Pourquoi des élèves,
en classe de première, jugent-ils opportun de lancer une pétition,
après l'épreuve du bac de français, pour se plaindre qu'Andrée
Chedid, n'étant pas au programme, ils ne savaient pas que l'auteur
était une femme, et exiger une notation plus souple ? Vous avez
quatre heures.
Non, sérieusement, c'est
un poisson d'avril au mois de juin ? Où est la caméra cachée ?
Quelque chose m'échappe dans la revendication des signataires de la
pétition. Ils n'ont pas étudié Andrée Chedid cette année, ne savent rien de sa biographie. Soit. Que ceux qui connaissaient Andrée Chedid et son oeuvre le jour de leur bac jettent la première pierre. Mais, ils s'insurgent, n'ayant
pas reconnu la femme derrière le prénom Andrée ! Certes, la
racine grecque « andros » (l'homme) peut s'avérer
perturbante. Ceci dit, je doute que des élèves, incapables de
distinguer la marque du féminin dans le « e » final - au
programme du CE1 si je ne m'abuse- connaissent l'étymologie du mot.
Et puis, soyons honnêtes : le sexe de l'auteur changeait-il
quoi que ce soit à ce poème, « Destination : arbre »
dont il est question dans le sujet controversé de l'épreuve
anticipée du bac de français ? Je n'ai lu aucun article à ce propos, seulement les commentaires d'élèves, extraits par la presse des réseaux sociaux. Et ils font froid dans le dos. C'est l'orthographe qu'on assassine, et donc,
(CQFD) le sens. Si on peut souhaiter bon courage aux correcteurs, il faudrait aussi s'interroger sur notre société, ses exigences, les tenants et aboutissants en matière d'apprentissage et d'éducation.
Bref ! Cet incident
aura eu le mérite de m'inspirer une petite chronique. Alors, pour vous,
jeunes gens et pour les curieux qui connaissent Matthieu mais
pas Louis ou l'inverse et encore moins Andrée, voilà « Le
message ». Court roman, écrit par l'auteur sus-nommée, femme
de lettres et poète, et publié en 2000.
Marie et Steph s'aiment
depuis longtemps mais se séparent souvent. Un été, dans un pays en
guerre, Steph donne rendez-vous à Marie. Au terme d'une nouvelle
rupture, il est persuadé que leur couple peut prendre un nouveau
départ. Marie pense la même chose et décide d'aller au
rendez-vous. C'était compter sans la présence d'un franc-tireur
qui, par désœuvrement, tire une balle dans le dos de l'inoffensive Marie. La
jeune femme se rend bientôt à l'évidence. Gravement blessée, elle ne peut plus rejoindre le lieu de la rencontre. Alors, elle n'a plus qu'une idée en tête.
Faire parvenir à Steph un message pour écarter tout malentendu lui dire qu'elle l'aime.
126 petites pages
suffisent à Andrée Chedid pour explorer la nature humaine dans ce
qu'elle a de plus beau et de plus vil. Marie se presse dans la
chaleur écrasante de la ville déserte. Immobilisée, elle est aidée
par un vieux couple, Anya et Anton. L'amour de Marie et Steph est un
miroir du leur. Il y a aussi Gorgio, l'ambigu franc-tireur, jeune
rebelle paumé. Il cherche un sens à la vie dans les livres de
l'appartement inoccupé qu'il a réquisitionné. Récit haletant et
statique à la fois, « Le message » est intemporel et
philosophique. Il nous entraîne dans l'espoir de l'amour qui dure malgré les inévitables tempêtes.
Il nous questionne sur la violence, absurde, destructrice, aveugle.
Il nous emporte dans une réflexion sur notre monde, la spiritualité,
la vie, la mort, la liberté et l'importance de la littérature.
Le Message. Andrée
Chedid. J'ai Lu. 4€.
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