dominique Manotti, récompensée pour son livre « Or Noir », le Palmarès de la Huitième édition du Festival du Film Policier de Beaune est dévoilé. Serge Moati attribue le Prix Sang Neuf au film « Les Ardennes », du flamand Robin Pront. Philippe Rouyer représente le jury des critiques, unanimes pour décerner le prix au film coréen « Man on High Heels ». Danielle Thiéry fait ensuite un discours très remarqué. Avec humour, elle tisse un lien entre l’événement culturel de l’industrie cinématographique et la région, soulignant « l’accueil formidable des producteurs de vin et de films qui savent faire partager leur passion chacun dans leur domaine. » Un petit coup d’œil à l’assemblée et elle répète : « leur domaine » ! Les rires fusent. Elle énonce ensuite le verdict de son jury. « Fritz Bauer, un héros allemand », revient sur un épisode sombre de l’histoire et c’est ce film qui a rencontré l’adhésion des policiers. Sandrine Bonnaire monte ensuite sur scène. Elle évoque en premier lieu le prix du Jury pour lequel le directeur du festival a validé la possibilité d’une égalité. Sans surprise donc, le public apprend que « Diamant Noir », et « Desierto » (Jonas Cuaron) sont tous deux primés. Enfin, le film « Man on High Heels » est à nouveau récompensé, cette fois par le Grand Prix 2016. Le producteur, ému, rappelle les difficultés pour distribuer un tel film et espère que ce trophée facilitera les choses.
Après une dernière projection, le cocktail du Palmarès se tient aux Ateliers du Cinéma de Claude Lelouch, très présent au cours de cette huitième édition. Huitième édition comme le symbole de l’infini qu’évoquait Alain Suguenot dans son discours d’ouverture, en souhaitant que la manifestation se pérennise. Huit, comme les merveilles du monde. « Je sais, a précisé Danièle Thiéry, il n’y en a que sept… Mais on en a tous une huitième quelque part ». Du grand art.

Le jury Long Métrage au complet avec le lauréat du Grand Prix.


Sandrine Bonnaire lumineuse en interview

Festival du film policier. Jour 3




C'est un film coréen que les jurés découvrent vendredi matin, avec une légère appréhension après les agapes de la veille. Contrairement à leurs craintes, ils sortent plutôt conquis. Pendant ce temps, l'agitation règne « Porte Marie de Bourgogne ». 

Daniela Lumbroso à la lanterne magique
A la Lanterne Magique, la salle est prête depuis mercredi pour recevoir l'émission de France Bleu « Midi ensemble » présentée par Daniela Lumbroso. Et ce n'est pas un poisson d'avril. Le public attend sagement l'ouverture des portes. La moyenne d'âge de l'assistance chute brusquement avec l'arrivée des élèves du lycée  Marey. Leurs camarades de « bac pro » sont à l’accueil. Une partie d’entre eux ont travaillé avec leur professeur de français sur la filmographie de l’actrice Sandrine Bonnaire, l’une des invitées du jour. Sami Bouajila rejoint le plateau un peu plus tard et se prête au jeu des questions de l’animatrice. A la fin du direct, une séance improvisée de photos et dédicaces se déroule dans la bonne humeur. Quand je demande à Daniela Lumbroso ce que cela représente pour elle de se déplacer en région, elle pointe immédiatement le plaisir de l'interaction avec le public, qu'elle voit réagir en direct à ses propos et ceux de ses invités.
Sami Bouajila

En fin d’après-midi, se retrouve sur le tapis rouge toute l’équipe du film « Braqueurs », projeté le soir même, et dans lequel jouent Sami Bouajila et le sulfureux Kaaris. Je découvre les paroles assez surprenantes (et affligeantes de mon point de vue) des chansons du rappeur. Dans le carré des photographes, on prend le parti d'en rire. Cela tourne même à l'hilarité quand notre maire, qui a échangé quelques mots avec le chanteur acteur vient fièrement nous annoncer qu'il a réussi à glisser dans la conversation une histoire de gros doigt de pied assez effrayante, en référence à une chanson de l'intéressé.
Bruno Todeschini, du jury Sang Neuf, m'offre un beau sourire !
 Mais l’effervescence est à son comble avec l’arrivée de Brian De Palma. Homme imposant à l’immense talent, le réalisateur a dans le regard un soupçon de bienveillance et de mélancolie qui adoucit son image. Il s’arrête le long des barrières et signe les autographes.
Le réalisateur Brian de Palma
 Enfin, dans la salle, une standing ovation l’attend. Hommage lui est rendu. Il s’adresse au public après avoir reçu son trophée. Simplement. Il se souvient de l’époque où il admirait le réalisateur Vicente Minelli (Un Américain à Paris). Parle des festivals où il se rend depuis sa jeunesse et encore aujourd’hui, en tant que réalisateur, même s’il n’a pas de film en compétition. Ce qui étonne les gens mais qui montre bien la modestie du personnage. Il souligne l’importance de voir des œuvres sur grand écran, à l’heure où tout le monde a les yeux rivés sur le téléphone portable ou l’ordinateur. Très applaudi à la fin de sa prestation, il ne quitte pas la salle comme on aurait pu s’y attendre mais retourne à sa place. Le réalisateur Julien Leclercq, qui vient ensuite présenter son long métrage, en est tout bouleversé. Tous ses acteurs sont autour de lui. Assise au premier rang, je supporte assez mal le foisonnement d'images et de violence du film. Sami Bouajila offre cependant une belle prestation d'acteur. En dehors de cela et de quelques plans serrés immersifs, je m'ennuie beaucoup.
 A la fin, l’assemblée des jurés et partenaires se dirige à la Comédie du Vin où se sont associés plusieurs traiteurs et pâtissier locaux, pour concocter le menu qui accompagnera les vins de cette Banée des jeunes négociants. Le principe est le même qu'à la Paulée : dégustation dans une atmosphère chaleureuse.
Sur cette photo de la Comédie du Vin : Claude Lelouch, Sandrine Bonnaire, Brian de Palma, Bruno Todeschini et bien d'autres...

 Les convives voient défiler des Meursault, Puligny-Montrachet, Volnay, Pommard et autres Irancy qui ravissent leurs papilles. Le niveau sonore monte, les gens se déplacent d’une table à l’autre. Je discute lutte syndicale et littérature avec Dominique Manotti, historienne et auteur, qui doit recevoir un prix littéraire... De l'engagement pour les femmes de Gisèle Halimi au roman noir, la conversation semble inépuisable. Je parle beaucoup avec les partenaires et amis sans lesquels le festival ne serait pas ce qu'il est. Marina (Comédie des Mets) et Jean-François (Comédie du Vin), Michel (Maison Albert Bichot), Laurent et Ariane (Le Grand Café de Lyon). Chacun a quelque chose à m'apprendre sur son engagement pour que de telles manifestations puissent continuer d'avoir lieu. D'ailleurs, en échangeant avec Sandrine Bonnaire, j'ai la confirmation que les membres des différents jurys se félicitent de l’accueil, à Beaune. Ici, on trouve vraiment quelque chose de très particulier et convivial. Avec l'actrice et réalisatrice très souriante et accessible, il est question d'éducation et de parcours de vie... Je ne l'interroge pas sur la compétition, seulement pour savoir où elle en est dans les projections. Il reste un film à voir le lendemain matin avant les délibérations. Danielle Thiéry, présidente du jury Spécial Police, très sollicitée, avoue que la fatigue gagne. L’assemblée se dissout, sans mauvais jeu de mots, vers deux heures du matin.

Echantillon des vins offerts... Avec le fromage, un Santenay 1976 mémorable !

 


Petite galerie photos...

Daniela Lumbroso avec les élèves du lycée Marey



Avec Sandrine Bonnaire


Avec Dominique Manotti