mercredi 30 octobre 2019

Octobre Rose


Ma rencontre avec le cancer, sur fond de déménagement et dans un contexte de rupture d’un mariage contracté vingt ans plus tôt, a été loin d’être opportune. La connaissance d’une mutation du gène BRCA2, présente dans notre famille, les expériences de ma mère et de ma sœur, ancienne malade et malade, m’ont néanmoins permis de ne pas tomber des nues. J’avais eu le temps de réfléchir à ce que je voulais si ça m’arrivait. Le grand ponte qui me reçoit à Dijon annonce : « vous avez un cancer, mais il est peu agressif. Je pars en vacances pendant un mois et quand je rentre, je vous opère et vous enlève le sein. Je dis : « ok, mais je veux une reconstruction immédiate. Il m'dit : « ce n’est pas possible ». J'lui dis : « ça se fait dans d’autres hôpitaux ». Il m'dit : « ici ce n’est pas notre protocole ». Bref, on n’était pas d’accord. 
Quand je finis par choisir de changer de crèmerie, il assène, vexé : « Eh bien allez donc vous faire soigner ailleurs. Moi, des seins, j’en fais mille par an. Alors un de plus un de moins ! ». Des médecins comme lui, arrogants, imbus de leur personne, omniscients et omnipotents, j’en ai croisé plus d’un. Alors, j’en ai cherché d'autres qui me considèreraient comme un individu dans sa globalité et m'associeraient au processus thérapeutique (parce que j’en étais capable et demandeuse). Et je les ai trouvés. Quand on a le temps, il faut se tourner vers des praticiens bienveillants, pédagogues et humbles (même si à première vue, chirurgien et humble sont deux termes antinomiques !). S’endormir en étant sûre de confier son corps à des mains qui feront tout pour augmenter mes chances de vivre et minimiser les effets délétères de la chirurgie était essentiel pour moi. Six ans se sont écoulés depuis. J’ai déménagé encore, divorcé, lutté contre la manipulation, accompagné ma sœur en soins palliatifs. Car, oui, le cancer tue encore, trop souvent. Hélène avait 44 ans à sa mort. Depuis, j’ai fait face à une récidive. Les traitements lourds sont terminés. Les cheveux, cils et sourcils ont repoussé. Les gens me trouvent bonne mine et c’est vrai. Grâce à mon entourage, à des soignants dévoués, attentifs et à l’écoute malgré leur charge de travail et l’épuisement que cela génère, je suis debout. Sans passage en hôpital psychiatrique, sans anxiolytiques, avec « juste » un traitement anti-hormonal pour dix ans. 
Mais, comme pour le tsunami en Asie, après la vague, sensationnelle, les caméras se retirent et on passe à autre chose. Or, pour moi, comme pour beaucoup, tout est à reconstruire. Il y a fort à faire pour mobiliser les énergies et accompagner les personnes atteintes pendant mais aussi après la maladie. Quand les douleurs, la fatigue physique, le désarroi moral et cognitif, l'angoisse, les pertes de mémoire et le syndrome de stress post-traumatique, séquelles ô combien silencieuses, s’immiscent dans un quotidien où tous les repères ont volé en éclats. Alors il est essentiel de lutter contre l’isolement et la culpabilisation. Voir le verre à moitié plein, opter pour la résilience, c’est un chemin qui peut se faire à la condition d’une bonne information, d’une offre efficace de soins de supports à moindre coût… Créer, se rassembler, mobiliser, susciter la solidarité, c’est plus dur que de prendre un médicament à la pharmacie, mais les effets positifs sont une question de santé publique. Ensemble, on est plus fort. Je pense qu’il ne faut jamais l’oublier. Si je traverse des moments de doute et de profonde détresse, sapée dans mes élans de vie, j’ai la chance de rester optimiste et de croire en l’humain et en mes rêves. Alors, j’écris…




 Une publication sur un groupe Facebook fermé (les orthophonistes unissent leurs forces, merci Kick Oldtown) propose de témoigner du parcours cancer à travers une manifestation artistique initiée dans le cadre d'Octobre Rose par la fille d'une de nos consœurs.
Agathe Perois dessine depuis son plus jeune âge et a fait de sa passion son métier. Cela lui a permis, tout le mois d’octobre, de mettre à l’honneur, à travers l’illustration, des femmes qui ont été ou qui sont atteintes par le cancer du sein. Dans le même temps, elle informe et sensibilise. Vous pouvez retrouver ses créations sur son compte instagram : gin.to_