samedi 25 juillet 2015

Tour Eiffel.

Paris le 14 juillet.




Une foule compacte se dirige vers le Champ de Mars où l'on attend environ 500000 spectateurs. Les tenanciers de brasserie et commerces divers ont flairé le filon et des échoppes éphémères vendent des sandwiches à tire-larigot. Une fragile ligne de policiers tente de vérifier qu'aucune bouteille en verre n'entre sur le site. Cordon bien inefficace dont l'effectif, trop faible, et l'organisation, inexistante, ne peuvent contenir la marée humaine qui déboule, pressée de trouver un coin de pelouse pour assister, aux première loges, au concert et au feu d'artifice. Avec des heures d'avance, les petites fourmis ont envahi l'espace. Les moins prévoyants, arrivés plus tard, cherchent les trous, comblent les allées, déclenchant des bousculades et des piétinements. Certains, philosophes, prennent leur mal en patience, d'autres s'échauffent un peu. Des petits resquilleurs se frayent un chemin, proposant des boissons. Tous se tassent finalement les uns contre les autres.

Stéphane Bern, juché sur une estrade commente visiblement pour l'émission de télévision qui retransmet l'événement. Quand enfin les premières notes retentissent après son intervention, c'est un peu la surprise. On dirait que le plein air aspire la musique vers le haut. Les imposantes enceintes disposées de part et d'autre des spectateurs ne parviennent pas à restituer l'émotion à laquelle on s'attendait. Carmina Burana résonne pourtant avec plaisir à mes oreilles, d'autant que l'extrait choisi fait chanter le chœur des enfants (inaudible sur Champ de Mars), cher à mon souvenir. Quel plaisir d'écouter aussi "Over the rainbow", l'intemporelle chanson de Dorothy dans le Magicien d'Oz. Verdi n'est pas en reste, Bernstein entre dans la danse et finalement, c'est la Marseillaise que la foule, se levant, reprend à l'unisson. Je me déplie avec l'espoir d'une sensation intense à l'idée d'entendre autant de monde chanter d'une seule voix. Je me dis que la protection policière, purement symbolique, n'aurait pu empêcher un fou de se glisser parmi nous et de faire des dégâts. Je songe à ce jour de janvier où l'horreur a pris le nom de Charlie Hebdo. J'entends gronder l'intégrisme assassin, dans un moyen orient pas si lointain. Je me dis qu'être tous ensemble ici, c'est ce que nous pouvons faire de mieux pour la liberté. Alors, même si l'émotion est absente car je distingue à peine le chant de mes voisins, je participe à la ferveur, que, Dieu merci, les téléspectateurs, devant leur petit écran, ont ressentie.

photo Céline Garcia
Vient ensuite le spectacle pyrotechnique qui enflamme et envoûte la Dame de Fer. Vivaldi côtoie Adèle dans un scintillement éblouissant de quarante minutes au cours desquelles Paris veut montrer au monde qu'elle mérite les jeux olympiques de 2024. Parfois à la limite du prosélytisme, le multiculturalisme est porté aux nues mais, indulgent, on se laisse porter par les effets de lumière qui nous propulsent dans la magie de l'enfance et des feux d'artifice.

Il est temps de quitter les lieux. Le mouvement compact des participants ne crée pas de désordre. Il fait doux ce soir dans la capitale. Les piétons ont envahi les artères et les véhicules à moteur se font rares. Flottement irréel. Le retour est épique, avec des stations de métro condamnées, des trains bondés et des demi-tours pour déjouer le débordement d'humains regagnant leurs pénates. Le sourire aux lèvres, car les situations inhabituelles sont toujours un moment excitant, je croise le regard lointain et un peu perdu d'Eva Darlan, toute de noir vêtue, crinière rousse encore flamboyante, visage familier et pourtant anonyme, qui revient elle aussi, à n'en pas douter, de la fête.

3 commentaires:

  1. Comme toi, j'étais le Champ-de-Mars. Mais, installé loin de la scène et des enceintes, je n'ai presque rien vu ni entendu pendant le Concert de Paris. Ce qui ne m'a pas dérangé. En fait, c'est le feu d'artifice qui m'attirait. Je l'ai apprécié, tout en le trouvant un peu long. Pour une fois, j'ai fait l'expérience de regarder attentivement le spectacle, sans chercher à le prendre en photo, c'est-à-dire à le voir surtout à travers le viseur de l'appareil (on m'avait dissuadé de l'apporter) ou sur le petit écran du smartphone (je l'avais oublié). Une expérience de " contemplation directe " à recommencer !
    J'ai observé et un peu subi les bousculades et piétinements dont tu parles. J'avoue avoir joué des coudes, moi aussi, en particulier pour quitter le Champ-de-Mars ! Comme toi, je me suis dit que rien " n'aurait pu empêcher un fou de se glisser parmi nous et de faire des dégâts. ". Mais, pas de fou assassin passant à l'acte, ce soir-là. Tant mieux !
    Même si, spontanément, ce genre de rassemblement ne m'attire guère, je suis content, grâce à une invitation-surprise, de m'être trouvé pendant quelques heures au milieu de cette marée humaine. Un étonnant spectacle en soi. Et je lis avec plaisir le récit que tu fais de cette soirée. Une façon agréable de me rappeler ce moment intense. Jean-Michel

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  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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    1. Fausse manipulation ! Le commentaire supprimé corrigeait une erreur du commentaire précédent : Comme toi, j'étais SUR le Champ-de-Mars. Errare...

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