samedi 16 décembre 2017

Fred Bernard : au bout du pinceau, la vie !

 
Fred Bernard rentre d’un salon à Aubagne, se prépare à partir pour le suivant à Blois. Il n’était pas là pour la Vente des Vins et regrette de n’avoir pas eu l’occasion de se promener au milieu de la foule à Beaune pour cette fête si populaire. Avec sa double casquette d’auteur de BD et de récits pour la littérature jeunesse, il enchaîne les signatures. Rencontre entre deux trains.

Je m'amuse à dessiner et coloriser le dessinateur !


C’est un matin d’automne où le brouillard, épais, promet de passer sa journée à écraser les vignes alentours et notre moral avec. Pourtant, au sortir de Beaune en direction de Savigny, un mouvement, un rai de lumière, semblent annoncer que le soleil n’a pas dit son dernier mot. Le GPS, comme à sa bonne habitude me perd. Je tourne dans les ruelles enchevêtrées du village viticole avant d’arriver enfin à destination. J’ouvre une porte et je pénètre dans l’antre de Fred Bernard. La végétation du jardin, clos de murs, s'est figée dans une joyeuse pagaille pour le long sommeil de l’hiver. Le lieu me semble étrangement familier. J’ai peu de temps pour détailler la maison, sa véranda ancienne, les objets chinés qui annoncent le foisonnement de l’artiste. Il vient à ma rencontre tout sourire, m’offre un café et nous voilà attablés, discutant à bâtons rompus.


Fred Bernard passe son enfance à Savigny-les-Beaune. Son avenir semble tout tracé. D’un côté de la famille on est maçon de père en fils et de l’autre viticulteur. « Tu as de la chance, lui dit-on, tu pourras choisir ». C’est ce qui a cours depuis des générations, ce n’est pas remis en question. Fred Bernard, lui, aime les animaux et se rêve vétérinaire en Afrique. Le dessin et l’écriture sont vécus comme un loisir ; il participe aux cours du soir des Beaux-Arts à Beaune. Ses profs lui disent : «  ça a l’air de te plaire, cela pourrait devenir autre chose qu’un passe-temps». Mais Fred Bernard n’écoute pas. En terminale scientifique, il est toujours décidé à être vétérinaire. Pourtant, le jour où une de ses copines, d’un an son aînée, en première année de médecine, lui montre la charge de travail qui pèse sur elle, il est ébranlé. Il se dit que ça va faire beaucoup pour lui et ne se pense pas capable d’assumer une telle tâche. Il passe le concours des Beaux-Arts quelques semaines avant le bac. Reçu, il entame une aventure de deux ans à Beaune. Il réalise qu’il a envie de raconter des histoires. A l’époque, internet n’existait pas (oui, on parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître !). Il est donc assez difficile de repérer l’offre des écoles pour poursuivre sa formation. Une élève de Lyon rend alors visite à ses anciens professeurs et montre son travail. Fred Bernard est captivé. Il se dit : « C’est ça que je veux faire ». Il ne sait pas qu’il existe des écoles publiques comme à Strasbourg par exemple. Un emprunt étudiant plus tard, il se retrouve à Lyon, à l’école Emile Cohl où il fait la connaissance de François Roca.

A la Librairie Athenaeum de Beaune le 9 décembre



Une rencontre qui marque le début d’une amitié et d’une collaboration artistique qui durent depuis plus de vingt ans. Je m’étonne de l’association des deux personnalités. L’une que je vois (même si, on est d’accord, ne connaissant pas les protagonistes, je me fie uniquement aux apparences) plutôt optimiste, active voire hyperactive et joyeuse, l’autre, plus sombre, plus torturée, plus solitaire. Fred Bernard part d’un grand éclat de rire ! Il interpelle sa femme, qui se prépare à prendre dans la matinée un train pour Paris où l’attend un rendez-vous professionnel. « Tu as entendu ? » demande-t-il amusé. Suis-je hors sujet ou ai-je tapé dans le mille ? Il reconnaît que lorsqu’ils se sont rencontrés, François Roca avait un côté « dark », qu’il écoutait plutôt du rock dur…  Mais il ne peut être réduit à cela. Il faut cependant reconnaître à ses dessins un petit côté « gothique ». Quand ils travaillent ensemble, Fred et François se donnent un thème. Fred écrit, avec le plus de détails possibles pour que l’illustrateur visualise et traduise l’univers imaginé par l’auteur en y ajoutant sa touche. Dans « La malédiction de l’anneau d’Or », Fred a voulu raconter l’histoire de la sorcière d’ « Anya » (sorti il y a deux ans). Cela n’est pas « pitché », car il n’y a pas besoin d’avoir lu les précédents volumes pour se laisser envoûter par ce nouvel album. La grande différence entre la BD adulte et la littérature jeunesse, c’est que le public se renouvelle sans cesse. Les deux complices se sont retrouvés à l’Atheaneum le 9 décembre dernier en signature. L’occasion pour le lecteur averti ou novice d'explorer l’univers fantastique du dernier album ou de découvrir l’œuvre prolifique de chaque artiste. A noter que Fred Bernard et François Roca ont reçu récemment des mains de Francis Esménard, président des éditions Albin Michel, la médaille de Chevalier des Arts et des Lettres, distinction plutôt rare pour des auteurs jeunesse.

Le dernier album des deux compères


Pour l’instant, on est loin de Paris, accoudé à la grande table de ferme. Fred Bernard va chercher des livres, revient s’installer, me montre avec passion et sans prétention la palette de ses talents.

Dans un opus paru en 2014 et illustré par Emile Bravo, « On nous a coupé les ailes » il raconte l’histoire de l’arrière-grand-père de sa femme. Comme tant d’autres jeunes hommes, ce dernier s’est trouvé dans les tranchées pendant la première guerre mondiale dont on commémore le centenaire. Joaillier de formation, il était télégraphiste sur le front. Après chaque bataille, il devait sortir et dérouler des kilomètres de fil pour restaurer les communications. Il a perdu nombre de ses collègues. Comme beaucoup d’autres il s’est demandé pourquoi, lui, avait été épargné. Traumatisé, quand il le pouvait, il récupérait des morceaux de métal et fabriquait des miniatures d’avion, acte de résilience. C’est son arrière-petite fille qui conserve précieusement les modèles. Fred se lève une nouvelle fois et me rapporte un joyau du salon. Le même que celui que l’on trouve dans l'ouvrage.


« Gold Star Mothers » est le dernier sorti de ses livres (Delcourt 2017). C’est la première fois qu’il illustre une histoire qui n’est pas de lui. Écrite par Catherine Grive, historienne canadienne, elle raconte l’incroyable épopée des veuves et mères de soldats américains tombés pour la France en 14-18. A l’époque, tous les corps n’étaient pas rapatriés. Avant le crash de 1929, le gouvernement avait donc voté l’organisation de croisières pour que ces femmes puissent aller se recueillir sur la tombe de leur mari, de leur frère ou de leur fils. Seule condition pour les veuves, ne pas être remariée. Les femmes embarquaient avec d’autres inconnues et accrochaient une médaille à leur vêtement pour se reconnaître. Arrivées à Paris elles allaient au Ritz et à l’Opéra Garnier avant de se rendre sur le lieu où leurs proches avaient été inhumés. Fred Bernard raconte qu’il a voulu un temps dessiner des personnes de couleur mais qu’il y a renoncé. Pourquoi ? Tout simplement pour respecter la vérité historique. Des croisières, bien plus bas de gamme, étaient spécialement organisées pour les mamans « noires ».




Fred Bernard n’illustre pas ses histoires. S’il se focalise sur l’écriture, il n’a plus l’espace de création nécessaire pour dessiner ensuite. Il préfère confier le travail à un(e) autre. Et se consacre au dessin pour ses BD. Il aime autant écrire que dessiner, autant la jeunesse que la bande dessinée.  Depuis un an, il a fait de sa maison de campagne à Savigny-les-Beaune sa résidence principale. 




C’était la maison de son grand-père. Il a perçu l’importance de la transmission, qu’il ne voyait pas lorsqu’il avait 18 ans. Il en a fait un très joli recueil illustré, « Chroniques de la Vigne » (Glénat. 2013) dans lequel il relate des entretiens avec son grand père. Tiens, n’est-ce pas dans cet album que j’ai déjà vu le jardin de la maison ?
La Bourgogne est aussi le QG de Jeanne Picquigny. Fred Bernard adore ce personnage. 


