mardi 18 mai 2021

Les trois vies de Suzana Baker



 


Il y a soixante-seize ans, l’armistice était signé. Du latin arma, arme et statio, état d’immobilité. Si le mot met un point final aux combats, les stigmates sont toujours présents. La littérature nous le rappelle. Voici un ouvrage dans lequel, cependant on observe toujours, en ligne de mire, l’espérance.


Lauren, professeur d’histoire à Boston, reçoit pour son anniversaire de la part de sa fille Emily, un test génétique destiné à établir ses origines généalogiques. Lorsqu’elle découvre les résultats, il ne fait aucun doute qu’on lui a menti sur ses racines, à cinquante et un pour cent juives ashkénazes. Or, Lauren est catholique et américaine. L’enquête commence. Aidée par sa fille, elle entame un périple en Europe pour chercher une vérité que sa mère, porteuse de la maladie d’Alzheimer, ne peut plus lui livrer.

Avec ce roman magnifique, Philippe Amar offre au lecteur un récit d’une grande sensibilité. En parallèle du chemin parcouru par la mère et la fille, on suit le combat de trois enfants juifs pour survivre dans la France occupée. D’un côté, la quête de deux femmes opiniâtres qui cherchent la clé de leur filiation et apprennent à se redécouvrir. De l’autre, le portrait touchant et souvent déchirant de jeunes innocents qui surmontent des séparations brutales et des événements violents pour se frayer un chemin vers la vie. Si le sujet est grave, la plume est légère. Au rythme des pages et des péripéties de ses personnages, l’auteur entraîne le lecteur dans une très large et intense palette d’émotions. A découvrir et à offrir.

 


Les trois vies de Suzana Baker. Philippe Amar. Editions Mazarine. 20€


Idiss, BD


 Fin du XIXème siècle. Juive et pauvre, Idiss vit en Bessarabie, une province russe que l’on peut situer dans l’actuelle Moldavie. Son mari est parti à l’armée et, pour nourrir ses enfants, elle accepte de faire de la contrebande de tabac. Mais les persécutions des juifs s’intensifient et toute la famille se résout à émigrer en France. Idiss, illettrée, (elle ne parle que le yiddish) est fière de l’ascension sociale de sa famille. Sa fille Chifra, devenue Charlotte, réussit à l’école de la République et, devenue adulte, se marie avec l’homme qu’elle aime. Mais après les années folles et la douceur de vivre, les voix nazies grondent.

Idiss, d’abord écrit par Robert Badinter pour célébrer sa grand-mère, est devenu une remarquable bande dessinée, adaptée fidèlement par Richard Malka et illustrée par Fred Bernard. La volonté farouche d’une famille d’épouser les valeurs du pays d’accueil rend l’histoire prenante. La seconde guerre mondiale ébranle les nouvelles certitudes sans toutefois les dissoudre. Le texte est porté par des dessins envoûtants. La douceur du trait de crayon de Fred Bernard, sans occulter les horreurs des pogroms ou la terreur de l’occupation et ses lourdes conséquences, souligne le courage, la persévérance et l’amour qui lient les membres d’une famille. Au-delà d’une nostalgique mélodie aux accents de klezmer, se dégage de ce livre une foi inébranlable en l’humain. On n’oublie pas. On s’attelle à (re)construire un monde meilleur. A mettre dans toutes les mains !

 

 


Idiss. Richard Malka, Fred Bernard d’après le livre de Robert Badinter. Editions Rue de Sèvres. 20€