dimanche 31 juillet 2016

Farandole de festivals estivaux

Sons d'une Nuits d'été a ouvert le bal des festivals de l'été. Juillet envisagé studieux pour moi, il n'est prévu dans mon carnet que cette première danse ! Et quelle danse, relatée dans le post précédent. C'est sans compter sur le hasard (ou devrais-je dire les coïncidences ?)... Tout d'abord, Marie-Claude, ma patronne, me propose de l'accompagner à un concert dans le cadre du Festival de Bach à Bacchus. Comment refuser un petit tour à la Léproserie de Meursault (curieux écrin pour un concert, on peut en convenir !) que je n'ai encore jamais visitée ?



 C'est Denis Thomas (conseiller général) en personne qui nous fait la visite. Ici la salle des Pôvres, là, la salle des malades, la Chapelle... Je sais à peine ce que je viens écouter... Je crois vaguement qu'il s'agit de violoncelle. En réalité, les musiciens, Vassilena Serafinova et Rémi Delangle jouent respectivement du vibraphone et de la clarinette. Surprise totale ! Répertoire éclectique qui glisse de Gabriel Fauré (d'après un rêve) aux chants traditionnels bulgares.  Aux accents yiddish et slaves succèdent les airs de Piazzola qui nous transportent en Amérique Latine. La belle énergie des deux compères, totalement en phase, nous fait voyager une bonne heure... En sortant, c'est un autre spectacle, non moins somptueux, qui nous attend... Les couleurs du crépuscule sur les vignes de Meursault, et la lune, haut dans le ciel, quasi-pleine et majestueuse.







Ce même soir, un de mes amis, au sortir d'un concert de jazz manouche- il est guitariste- m'informe qu'il sera en fin de semaine à Carry Le Rouet pour le festival de Boogie-Woogie ! Une piqûre de rappel, après le Beaune Blues Boogie et Kaiserslautern... Pourquoi pas ?
Un appareil photo, deux robes d'été, un maillot de bain et un tube de crème solaire dans la valise plus tard, me voici dans le sud... sous le déluge. Dans ma précipitation (c'est le cas de le dire, les pluies sont torrentielles !) j'ai oublié de jeter un œil à la météo, tellement sûre que dans le sud, à cette époque, il ne peut y avoir que du soleil !
Les nuages n'entament pas la bonne humeur contagieuse des musiciens et je retrouve avec grand plaisir Jean-Pierre, Nicolas et Richard.

 Selon un rituel qui m'est désormais familier et que j'ai la chance de partager avec une équipe de joyeux drilles, tout le monde se retrouve autour d'un repas après la balance et avant le concert. Richard prend les commandes et inscrit sur une feuille le programme de la soirée... Qui sera sur scène et quand. Et c'est à peu près tout. Que vont-ils jouer ? Quelle question ! Ils ne peuvent pas répondre ! Cela dépendra de l'énergie du moment. Il y a autour de la table un contrebassiste, Olivier, un batteur, Zef, des pianistes, JP mais aussi Richard et son ami Clemens, Daniel aussi, Nico et sa guitare bien sûr, sans oublier Christian avec son saxophone soprano. Ils ont pour la plupart l'habitude de se retrouver au fil des festivals toute l'année et de jouer ensemble.
Je ne suis pas la seule fille de l'assemblée. L'adjointe à la culture de Carry le Rouet est là... Et je retrouve Véronique (bénévole du BBB et sophrologue à Beaune) qui accompagne Christian ! Il y a comme une atmosphère familiale. A Kaiserslautern, j'entendais majoritairement parler allemand et ne pouvais qu'observer les postures, les rires et les visages. Là, je suis pleinement immergée. Les autrichiens parlent très bien français, sauf peut-être Daniel et sa femme, qui doivent souffrir un peu...
Les conversations sont légères et sans chichi mais avec une vraie profondeur. Il y beaucoup de rires. L'heure du concert arrive. Artistes et spectateurs se séparent.  La scène est installée sur une esplanade face au port. les musiciens se l'approprient et le boogie fait sa magie. Bientôt des couples envahissent l'espace laissé libre au pied du podium. J'en remarque un en particulier... Cheveux blancs et belle allure, l'homme, un moustachu rieur, conduit sa cavalière, crinière bouclée poivre et sel avec une grande élégance. Se dégage de ces deux personnes un plaisir non dissimulé, celui de ne faire qu'un dans la danse, subtil accord des corps qui se meuvent en rythme. C'est très beau. Cela donne envie de croire en l'amour qui dure...


Le spectacle est partout.

