lundi 16 janvier 2017



Pretty Nose

Voilà. C'est fini. J'ai refermé ce livre. Il y a quelques mois, quand j'avais appris que Jim Fergus avait écrit une suite à "Mille femmes blanches" (2000), je m'étais précipitée pour me procurer "La Vengeance des mères ". Je regardai souvent la couverture, reproduction de la photographie, prise en 1878, d'une jeune indienne dénommée Pretty Nose. De la tribu des Arapahos, cette chef de guerre combattit aux côtés des Cheyennes à la bataille de Little Bighorn en 1876.
Son visage lisse, son regard, déterminé et résigné à la fois, son port altier m' attiraient.

La lecture est un mystère. Une sorte de choix qui ne relève d'aucune logique. À un moment donné, votre main agrippe un ouvrage et c'est parti. Vous plongez.

Avant de retrouver ces mères et leur vengeance, je voulais impérativement relire "Mille femmes blanches". Je me souvenais très bien que le roman m'avait profondément marquée à l'époque. Pourtant, en dehors de l'idée de départ ( des femmes blanches partent pour vivre avec des indiens) je n'avais gardé que la sensation d'un voyage extraordinaire, plein de passion, de richesse et de bon sens, où la définition du monde sauvage et du monde civilisé sont un simple point de vue.


Panique à bord. Je voyais tout à fait où se situait le roman dans l'une des bibliothèques de mon ancien appartement, mais là, j'avais parcouru rapidement  les rayonnages, dans mon nouveau (et douillet) chez moi, et il était introuvable.
Enfin, au terme d'une recherche plus méthodique, je remis avec soulagement la main dessus.

Dès les premières lignes, l'intrigue et le dénouement me reviennent à l'esprit. Je fis néanmoins une nouvelle lecture.
L'héroïne, celle qui écrit ses carnets personnels, a été internée par sa famille parce qu'elle avait choisi de vivre différemment. Pour échapper à son destin, elle accepte de partir, avec un groupe de femmes, dans une tribu Cheyenne. Le but ? Se marier, donc, se mêler et intégrer les deux peuples, indien et blanc.
Cette fiction permet une belle immersion dans le monde des natifs d'Amérique. On y découvre un art de vivre en osmose avec la nature. On apprend à décrypter leurs réactions, parfois surprenantes pour un individu issu d'une autre civilisation.
Éternelle question du choc des cultures. Comment accepter l'idée que l'autre pense autrement et que ses actions découlent d'un raisonnement qui, s'il nous est étranger, ne manque pas de bon sens ni de logique. Admettre que ce n'est qu'une question de code !

On y partage aussi les doutes et la volonté d'une femme libre. Pas question de faire un résumé ici... Juste donner envie. Donner envie de comprendre que les sauvages ne sont pas toujours ceux que l'on pense. Que l'amour est vaste, comme l'était ce monde que les pionniers se sont octroyé.
À la dernière page tournée, on se demande, question éternellement récurrente, comment des hommes, chassés de chez eux par la misère ou le mépris ont pu, au nom de leur éducation et d'une religion qui prône pourtant de ne pas faire à l'autre ce que l'on ne veut pas que l'on nous fasse, détruire un peuple qui avait tant à leur apprendre  et ériger ensuite, symbole ô combien trompeur, une statue de la Liberté.

C'est seulement en 1989 que le gouvernement américain a signé la paix avec les Sioux. Une partie du peuple indien qui a survécu vit dans des réserves. Si tant est que le mot vivre soit juste.

Dans "La Vengeance des mères", on découvre les carnets d'autres femmes blanches qui racontent la suite de l'aventure. Et on apprend ce que les indiens, pour une partie, sont devenus. On retrouve l'atmosphère du premier roman. Une part d'aventure et de volupté. On arrive, au delà de la violence parfois décrite, à capter une immense douceur, une grande humanité dans ce que l'histoire raconte de ces femmes  et de leurs maris. Encore une fois, je ne m'étends pas.
Ces romans sont le genre de livres dont on n'arrive pas à s'extraire tellement on est emporté.
Et j'espère vous avoir donné envie de chevaucher un alezan dans les grandes plaines de l'ouest... D'écouter la mélopée des femmes indiennes se mêler aux chants traditionnels des femmes blanches, de goûter la chaleur du Tipi, la douceur d'un vêtement en peau, et de croire, encore et toujours, en la vie. 



Jim Fergus. Mille Femmes blanches. La Vengeance des mères. Cherche-midi