lundi 24 juin 2019

Vous avez un nouveau message !


Pourquoi des élèves, en classe de première, jugent-ils opportun de lancer une pétition, après l'épreuve du bac de français, pour se plaindre qu'Andrée Chedid, n'étant pas au programme, ils ne savaient pas que l'auteur était une femme, et exiger une notation plus souple ? Vous avez quatre heures.
Non, sérieusement, c'est un poisson d'avril au mois de juin ? Où est la caméra cachée ? Quelque chose m'échappe dans la revendication des signataires de la pétition. Ils n'ont pas étudié Andrée Chedid cette année, ne savent rien de sa biographie. Soit. Que ceux qui connaissaient Andrée Chedid et son oeuvre le jour de leur bac jettent la première pierre. Mais, ils s'insurgent, n'ayant pas reconnu la femme derrière le prénom Andrée ! Certes, la racine grecque « andros » (l'homme) peut s'avérer perturbante. Ceci dit, je doute que des élèves, incapables de distinguer la marque du féminin dans le « e » final - au programme du CE1 si je ne m'abuse- connaissent l'étymologie du mot. Et puis, soyons honnêtes : le sexe de l'auteur changeait-il quoi que ce soit à ce poème, « Destination : arbre » dont il est question dans le sujet controversé de l'épreuve anticipée du bac de français ? Je n'ai lu aucun article à ce propos, seulement les commentaires d'élèves, extraits par la presse des réseaux sociaux. Et ils font froid dans le dos. C'est l'orthographe qu'on assassine, et donc, (CQFD) le sens. Si on peut souhaiter bon courage aux correcteurs, il faudrait aussi s'interroger sur notre société, ses exigences, les tenants et aboutissants en matière d'apprentissage et d'éducation.



Bref ! Cet incident aura eu le mérite de m'inspirer une petite chronique. Alors, pour vous, jeunes gens et pour les curieux qui connaissent Matthieu mais pas Louis ou l'inverse et encore moins Andrée, voilà « Le message ». Court roman, écrit par l'auteur sus-nommée, femme de lettres et poète, et publié en 2000.
Marie et Steph s'aiment depuis longtemps mais se séparent souvent. Un été, dans un pays en guerre, Steph donne rendez-vous à Marie. Au terme d'une nouvelle rupture, il est persuadé que leur couple peut prendre un nouveau départ. Marie pense la même chose et décide d'aller au rendez-vous. C'était compter sans la présence d'un franc-tireur qui, par désœuvrement, tire une balle dans le dos de l'inoffensive Marie. La jeune femme se rend bientôt à l'évidence. Gravement blessée, elle ne peut plus rejoindre le lieu de la rencontre. Alors, elle n'a plus qu'une idée en tête. Faire parvenir à Steph un message pour écarter tout malentendu lui dire qu'elle l'aime.
126 petites pages suffisent à Andrée Chedid pour explorer la nature humaine dans ce qu'elle a de plus beau et de plus vil. Marie se presse dans la chaleur écrasante de la ville déserte. Immobilisée, elle est aidée par un vieux couple, Anya et Anton. L'amour de Marie et Steph est un miroir du leur. Il y a aussi Gorgio, l'ambigu franc-tireur, jeune rebelle paumé. Il cherche un sens à la vie dans les livres de l'appartement inoccupé qu'il a réquisitionné. Récit haletant et statique à la fois, « Le message » est intemporel et philosophique. Il nous entraîne dans l'espoir de l'amour qui dure malgré les inévitables tempêtes. Il nous questionne sur la violence, absurde, destructrice, aveugle. Il nous emporte dans une réflexion sur notre monde, la spiritualité, la vie, la mort, la liberté et l'importance de la littérature.


Le Message. Andrée Chedid. J'ai Lu. 4€.

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