Ma rencontre avec le cancer, sur
fond de déménagement et dans un contexte de rupture d’un mariage contracté
vingt ans plus tôt, a été loin d’être opportune. La connaissance d’une mutation
du gène BRCA2, présente dans notre famille, les expériences de ma mère et de ma
sœur, ancienne malade et malade, m’ont néanmoins permis de ne pas tomber des
nues. J’avais eu le temps de réfléchir à ce que je voulais si ça m’arrivait. Le
grand ponte qui me reçoit à Dijon annonce : « vous avez un cancer,
mais il est peu agressif. Je pars en vacances pendant un mois et quand je
rentre, je vous opère et vous enlève le sein. Je dis : « ok, mais je
veux une reconstruction immédiate. Il m'dit : « ce n’est pas
possible ». J'lui dis : « ça se fait dans d’autres
hôpitaux ». Il m'dit : « ici ce n’est pas notre
protocole ». Bref, on n’était pas d’accord.
Quand je finis par choisir de
changer de crèmerie, il assène, vexé : « Eh bien allez donc vous
faire soigner ailleurs. Moi, des seins, j’en fais mille par an. Alors un de
plus un de moins ! ». Des médecins comme lui, arrogants, imbus de
leur personne, omniscients et omnipotents, j’en ai croisé plus d’un. Alors, j’en ai cherché d'autres qui me considèreraient comme un
individu dans sa globalité et m'associeraient au processus thérapeutique (parce
que j’en étais capable et demandeuse). Et je les ai
trouvés. Quand on a le temps, il faut se tourner vers des praticiens bienveillants, pédagogues et humbles (même si à première vue,
chirurgien et humble sont deux termes antinomiques !). S’endormir en étant sûre de confier son corps à des mains qui feront
tout pour augmenter mes chances de vivre et minimiser les effets délétères de
la chirurgie était essentiel pour moi. Six ans se sont écoulés depuis. J’ai
déménagé encore, divorcé, lutté contre la manipulation, accompagné ma sœur en
soins palliatifs. Car, oui, le cancer tue encore, trop souvent. Hélène avait 44
ans à sa mort. Depuis, j’ai fait face à une récidive. Les traitements lourds
sont terminés. Les cheveux, cils et sourcils ont repoussé. Les gens me trouvent
bonne mine et c’est vrai. Grâce à mon entourage, à des soignants dévoués,
attentifs et à l’écoute malgré leur charge de travail et l’épuisement que cela
génère, je suis debout. Sans passage en hôpital psychiatrique, sans anxiolytiques,
avec « juste » un traitement anti-hormonal pour dix ans.
Mais, comme
pour le tsunami en Asie, après la vague, sensationnelle, les caméras se
retirent et on passe à autre chose. Or, pour moi, comme pour beaucoup, tout est
à reconstruire. Il y a fort à faire pour mobiliser les énergies et accompagner
les personnes atteintes pendant mais aussi après la maladie. Quand les douleurs, la fatigue physique, le désarroi moral et
cognitif, l'angoisse, les pertes de mémoire et le syndrome de stress post-traumatique,
séquelles ô combien silencieuses, s’immiscent dans un quotidien où tous les repères ont volé en éclats. Alors il
est essentiel de lutter contre l’isolement et la culpabilisation. Voir le verre
à moitié plein, opter pour la résilience, c’est un chemin qui peut se faire à
la condition d’une bonne information, d’une offre efficace de soins de supports
à moindre coût… Créer, se rassembler, mobiliser, susciter la solidarité, c’est
plus dur que de prendre un médicament à la pharmacie, mais les effets positifs
sont une question de santé publique. Ensemble, on est plus fort. Je pense qu’il
ne faut jamais l’oublier. Si je traverse des moments de doute et de profonde détresse, sapée dans mes élans de vie, j’ai la chance de rester optimiste et de
croire en l’humain et en mes rêves. Alors, j’écris…
Une publication sur un groupe Facebook fermé (les orthophonistes unissent leurs forces, merci Kick Oldtown) propose de témoigner du parcours cancer à travers une manifestation artistique initiée dans le cadre d'Octobre Rose par la fille d'une de nos consœurs.
Agathe Perois dessine depuis son plus jeune âge et a fait de sa passion son métier. Cela lui a permis, tout le mois d’octobre, de mettre à l’honneur, à travers l’illustration, des femmes qui ont été ou qui sont atteintes par le cancer du sein. Dans le même temps, elle informe et sensibilise. Vous pouvez retrouver ses créations sur son compte instagram : gin.to_
Une publication sur un groupe Facebook fermé (les orthophonistes unissent leurs forces, merci Kick Oldtown) propose de témoigner du parcours cancer à travers une manifestation artistique initiée dans le cadre d'Octobre Rose par la fille d'une de nos consœurs.
Agathe Perois dessine depuis son plus jeune âge et a fait de sa passion son métier. Cela lui a permis, tout le mois d’octobre, de mettre à l’honneur, à travers l’illustration, des femmes qui ont été ou qui sont atteintes par le cancer du sein. Dans le même temps, elle informe et sensibilise. Vous pouvez retrouver ses créations sur son compte instagram : gin.to_
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