Sur la scène, Max, un petit garçon de huit ans, entonne la chanson d'Eddie Mitchell "Pas de boogie-woogie" avec une décontraction et un sens inné du tempo. Richard annonce un morceau de Pinetop Smith, "Pinetop's Boogie". Le premier morceau enregistré serait "The Rocks" de George W.Thomas en 1923. Mais c'est Clarence "Pinetop" Smith qui est fit naître le mot "boogie-woogie" en enregistrant son morceau en 1928. Depuis ce moment, cette expression sert à désigner ce style de musique très caractéristique ! Les discrets contrebassiste, batteur et guitariste, pourtant indispensables, sont mis à l'honneur le temps d'un solo. J'aime cet instant ou l'artiste, seul avec son instrument, partage avec le public. Concentré sur les cordes, les percussions ou les touches, il bénéficie de toute la lumière, de toute l'attention, de la bienveillance de ses camarades qui ont suspendu leurs gestes pour que chacun, à tour de rôle, puisse exprimer son art, à la fois seul au monde et bien entouré. J'aime cet instant indéfinissable où, d'un regard imperceptible, d'un changement de rythme, d'une mesure qui s'achève, le groupe s'ébroue. A peine une respiration, un mouvement, et la mélodie reprend là où elle a été interrompue, dans une explosion de sons, de joie et d'applaudissements.

Ritchie Loidl

Clemens Vogler et Ritchie Loidl

Daniel Ecklbauer et Jean-Pierre Bertrand


La nuit est courte... Après le concert, tout le monde s'est retrouvé dans un bar et les instruments ont été ressortis pour prolonger la fête. De petits groupes se sont formés. Il fait frais. On discute. Ça joue encore. Puis on rentre dormir.

Samedi matin le ciel est gris... Qu'importe. Rien ne m'empêche d'aller faire mon yoga sur la plage. Mes cinq tibétains m'accompagnent partout. La plage de Carry le Rouet n'est pas à proprement parler une plage. C'est une langue de gravier mêlé de sable, coincée entre la sortie du port et la digue. Derrière, sur les hauteurs, la maison dans laquelle Fernandel s'était établi. Il ne reconnaitrait sans doute pas grand chose car on observe des aménagements modernes, tout a été restauré ou modifié. Après l'exercice, je griffonne quelques lignes sur mon carnet. La pluie s'invite et s'en est fini de l'épisode plage. La crème solaire n'a pas vu la lumière...

La journée s'étire. Après un déjeuner animé entre français, l'heure de la sieste est la bienvenue. Pagnol, où sont les cigales qui bercent normalement cet instant délicieux ?
Au réveil, un rayon de soleil traverse les persiennes et les insectes méridionaux ont repris leur chant.

Nico travaille sa guitare. Jean-Pierre se débat avec ses horaires de train. Richard s'active. Les prévisions météo évoquent une possibilité d'orage. On oublie le plein air pour ce soir. Le repli s'organise vers la salle de l'espace Fernandel, qui jouxte le casino.




Les coulisses. Rien ne me fascine plus qu'observer l'envers du décor. Cela ne donne que plus d'épaisseur au reste. Pendant que les employés municipaux s'agitent pour installer les chaises dans la salle, les musiciens, concentrés, procèdent aux réglages qu'on appelle "balance". On joue, on s'interpelle, on écoute. On effectue des modifications. On tourne un bouton comme ci, un bouton comme ça, on recommence. On teste les micros, on joue seul, à deux, ensemble... Un ballet !

On se retrouve tous pour le dîner... Puis l'heure vient à nouveau !

Rien ne se passe comme la veille. Le décor a changé, l'acoustique n'est plus du tout la même. La configuration de la salle permet aux spectateurs une plus grande proximité avec les artistes. Ils le perçoivent. L'énergie est intense. Clemens, Richard et Jean-Pierre sont au sommet de leur forme et multiplient les exploits.
Les compères autrichiens Clemens et Richard

Nicolas Peslier et Ritchie Loidl



 L'un fait un discours plein d'humour, l'autre joue du piano couché, le troisième saute, chante, danse et vole ! Tous se déchaînent pour le plus grand bonheur de l'assemblée, conquise. La reprise de "It's wonderful" de Paolo Conte est délirante. Christian improvise un "scat" qui s'il semble couler de source a dû demander des heures d'entraînement.

Christian Vaudecranne et Ritchie

Nicolas et Jean-Pierre

Pour terminer, les pianistes se regroupent autour d'un seul instrument et font le show grâce au tube des Blues Brothers... "Everybody needs somebody" !



Someone to love, sweetheart to miss, sugar to kiss, I need, you, you, you... I need you, you, you, when my soul's on fire !


Dimanche matin, le soleil est revenu sur le quai de la gare d'Aix en Provence... Chacun repart vers sa vie. La parenthèse se referme jusqu'au prochain rendez-vous...

A LaRoquebrou, du 11 au 14 août prochain, ça va swinguer ! Et danser... Save the date !
Si vous passez par là, arrêtez-vous ! Vous ne le regretterez pas !

Et n'oubliez pas : "Shake the life" !

lundi 25 juillet 2016

"Proust, c'est Marcel ou Kevin ?"...

  ..."Proust, il est tombé dans le domaine public. Maintenant, tout le monde a le droit d'écrire du Proust !"
Brèves de comptoir. Jean-Marie Gouriot.

Tout le monde a peut-être le droit... Mais ça ne suffit pas forcément !

Citation : "Il est rare qu'on se quitte bien car si on était bien on ne se quitterait pas."
A qui le dites-vous Marcel !




mardi 12 juillet 2016

Du vin, de l'art, du spectacle...

L'été a fini par gagner son cache-cache avec l'hiver... Les organisateurs de Sons d'une Nuits d'été peuvent envisager leur festival sous les meilleurs hospices ! Quelle trouvaille que ce nom... Il élargit le "chant" des possibles...une porte ouverte à l'imagination...
Est-il quelque chose de plus doux que les sonorités qui jaillissent au crépuscule ? Shakespeare n'oserait pas me contredire en disant que ce n'est pas beaucoup de bruit pour rien !
Les responsables de la maison Bichot ne s'y sont pas trompés, en mettant gracieusement à disposition de l'événement le château et la cour du Clos Frantin, cadre féerique.

Ce soir, mardi 5 juillet 2016, c'est l'ouverture de la douzième édition du  festival. En marge du cocktail officiel,  Albéric Bichot et son acolyte Michel Crestanello, secondés par Isabelle Philippe, ont imaginé un programme haut en couleur  à l'attention de leurs clients locaux. On s'éloigne du centre et on grimpe à flan de coteau. Il faut marcher à travers les rangs de vigne. Fouler un sol caillouteux, de ceux qui donnent à la vigne de quoi produire un raisin admirable puis un vin unique. Parvenir jusqu'à la terrasse du Château Gris.


 Il domine la Côte de Nuits et offre une perspective infinie. Ou presque... D'ici, certains jours, on peut voir le Mont Blanc. Les invités, partenaires d'entreprises, hôteliers, restaurateurs, arrivent par grappes... Michel officie en maître de cérémonie et la dégustation peut commencer. Trois rouges... dont un pinot noir  d'excellence mystérieusement nommé "secrets de famille"... dans lequel se révèle toute la philosophie de la maison... Sorte de transmission ancestrale du respect de la terre et de ce qu'elle produit.

Michel et Albéric

 Les langues se délient, les groupes se font et se défont, des conversations s'engagent, s'interrompent, se poursuivent tandis que le soleil décline lentement. On poursuit avec trois blancs (blanc sur rouge : rien ne bouge !) et on termine par un Crémant.


  L'horizon prend des couleurs rosées.


 L'heure tourne et en bas, dans la cour du Clos Frantin, le public attend Christelle Chollet. Il faut redescendre. Sur le chemin, mon œil est attiré par le fruit naissant. Si l'on n'y prête pas attention, il se confond avec les feuilles de la vigne. Il est la promesse fragile de la vendange future.

 Arrivés en bas, il fait nuit. Nous rejoignons nos places... La scène s'éclaire et voilà la jeune femme. Une blonde pétillante et énergique. Ses longs cheveux bouclés retenus en une queue de cheval faussement négligée sont comme une crinière indomptable. Coiffée d'un haut de forme noir, elle fait parfaitement illusion en Liza Minelli. New York à Nuits Saint Georges. Dans le spectacle alternent chant et sketches...
"Nous les filles on stocke de l'eau comme les chameaux, sauf que l'eau nous on la stocke dans les cuisses. Du coup j'ai arrêté de boire de l'eau. Quitte à stocker autant stocker du rouge !".
Puis sa voix s'élève puissante, accompagnée par ses musiciens déguisés en Batman et Captain America. La coupure "pub" projette les spectateurs de plus de 40 ans dans leur enfance ou leur jeunesse avec les airs rebattus de "Hollywood Chewing Gum" (petite, j'entendais : "oh les bouts d'chewing gum") ou ceux, tombés en désuétude comme "Dis donne-nous un peu de ton fromage... Dis donne-nous en un peu... Belle des Champs !"


Puis l'artiste repart de plus belle. Interpelle le public : "Qui veut vivre une histoire d'amour avec moi ? -j'en vois qui sont dégoûtés d'être venus avec leur femme !"
Elle joue avec son décor. Habile.
"Si un homme politique était un artiste ce serait quoi ? Un homme-orchestre. Ils jouent tous les deux du pipeau, du violon et ils tapent dans la caisse."
Quand elle danse, des silhouettes à la manière de La Linea accompagnent ses mouvements sur grand écran. Synchronisation parfaite. Une vraie voix, un sens du spectacle aiguisé, une belle scénographie, du rythme, des rires, des émotions, des vérités joliment énoncées... Du Madonna dans la bouche de Piaf et Carmen qui s'invite chez Mylène Farmer. Chapeau l'artiste. 