Les aventures de son héroïne, c’est ce dont il rêve en tant que lecteur. Cette aventurière serait-elle le double féminin de la vie fantasmée de Fred ? « C’est un hommage à ma grand-mère fantasque prénommée Jeanne » répond-il sobrement. Et il rebondit sur le plaisir qu’il a de développer les personnalités de ses héros au long cours puisque la BD existe depuis 13 ans ! Jeanne Picquigny a sa préférence et il reconnaît volontiers qu'il est aussi accroc que ses lecteurs. Il n’a pas délaissé ses amours d’autrefois et se réjouit que des scientifiques et des ethnologues se passionnent pour ses BD. Ses albums sont toujours très documentés et se basent sur des faits historiques. Jeanne voyage beaucoup. Fred Bernard est allé dans tous les pays où il emmène Jeanne.
Dans ses pérégrinations, il emporte toujours ses crayons de couleurs et ses aquarelles. Il a la chance, dit-il, d’avoir une femme qui le laisse dessiner. Dans la pièce d’à côté, Anne-Céline, l’intéressée, ne dit rien. Ces deux-là ont compris qu’aimer ne rime pas avec accaparer. Aimer ne rime à rien si on ne se laisse pas mutuellement  la possibilité de faire fructifier ses talents. Il est bon aussi de reconnaître la patience de l’autre, ce que Fred Bernard fait avec candeur : « Il faut accepter, parce que je me pose une demi-heure quelque part pour faire des croquis, prendre des notes ». Oui, et il revient avec des carnets de voyage d’une grande richesse, dans lesquels il puise ensuite. Il me permet d’en feuilleter un, qui m’emmène à Angkor… vieilles pierres sacrées enchâssées dans une végétation luxuriante. Un dessin sur la page de gauche attire mon attention. L’artiste m’explique qu’il a croqué là-bas la différence entre les nénuphars et les lotus. La feuille de nénuphar touche l’eau, elle peut être mouillée, alors que celle de lotus est toujours au-dessus de l’eau et elle est hydrophobe.



Le temps passe et la parisienne exilée en Bourgogne ne veut pas rater son train pour la capitale. Comme je la comprends ! D’autant qu’entre Beaune et Dijon, on n’est jamais sûr de rien (les usagers de la ligne TER comprendront). On se sépare en souriant, se promettant de se recontacter si besoin pour compléter ce qui s’est dit. Il aura pourtant suffi d’une heure un mardi matin pour s’en raconter déjà beaucoup. Fred Bernard a su garder la curiosité insatiable de l’enfance. Et vous voulez que je vous confie un secret ? C’est contagieux ! Sur le chemin du retour, le soleil caresse délicatement les vignes nues tandis que quelques volutes de brume finissent par battre en retraite. C’est une belle journée.









mercredi 22 novembre 2017

La vente des Vins dans les coulisses de la maison Albert-Bichot





Dans l’effervescence de la 157ème vente des vins des hospices de Beaune et alors que partout en ville, curieux, amateurs et touristes profitent du spectacle et des nombreuses activités gastronomiques, vinesques et culturelles, les professionnels eux, reçoivent leurs clients, dégustent, commentent et achètent le vin des Hospices lors de la Vente aux Enchères du dimanche après-midi. Trois Glorieuses pas de tout repos pour Albéric Bichot et son équipe, sur le pont depuis très longtemps pour faire de ce week-end une fête réussie et répondre au mieux aux attentes des clients.

Histoire
La Maison Albert-Bichot est une institution. La famille, dont on retrouve les premières traces jusqu’en 1214, s’est enracinée en Bourgogne au XIVème siècle. Ses armoiries restent depuis lors inchangées et son symbole est la biche. En 1831, Bernard Bichot fonde une maison de négoce basée à Monthelie. Ses enfants feront prospérer l’affaire en achetant des vignes, déjà persuadés que la maîtrise de l’amont est nécessaire. Albert Bichot, premier du nom, redonne un nouvel essor à l’entreprise familiale à la fin du XIXème siècle et l’installe définitivement à Beaune en 1912. Albéric Bichot, après avoir exploré le monde, rejoint la maison en 1990 et prend la direction de l’entreprise en 1996. Il a de nombreux défis à relever : le passage à l’agriculture biologique, l’adaptation perpétuelle aux nouveaux marchés, la valorisation et le rayonnement des vins de Bourgogne. Albert-Bichot a été l’un des grands mécènes de l’inscription des climats de Bourgogne au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Les préparatifs
Dès la fin du week-end de la Vente des Vins, Isabelle, la responsable de la communication de la Maison Albert-Bichot, effectue des pré-réservations pour l’année suivante. Elle pose des options pour les hôtels et les traiteurs. Pas question d’être pris de cours. Avant la fin de l’année, mieux vaut avoir planifié. De même, il faut bloquer les places pour les prestigieux repas des Trois Glorieuses, au Clos Vougeot le samedi, au Bastion le dimanche et enfin à la Paulée de Meursault le lundi. Places évidemment rares, qui sont destinées à des clients intronisés le samedi soir au Clos de Vougeot, des importateurs ou encore des journalistes. L’idée est de faire plaisir aux très bons clients qui rêvent de décrocher le Graal en participant à ces réjouissances. Le jour venu, Isabelle Philippe, qui a chapeauté l’organisation des festivités, accueille les participants. En tout, ce sont environ cent cinquante personnes qui passent le week-end à Beaune. Venus du monde entier et de toute la France mais aussi partenaires locaux. En marge des manifestations officielles, la Maison de Vins organise dégustations et repas.
Auparavant, et dans les quinze jours qui précèdent, les responsables commerciaux font les propositions auprès de leurs clients professionnels et leur envoient des notes de la dégustation des vins des Hospices. Ils font un compte-rendu précis tenant compte des évolutions par rapport aux années précédentes. Chaque client indique alors ses préférences. On comptabilise les demandes pour anticiper les pièces qui seront convoitées lors de la vente. Depuis quelques années, la Maison Albert-Bichot a mis en place une prospection auprès de la clientèle particulière. Quatre ou cinq cuvées sont sélectionnées par l’équipe technique et proposées à l’achat à partir de six bouteilles.

