jeudi 2 juillet 2015

Angelina Jolie... Et les autres #2



 Certains hommes font ça il paraît. Quitter leur femme, mais sans vraiment le faire. Partir, mais revenir, un peu. Picorer, repartir, ne pas savoir. Vouloir les avantages de la séparation sans les inconvénients. Certaines femmes sont incapables de trancher. Pensent à une crise, violente mais parfois nécessaire. Prennent patience. Souffrent. Se noient dans le chagrin, dans la douleur, dans les tentatives de conciliation, réconciliation, en maintenant malgré tout à flot travail,  enfants,  vie de la maison.


Mais, je digresse... Enfin, pas tant que ça ! Puisque ceci explique cela.

Voilà qu'un matin sous la douche, je sens comme un petit truc pas net dans mon fragile décolleté. Je repasse la main en espérant avoir rêvé, mais non. La topographie des lieux a imperceptiblement varié et mon cœur s'emballe. Le passif familial ne laisse aucun doute sur la nature de ce renflement anormal. Je repousse l'idée, je sais tellement les conséquences. Je n'ai pas vécu tout cela dans ma chair, mais j'ai observé, toute petite, le chemin maternel. Je me suis douloureusement confrontée, des années plus tard et avec un sentiment de totale impuissance à la tragédie de ma sœur. J'ai entendu encore et encore la souffrance de ma mère orpheline à douze ans à peine d'une mère décédée du fléau. Je retiens mon souffle de mauvaise élève prise en flagrant délit  et j'appelle le cabinet de gynécologie. Là, j'ai dû dire le mot magique, j'ai un rendez-vous le lendemain même !


Sur place, et après avoir contribué à faire la fortune de lotus en escamotant des dizaines de mouchoirs
en papier, je laisse la professionnelle faire minutieusement son travail de palpation. A chaque examen, elle fait  remarquer la densité importante de mes seins. Il y a des années je lui ai demandé quel sens ça avait. J'aime bien savoir le pourquoi des choses. Elle a répondu que c'était caractéristique des seins jeunes. Mes seins n'ont apparemment pas vieilli avec moi puisque chaque année elle redit la même chose. Je ne sais pas pourquoi, je ne relève pas.
La gynéco termine son tour d'horizon de ma poitrine et déclare qu'elle ne sent rien du tout. Je psychote, ça devient grave. Je n'arrive pas à savoir si ça me soulage ou me perturbe encore plus. Et là, elle me fait une ordonnance avec une échographie seulement ! Je la regarde avec des yeux ronds. J'ai dû penser tellement fort la dernière fois qu'elle a enfin compris que ce serait le seul moyen de me faire déplacer chez le radiologue.
Étant du genre à hyper penser, je vous fais grâce de mon état d'esprit en sortant de la visite si je ne veux pas vous ennuyer sur trois pages avec les hypothèses échafaudées. Surtout que ce n'est pas fini, et j'aurai le loisir de vous décrire plus tard les scenarii élaborés par mon cerveau éparpillé.
De retour à la maison, je mets tout cela dans un petit coin de ma tête. Dans les jours qui suivent, je travaille sur l'autosuggestion pour dire à mon corps que ce n'est pas forcément utile de péter un câble. Que j'ai bien compris que ce que je venais de vivre depuis plusieurs mois avait nécessairement affecté mon "véhicule"... Nuits sans sommeil, pleurs, perte de poids, fatigue, épuisement, sans parler des vingt années de vie commune qui passent en boucle pour comprendre le pourquoi du comment. Bref ! Je parle à mon corps et ma petite boule disparait.

 Me voilà quelques temps plus tard sujette à une grosse infection qui me contraint à rappeler la gynéco. C'est une vraie manie cette année ! Elle me prescrit illico des médicaments et moi qui suis d'habitude toujours sur le qui-vive en ce qui concerne l'allopathie, je fonce chercher l'ordonnance et les cachets. Seulement, la lecture de la notice me fait un peu frémir : " totalement contre-indiqué en cas de cancer gynécologique hormono-dépendant". Faut-il croire tout ce qui est écrit dans les avertissements ? A chaque fois que je me laisse convaincre par mon médecin de prendre ce genre de remède, la lecture de la fiche me fait passer l'envie et je renonce, préférant me tourner vers des alternatives naturelles. Mais cette fois, je fais taire mon intuition qui crie : non ! pour écouter ma raison qui, malgré sa boule dans la gorge (ça fait pas mal de boules à la fin cette histoire !) me dit : "Arrête tes caprices de petite fille rebelle. Tu souffres (et ça c'est vrai !) et tu as besoin d'être soignée. Sois l'élève docile que tu as été par le passé. Ta gynéco n'est pas débile. Tu l'as vue il y a peu, elle sait le haut risque dans lequel tu évolues, elle ne viendrait pas attiser le feu."
Et à mon corps défendant, je commence le traitement. Mon Gimini Cricket (entendez ma conscience pour ceux qui ne connaîtraient pas Pinocchio) s'égosille et me supplie de téléphoner (encore) à ma spécialiste. Mais la petite fille bien élevée en moi a peur de déranger, et elle ne décroche pas le combiné.

Et la petite boule revient dans les jours qui suivent. Avec la culpabilité. Ce mot ! Je décide d'avoir le cœur net et me voilà chez le radiologue un jour ensoleillé de juin. J'ai une petite robe à bretelles crème avec un imprimé en dentelle bleue. Mes sandales compensées bleu marine sont parfaitement assorties à ma tenue. Je m'arme de patience dans la pièce aveugle où j'attends le médecin, torse nu. C'est un moment que mes amies connaissent toutes. Aucune ne le décrit avec indifférence ou optimisme. On se sent rarement humain à ce moment-là, les bras croisés sur la poitrine qui va être scrutée. La tension est palpable quand le médecin rentre mais il doit y être habitué. Il interroge avec nonchalance jusqu'à ce que j'évoque le mot "boule". Ça fait toujours son effet, le monsieur se fait plus attentif et précautionneux. De fait, il y a comme une tâche blanche pas cool sur l'image à laquelle il donne un petit nom avec un 4 au bout. Je ne tombe pas des nues mais je demande tout de même ce que signifie ce code... Il m'explique brièvement une histoire d'échelle de graduation de 1 à 5 pour évaluer le risque cancéreux. Quelques seaux de larmes plus tard j'avance sur le trottoir dans ma petite robe légère, un peu déboussolée. En colère aussi. Fatiguée. Seule. Immensément seule.
La gynéco m'appelle dans l'après-midi, me revoit, veut m'expédier au centre anti-cancer le plus proche dont le seul nom me donne envie de vomir pour que je me soumette à une biopsie, histoire de mieux connaître la nature de la petite boule. Sait-on jamais !
Pas trop envie de me faire piquer le sein ! Je fais ma râleuse au risque de passer pour une totale irresponsable. Je finis par me laisser convaincre que c'est la meilleure solution. Et je vous dirai pourquoi, plus tard, cet examen était sans doute évitable !

in décodage biologique des maladies. Christian Flèche. Le souffle d'Or

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