vendredi 3 juillet 2015

La comédie des remparts



Une rafale de spectacles a eu lieu pour terminer l'année de travail de la Comédie des Remparts. Le
Photos fournies par la CDR
coup d'envoi (si l'on met de côté l'atelier cabaret qui s'était déjà produit trois fois avec la Goulue, dont nous reparlerons) a été donné par "la Paulée", pièce originale écrite à quatre mains par Gérald Charlin et Eric Cesareo. Alors qu'une famille bourguignonne s'apprête à céder son domaine viticole à des chinois, se tient la Paulée, dernier repas partagé avec les vendangeurs à la fin de la récolte. J'ai personnellement assisté à une partie de la répétition générale. Diverses péripéties ont rendu ce moment chaotique. C'est sans compter sur l'énergie du groupe des adolescents, qui est parvenu à se souder et offrir, le soir venu, une représentation de qualité. Du peu que j'en ai vu, les acteurs vendangeurs passant dans les rangs de spectateurs, l'immense table dressée sur scène pour la circonstance, une esthétique ciselée et des lumières léchées, la Paulée ouvrait dignement la saison.

Dernier Tango, quelques jours plus tard, entre dans la danse. Comme s'il fallait toujours enfanter dans la douleur, les contrariétés se succèdent. La Chapelle de l'Oratoire, écrin rêvé pour jouer la tragédie des Atrides présente une acoustique particulière qui ruine le travail d'acteur. La répétition générale du jeudi est un fiasco. Mines déconfites, épaules basses, acteurs erratiques, metteur en scène hagard, techniciens affairés et impuissants... Sentiment partagé d'abattement et indécision absolue sur le devenir des deux représentations prévues. Vendredi, le choix est fait de rester à la Chapelle. Gérald tient à sa mise en scène dans ce cadre somptueux. Il consent aux aménagements indispensables pour réduire l'écho et les petites fourmis de l'association (Christophe, Valentin, Eric...) structurent et couvrent les panneaux qui réduisent l'espace et retiennent le son. Vendredi soir, les acteurs se retrouvent sans filet devant le public, que dis-je, au milieu du public, pour présenter leur travail.
Après une première partie fastidieuse, l'atmosphère se détend. Quelques spectateurs transmettent leurs impressions qui permettent d'ajuster notamment les voix pour la deuxième partie. Et là, la magie opère. Les Atrides se déchirent. Clytemnestre et Egisthe qui ont tué autrefois Agamemnon, le mari de Clytemnestre, font leurs comptes, tantôt amers, tantôt nostalgiques... Finalement, que sait-on de l'amour ou du désamour qui lie deux personnes ? Ce couple là, sur scène, vibre de ses émotions, exacerbées par le rouge des costumes. Les enfants de Clytemnestre, voués par le destin à la vengeance, se fraient un chemin, se dressent, s'imposent. L'immaculée Électre fait corps avec la tombe de son père pour alpaguer sa mère ou provoquer son frère. Le timide Oreste,  au départ presque maladroit dans le rôle de tueur qu'on lui a assigné malgré lui, prend de l'ampleur au fil des scènes, abandonne l'humain qu'il était encore pour devenir la main que sa condition impose.
A travers les mots d'Anouilh, l'homme mûr s'adresse au jeune fou, tente de lui transmettre son expérience de la vie. Être un homme ce n'est pas forcément ce que l'on croit. La mort rôde. La mère crie, lâche amour et rancœur et tire sa révérence.

Les enfants orphelins flottent dans l'après. Les spectateurs sonnés suivent l'orchestre, quatuor d'acteurs truculents qui ponctuent les scènes tragiques de leurs commentaires piquants et drôles.
Le rideau tombe, façon de parler, et le tango s'empare de danseuses aériennes qui achèvent d'envoûter l'assemblée.
L'écho se fait ami des applaudissements. Le ballet des saluts, dans le bruissement léger des étoffes rouges, blanches et noires se prolonge.
Des regards se croisent, complices.
Le lendemain, après quelques mises au point, tant techniques qu'artistiques, l'histoire recommence. En plus intense. Dans les loges, immense espace derrière la scène, certains sont allongés sur le dos, yeux fermés. D'autres suivent le texte en attendant leur entrée. Tout est plus dense, plus à fleur de peau. Chacun a analysé sa prestation de la veille et tente de faire mieux. Les voix s'élèvent, supplient, rugissent, gémissent, tremblent ou s'affirment. Les gestes sont plus précis. L'aisance permet d'aller plus loin dans le jeu. On respire. On se retrouve derrière et on chuchote, on se congratule, on se serre dans les bras les uns des autres... Il y a des larmes. L'émotion submerge. Et puis c'est fini.

Crédit photos Dernier Tango JM Carayre


Enfin, pas pour tout le monde. La Goulue s'installe au théâtre. Acteurs et danseuses s'associent pour donner vie à Louise Weber que Gérald, à travers un texte et une mise en scène majestueux, ranime. La vieille femme abîmée et seule avec sa bouteille réveille la jeune danseuse sûre d'elle qui voulait conquérir Paris. Autour d'elle, gravitent des personnages hauts en couleur qui dansent, chantent, rient et pleurent. Une fois encore, l’œil aiguisé du metteur en scène a su donner à l'ensemble une esthétique rare. Les frous frous s'affolent dans un alignement soigné, les lumières tamisées caressent les corps arc boutés. La bande-son offre une succession de morceaux choisis avec minutie pour émouvoir ou égayer le spectateur, dans une alternance calculée. On sent une troupe à l'aise avec son spectacle et on prend un plaisir non dissimulé puisque le dernier cancan terminé, c'est une standing ovation largement méritée qui attend l'atelier Cabaret. L'énergie qui se dégage est communicative. On a envie de danser, de chanter, d'embrasser...



Ce sont les enfants, soit une quarantaine de chevaliers, fées, prêtresses, druide, roi, reine, magicien et j'en oublie qui foulent la scène du théâtre de Beaune pour clore le marathon. Eux qui mettent la touche finale au cru 2015. Et la magie opère une nouvelle fois. Marionnettes, ombres chinoises et acteurs se succèdent dans une harmonie où le hasard n'a pas sa place. Les dialogues, drôles, revisitent la légende d'Arthur sous la plume de Gérald, qui prend un malin plaisir à égratigner certains travers de la société par la bouche d'enfants innocents mais pas dupes ! Une fois encore, la musique rythme la pièce avec une programmation éclectique allant de Brel à Tenue de soirée en passant par Indochine. Le public transporté rit et bat la mesure. Et les acteurs en herbe, très investis, ne boudent pas leur plaisir.



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