Samedi
Un grand déjeuner se tient dans la Cuverie du Clos Frantin à Nuits Saint-Georges avec des clients français et étrangers. Après le repas, d’autres clients et fournisseurs (tonneliers, imprimeurs, acheteurs) viennent déguster les vins de la maison et quelques vins des Hospices de Beaune en fin de dégustation. Les équipes des domaines assurent le service. Les caves sont joliment illuminées pour la circonstance. A l’entrée, un vieux camion chargé de cucurbitacées rappelle, pour qui observe la tête de Louis de Funès dépassant d’un tonneau, la célèbre Grande Vadrouille.
Les esprits sont déjà bien gais au moment de se retrouver, le soir, dans les caves Saint-Nicolas à Beaune. Tandis qu’Albéric rejoint le Clos de Vougeot avec une poignée de chanceux, Alain Serveau, directeur technique et Christophe Bichot, le frère d’Albéric, accueillent une centaine de personnes autour d’un dîner convivial. Dans l’assemblée cosmopolite, on entend parler italien, espagnol, allemand et anglais bien sûr, sans oublier le chantant accent québécois. C’est à quelle table va réussir à lancer le meilleur ban bourguignon ! Les mets préparés par Anna-Marina et son équipe de la Comédie des Mets servent admirablement les vins.  Soigneusement choisis, ces derniers sont longuement commentés par les spécialistes et les amateurs réunis autour des tables : un Meursault 1er Cru Genevrières 2011 Cuvée Baudot Hospices de Beaune, suivi d'un Chambolle-Musigny 1er Cru les Sentiers 2012 avant d'achever par un Corton Grand Cru "Clos des Maréchaudes" 2006 Monopole Domaine du Pavillon. L’atmosphère, toujours chaleureuse, permet des échanges joyeux avant que les choses vraiment sérieuses ne commencent.

 


 


 








Dimanche

C’est la journée cruciale. Le matin, Albéric Bichot et Alain Serveau se réunissent avec les acheteurs dans un salon de l’Hôtel du Cep en « one to one meeting », pour faire un dernier point avant les enchères. Albert-Bichot a fait ses premières enchères sur les Vins des Hospices en 1876. Depuis une vingtaine d’année, la Maison est le premier acheteur aux Hospices de Beaune avec une centaine de pièces. Les pièces achetées lors de la vente (rappel, une pièce représente l’équivalent de 288 bouteilles) sont rapportées avant la fin décembre. C’est là, dans une cave spécialement dédiée aux vins des Hospices, que ces derniers seront élevés. Au bout de 18 mois, ils seront mis en bouteilles. Il s’écoule donc deux ans entre l’achat et la mise sur le marché.
Après le déjeuner où les clients se partagent entre Loiseau des Vignes, le Cèdre et l’Hôtel de la Poste, vient enfin le moment de pénétrer sous les halles de Beaune, spécialement préparées pour la Vente. C’est Christies qui officie.




Pour le public, amassé derrière les vitres, le point d’orgue est indiscutablement la mise en vente des pièces de charité. C'est vers 16h que le commissaire-priseur l'annonce : du Corton grand cru Clos du Roi. Marc-Olivier Fogiel et Julie Depardieu appellent Charles Aznavour à la rescousse pour faire grimper les enchères.






 Albéric Bichot garde un calme apparent même quand les objectifs des photographes se tournent vers lui. Suspense.



On chipote pour adjuger à 410000. Albéric refuse d'aller plus haut. Quand le commissaire-priseur l'interpelle il dit : "L'année prochaine !". Finalement, un acheteur brésilien, en échange de quelques bouteilles, propose d'ajouter les 10000€ que réclament les présidents pour la bonne cause. Tout le monde est d'accord. Effusions. Julie Depardieu hésite, puis ne résiste plus : le marteau tombe : 420000€. Congratulations ! 






Albéric monte sur l’estrade avec son acheteur chinois et, très ému explique qu’absent l’année passée, il voulait « marquer le coup, pour madame Jacquet, pour ses enfants et pour une certaine Betty* qui va bientôt quitter l’hôpital ».


 Avant et après ce moment d’émotion, se sont plusieurs heures de travail intense pour Albéric. Les yeux rivés sur les demandes des clients, il fait de petits signes de tête : oui, non. Lorsqu’il obtient la pièce, il lève le paddle 106. Cette année, la bonne récolte, après des années difficiles, engendre la mise en vente de 787 pièces, contre 596 l’année passée.






Il est tard. La nuit est tombée depuis longtemps et la foule des badauds s’est largement clairsemée lorsque la vente se termine. 
Albert-Bichot bat un record en faisant cette année l'acquisition de 115 pièces pour un montant d'1746600€, et confirme son rang de premier acheteur.












Certains courageux poursuivent la fête au Bastion tandis que d’autres se réservent pour la dernière ligne droite de la Paulée.  Certains, comme notre ami Michel Crestanello, responsable commercial pour la France, enchaînent les deux.





Lundi.
La 85ème Paulée de Meursault réunit environ 800 convives. Privilégiés de divers horizons, professionnels du vin, viticulteurs, sommeliers, restaurateurs mais aussi personnalités du monde du spectacle ou journalistes, les heureux élus passent tout l’après-midi attablés à déguster les vins que chacun aura apportés. Albéric Bichot sert de l’Echezeaux grand cru 2005 en magnum, du Vosne-Romanée 1er cru « Les Malconsorts » 2005, un grand cru de Chablis « La Moutonne » 1971, et un Pommard 1947. C’est cela la magie de la Paulée. Ce que l’on sait moins c’est qu’un prix littéraire est décerné (nda : La Maison Albert-Bichot parraine quant à elle un prix littéraire éponyme remis lors du salon Livres en Vignes). Pour le Prix de la Paulée, la dotation est une centaine de bouteilles de Meursault. Comme le veut la tradition, chaque année, un domaine différent se voit chargé de remettre ce Prix. En 2017 cet honneur revient au Château de Meursault en la personne d’Olivier Halley, exploitant du domaine. Philippe Claudel, le lauréat, auteur entre autres du roman « Les âmes grises » (Prix Renaudot 2003) mais aussi réalisateur (« Il y a longtemps que je t’aime ») préside le repas de clôture des Trois Glorieuses. Il signe "Inhumaines" un opus grinçant, dérangeant, qui crée la polémique.






 Depuis trois ans, le simple carton de menu s’est transformé en un carnet. En plus d’indiquer les mets raffinés servis aux convives, ce dernier renferme une mine d’informations. Les récipiendaires du Prix sont par exemple tous recensés, dans une liste tenue depuis 1932 et qui donne parfois le vertige, de Colette à Amélie Notomb en passant par Jean d’Ormesson, Roger Frison-Roche  ou Guy des Cars. Mais c’est au lauréat de cette année qu’on laisse les mots de la fin : « Lorsque je descends dans la cave d’un vigneron, mon cœur se pince, comme si subitement je délaissais une vie d’avant, un monde au dehors livré désormais à une totale apocalypse et que je m’apprêtais à entrer dans le seul espace où quelque chose d’humain, quelque chose du travail des hommes, quelque chose qui témoignerait de leur savoir, de leur ingéniosité et de leur plaisir, subsisterait. »






*Albéric fait allusion au décès brutal, l'an passé, lors d'un voyage en Chine pour les Hospices, d'Antoine Jacquet, directeur des Hospices de Beaune pendant de nombreuses années. Il rend hommage à Bernadette Aune, directrice par intérim, qui cède sa place au nouveau directeur récemment nommé.