Avant d'aller voir « Les plus belles années d'une vie », je décide, en bonne élève, de revoir « Un homme et une femme ». Choc. Happée par les images et la musique, le souvenir de mon adolescence resurgit soudain... Mon inclination pour la liberté et les Ford Mustang me viennent donc de ce film-là, jamais revu dans son intégralité depuis. Je me souviens m'être jadis identifiée à Anouk Aimée, dont le personnage porte mon prénom. En même temps, difficile de ne pas tomber sous le charme de Jean-Louis Trintignant, sa voix, son sourire, son air faussement détaché.
Quelques semaines plus
tard, à deux pas des Ateliers du Cinéma, fief professionnel du
réalisateur, je m'installe confortablement dans la salle de
projection. Deux autres spectatrices seulement ont préféré la
salle obscure au soleil revenu enfin en cet après-midi du mercredi
22 mai, jour de sortie nationale du film (après sa présentation
hors compétition à Cannes le 18 mai). Je ne voulais différer plus
mon rendez-vous avec Jean-Louis Duroc et Anne Gauthier. 53 ans ont
passé. Les héros n'ont pas vieilli ensemble. Jean-Louis n'était
pas que coureur automobile, il était coureur tout court.
Aujourd'hui, sa mémoire flanche (un peu beaucoup, peut-être...).
Installé en fauteuil roulant dans le jardin d'une maison de retraite
de luxe (le meilleur du pire), il attend.
Antoine, le fils de
Jean-Louis, retrouve Anne Gauthier, l'amante d'autrefois, et l'invite
à rendre visite à son père. Alors, la magie opère. L'atmosphère,
l'essence d' « Un homme et une femme », tout est intact.
Le temps qui passe a fripé les visages, abîmé les silhouettes. Les
silences, les sourires et les regards, eux, ont la fougue de la
jeunesse, le pouvoir intact de la séduction. Anouk Aimée balaye ses
cheveux comme dans le premier film. Je me fais immédiatement la
réflexion. Toujours aussi sensuel, gracieux. C'est intemporel,
intense, profond et enivrant. Jean-Louis remarque aussi ce mouvement.
Autrefois, les doigts des
deux amants se mêlaient pendant l'amour. Aujourd'hui, les mains sont
noueuses et ridées. Celles d'Anne s'unissent à celles de Jean-Louis
pour l'aider à se lever.
Claude Lelouch
immortalise ces petits riens, avec une tendresse infinie pour ses
acteurs. Il parvient, par on ne sait quelle alchimie, à magnifier
les corps usés et déformés. Le réalisateur distille aussi des
extraits du premier film, touches délicates dont il n'abuse jamais.
Il réussit la prouesse d'éloigner toute mélancolie. Il plante un
décor d'aujourd'hui où le temps s'écoute comme dans les années
soixante. Plus lentement, pour goûter la plénitude de l'instant.
Les dialogues sont joliment ciselés. Nouvel extrait. Cette fois,
une course folle en plein Paris, court métrage en un plan séquence
tourné un petit matin d'août 1976 sans autorisation. « C'était
un rendez-vous », c'est l'accélération, le moment où la vie
défile à toute vitesse quand la fin approche. La bande originale
est fidèle à l'esprit d' « Un homme et une femme ».
Magnifique. Surtout, surtout, restez devant l'écran jusqu'à la fin
du générique, Claude Lelouch nous offre une jolie surprise, un
moment rare. Si ça ce n'est pas de l'Amour !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire