dimanche 9 juillet 2017

Où il est question de chapitre et de livres...

Petit retour en arrière en septembre 2016, dans la cour du Château de Clos de Vougeot. On me confie le soin de rédiger le compte-rendu du chapitre pour publication dans la revue semestrielle des Chevaliers du Tastevin : Tastevin en main. Quelques mois plus tard ma prose est publiée. Elle a subi quelques modifications qui ne m'ont pas été soumises. Et que je ne trouve pas heureuses. Voici ci-dessous le texte originel. Bien évidemment, il ne s'agissait pas de relater "mon Clos Vougeot" avec intronisation à la clé et soirée entre amis. J'ai passé des moments délicieux, surtout au début, moins vers la fin. Ceux qui me connaissent savent l'importance que cela pouvait revêtir pour moi d'entrer à la Confrérie, qui plus est lors de ce Chapitre en particulier. Je ne suis pas "vantarde" mais je peux me targuer d'avoir pour camarades de promotion Romain Sardou et Olympia Alberti, entre autres, avec lesquels j'ai eu de savoureuses discussions.




Equilibre entre le jour et la nuit, entre la fiction et la réalité, entre la feuille de vigne et celle de papier, la 1145ème réunion des Chevaliers du Tastevin marie, par son seul nom « chapitre » le vin au livre.

Le Chapitre de l’Equinoxe, de la Plume et du Vin, ce 25 septembre 2016, a mille petits commencements… Dans le reflet du soleil sur le vignoble, autour des vendangeurs qui travaillent dans les rangs, sous le crissement des graviers, que les dames, du haut de leurs talons, foulent avec précaution. La fête commence en fait dans le bus qui, parti de l’Hôtel du Cep à Beaune, s’engage sur la route des Vins. Le doux accent des participants Québécois est irrésistible… Ils interrompent leurs conversations, à la vue des panneaux indicateurs : « Et que les noms sont beaux ! Aloxe-Corton… Aïe, aïe, aïe ! », « Ça c’est des villages qu’on aime hein ? Ladoix-Serrigny ! ». La vigne est baignée de lumière. Quelle féérie ! On grimpe au Clos de Vougeot par la rue de la Montagne.
Ce soir, on fête le vin mais aussi les écrivains. Le Chapitre coïncide avec le Salon Livres en Vignes, dont c’est la neuvième édition. Si Alain Rey, dans l’ouvrage primé par le Prix du Clos de Vougeot,  emprunte à Musset le célèbre « Pourvu qu’on ait l’ivresse », tout chevalier ou aspirant qui se respecte réfutera l’idée « qu’importe le flacon ». Boire d’accord, du Bourgogne, c’est mieux !


Mes parrain, marraine Guillaume et Françoise, Hélène G, Virginie et Philippe.


La cérémonie des intronisations a lieu dans le cadre somptueux de la Cuverie, les vieux pressoirs pour témoins. Plus tard, dans le Grand Cellier, on rappelle aux convives qui prennent place les paroles de Brillat-Savarin : «Convier quelqu’un à votre table c’est se charger de son bonheur tout le temps qu’il est sous votre toit. ». Le ton est donné et les agapes peuvent commencer sous la houlette de quinze cuisiniers, seize sommeliers (qui serviront plus de 500 bouteilles) et quarante personnes pour servir « efficacement et discrètement ». Un Corton-Charlemagne Grand Cru 2011 bien racé emplit le premier verre.


Sans la vigne et le travail des hommes, pas de précieux nectar. L’année a été rude après un hiver trop doux et un désastreux épisode de gel, les 27 et 28 avril. « Matins glauques », « La vigne hurle sa douleur »… Après un véritable bras de fer contre les éléments climatiques en mai et juin, la fleur sort le 20 juin et la plante rattrape son retard… Les conditions sont favorables. Et le temps des vendanges est arrivé. Période excitante et exaltante, apogée d’une année de travail. Le viticulteur a la responsabilité d’être à la hauteur des terroirs qu’il a le privilège d’accompagner. 2016, dit-on, sera dans la lignée des grands, voire des très grands millésimes.
Les lumières se tamisent. Une partie de l’assemblée découvre cet instant où « La Nuit » de Rameau envahit l’espace. Ceux qui le revivent ne sont pas moins émus.
 Un Irancy «Les Mazelots » 2013 Tasteviné, frais et bouqueté, accompagne délicatement les incontournables œufs en meurette. 1500 œufs. L’unique poule du Clos de Vougeot va très, très, bien a plus tôt rassuré le Grand Maître, provoquant l’hilarité de l’assemblée déjà gaie. Louis-Marc Chevignard se félicite de voir tous ces gens réunis dans un coude à coude fraternel et chaleureux, dernière cuvée littéraire et dernières vendanges mêlées. Le cliquetis des couverts que l’on débarrasse est à peine masqué par  les Cadets de Bourgogne qui entonnent « La Vigne à Claudine ». « La plus sage grapille, mais ne vendange pas ! »

 On sert un Hospices de Nuits Nuits Saint-Georges 1er Cru Les Rues de Chaux 2011 juste avant les intronisations. Le Grand Conseil s’avance. Les trompettes d’Aïda retentissent. Les serviettes tournoient au-dessus des plumes pourpre et or que les femmes ont plantées dans leur chignon. « Messieurs les maîtres, veuillez sonner les honneurs ! ». Les Cors de Chasse prennent le relai. Instant solennel du « Juro » des présidents : Jean-Marie Rouart de l’Académie Française, Vincent Barbare, éditeur, et Son Excellence Monsieur Charles Gomis, Ambassadeur de Côte d’Ivoire en France. « Remplissez nos tasses car selon la formule « In Vino Veritas ». Les discours se succèdent, célébrant le mariage du vin et de l’écriture.  Le Clos-Vougeot Grand Cru 2013 Tasteviné rougeoie dans le quatrième verre. « En le vidant, j’y vois refleurir les beaux jours » ! Et j’y perds un peu mes esprits…
L’escargot du dessert s’est paré des couleurs de Livres en Vignes et de la Bourgogne pour les Nuls. Evelyne Philippe, l'organisatrice du salon, reçoit le bouquet des Dames.

Les deux compères Jérôme Collardot et Jean-François Curie nous régalent d’un discours de leur cru… Mais étonnamment, les notes que j’ai prises sont illisibles. Quelque chose m’échappe… Après le Crémant de Bourgogne Brut Rosé Tasteviné pétillant et spirituel, quelqu’un verse du Marc dans mon café. Il est tard et l’assemblée est priée de se dissoudre !







Demain est un autre jour… Dimanche, les visiteurs de Livres en Vignes réinvestissent les lieux. Les écrivains en ont encore plein les yeux. J’ai rangé mon Tastevin fièrement obtenu la veille. Quelqu’un me demande : « Du coup, tu as un nouveau titre ? On dit comment au féminin, Chevalière ? »
Les vapeurs d’alcool dissipées, j’ai envie de jouer avec les mots. Je réponds : « Je pense que l’on peut dire d’une femme qu’elle est un ange et d’un homme qu’il est une calamité. On peut dire d’une femme qu’elle est un bourreau de travail (ou des cœurs) et d’un homme qu’il est une flèche (ou une perle). Je suis de celles et ceux qui pensent que le genre (grammatical) ne définit pas le sexe, ou plutôt que le sexe n’a pas à influencer le genre. Je suis donc un Chevalier, et l’absence de « e » en finale ne me fait pas sentir moins femme ! »

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