vendredi 14 juin 2019

Les plus belles années d'une vie


Avant d'aller voir « Les plus belles années d'une vie », je décide, en bonne élève, de revoir « Un homme et une femme ». Choc. Happée par les images et la musique, le souvenir de mon adolescence resurgit soudain... Mon inclination pour la liberté et les Ford Mustang me viennent donc de ce film-là, jamais revu dans son intégralité depuis. Je me souviens m'être jadis identifiée à Anouk Aimée, dont le personnage porte mon prénom. En même temps, difficile de ne pas tomber sous le charme de Jean-Louis Trintignant, sa voix, son sourire, son air faussement détaché.
Quelques semaines plus tard, à deux pas des Ateliers du Cinéma, fief professionnel du réalisateur, je m'installe confortablement dans la salle de projection. Deux autres spectatrices seulement ont préféré la salle obscure au soleil revenu enfin en cet après-midi du mercredi 22 mai, jour de sortie nationale du film (après sa présentation hors compétition à Cannes le 18 mai). Je ne voulais différer plus mon rendez-vous avec Jean-Louis Duroc et Anne Gauthier. 53 ans ont passé. Les héros n'ont pas vieilli ensemble. Jean-Louis n'était pas que coureur automobile, il était coureur tout court. Aujourd'hui, sa mémoire flanche (un peu beaucoup, peut-être...). Installé en fauteuil roulant dans le jardin d'une maison de retraite de luxe (le meilleur du pire), il attend.
Antoine, le fils de Jean-Louis, retrouve Anne Gauthier, l'amante d'autrefois, et l'invite à rendre visite à son père. Alors, la magie opère. L'atmosphère, l'essence d' « Un homme et une femme », tout est intact. Le temps qui passe a fripé les visages, abîmé les silhouettes. Les silences, les sourires et les regards, eux, ont la fougue de la jeunesse, le pouvoir intact de la séduction. Anouk Aimée balaye ses cheveux comme dans le premier film. Je me fais immédiatement la réflexion. Toujours aussi sensuel, gracieux. C'est intemporel, intense, profond et enivrant. Jean-Louis remarque aussi ce mouvement.
Autrefois, les doigts des deux amants se mêlaient pendant l'amour. Aujourd'hui, les mains sont noueuses et ridées. Celles d'Anne s'unissent à celles de Jean-Louis pour l'aider à se lever.
Claude Lelouch immortalise ces petits riens, avec une tendresse infinie pour ses acteurs. Il parvient, par on ne sait quelle alchimie, à magnifier les corps usés et déformés. Le réalisateur distille aussi des extraits du premier film, touches délicates dont il n'abuse jamais. Il réussit la prouesse d'éloigner toute mélancolie. Il plante un décor d'aujourd'hui où le temps s'écoute comme dans les années soixante. Plus lentement, pour goûter la plénitude de l'instant. Les dialogues sont joliment ciselés. Nouvel extrait. Cette fois, une course folle en plein Paris, court métrage en un plan séquence tourné un petit matin d'août 1976 sans autorisation. « C'était un rendez-vous », c'est l'accélération, le moment où la vie défile à toute vitesse quand la fin approche. La bande originale est fidèle à l'esprit d' « Un homme et une femme ». Magnifique. Surtout, surtout, restez devant l'écran jusqu'à la fin du générique, Claude Lelouch nous offre une jolie surprise, un moment rare. Si ça ce n'est pas de l'Amour !


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