Et pour profiter pleinement de ce moment, il ne reste qu'à lever la tête vers le firmament. Les feux de la Rampe, étonnamment, n'altèrent pas le spectacle de la nuit étoilée. Envoûtant... 


La folie des années 80 !


Autant dire que j'avais eu vent de cet événement sans pour autant m'y intéresser. Si j'ai écouté leurs tubes sur les ondes et dansé sur ces airs incontournables de mon adolescence, je n'avais pas franchement prévu d'assister, trente ans après, à un concert de Cookie Dingler, Emile et Images et consorts... Je ne l'aurais déjà pas fait à l'époque ! Oups, j'ai bien l'impression de parler d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître...
Bref. Sauf que Marie-Claude (ma patronne, pas ma maman !) a-en tant que partenaire de la manifestation-une invitation dont elle me fait profiter. Quelques unes de mes amies et consœurs me disent qu'elle sont de la fête. Je me laisse convaincre. Ce sera une expérience !
Un vendredi soir de mai, un flux important de spectateurs converge vers le Palais des Congrès de Beaune. J'observe les êtres humains qui m'entourent, un peu étourdie déjà par la foule. Il y a des spécimens de toutes les formes, de toutes les tailles, des faciès inconnus, voire incongrus, et des visages familiers. Toutes les couches de la société beaunoise sont représentées et réunies. Je croise la nourrice d'un de mes enfants avec son mari et des amis. Je salue un de mes prescripteurs. Je retrouve une amie du théâtre venue avec sa maman et son frère. Il y a aussi une complice du Beaune Blues Boogie... Bref, chaque fois que je tourne la tête, il y a un bout de mon histoire en Bourgogne (commencée quand les années 80 ont tiré leur révérence !).
Dans la salle il fait chaud. Je m'enfonce dans la foule pour rejoindre les copines. Je suis affreusement circonspecte. Tout le monde est debout, il n'y a pas de sièges. Je regrette déjà les couches de vêtements que j'ai superposées sur mon tee-shirt en ce mois de mai frisquet. J'ôte le maximum de ce que je peux ôter pour éviter l'évanouissement qui guette. Je maudis mes bottines.  

Après les discours d'introduction (le spectacle est joué en faveur d'une association), les "vieilles" vedettes montent sur scène avec un bel enthousiasme. Des noms, depuis longtemps relégués dans un coin oublié de la mémoire, refont surface. Comme Jean-Pierre Mader ! Et avec eux les mélodies de notre adolescence à l'époque des radios libres... "Au Macumba" !
Les tubes se succèdent, empruntés parfois à Etienne Daho ou Serge Gainsbourg. La caissière du Carrefour, derrière moi, arbore fièrement une perruque à paillettes.
"Quel ange nous veille... Le monde est bleu comme toi... J'avoue j'en ai bavé pas vous... Avant d'avoir eu vent de vous..."
Et puis résonne le fameux : "Ne la laisse pas tomber, elle est si fragile, être une femme libérée tu sais c'est pas si facile !" qui entraîne la foule dans un chant collectif et cadencé !
L'entr'acte arrive et on n'a plus envie de s'en aller. L'instant de claustrophobie s'en est allé et avec lui la peur du ridicule. On s'amuse franchement et on repart pour un tour avec Emile et Images. Je suis impressionnée, chanson après chanson, par la quantité de tubes que ce groupe a produits. On se déhanche... "Dans nos corps à corps". Une bande de kinés se déchaîne sur le dance floor. "Ohé, ohé Capitaine abandonné..."
Les fans sortent soudain leurs portables ! Que se passe-t-il ? Il veulent filmer "Les démons de minuit", un peu en avance sur l'horaire...
"Ils m'entraînent au bout de la nuit..."
Un autre air l'emporte :" Ville de  lumière, qu'ont-ils fait de toi ?"
"Ne plus pleurer, rester là, à se demander pourquoi, n'exister que pour toi t'aimer jusqu'au dernier combat"...
On chante à tue-tête. Il n'y en a pas un pour racheter l'autre. Nous sommes tous, tout à coup, de grands enfants de quatorze ans... C'est très amusant, gentiment régressif, avec un petit côté : "Je me sens si fragile, le cœur en exil !"
Cette soirée a le goût de "rythmes qui t'entraînent jusqu'au bout de la nuit" et "réveille en toi un tourbillon de folie !"


Je décline toute responsabilité si la lecture de cet article vous met pour la journée un air dans la tête...