mardi 18 avril 2023

La mariée portait des bottes jaunes


India, dix ans, a dû enfiler une robe rose qu’elle trouve gnangnan. Son petit frère, Louis, huit ans, est assis à côté d’elle à l’arrière de la Mercedes de Franck avec lequel leur mère s’est remariée. Que fait-elle avec ce type ? Elle-même se le demande bien ! Muriel a fui le domaine viticole familial il y a maintenant des années pour vivre son histoire d’amour avec un journalier. Une décennie et deux enfants plus tard, un accident mortel de poids lourd a changé la donne. Lewis mort, Muriel est perdue. Dans sa tête, pourtant, une évidence se fait jour. Le corps retrouvé dans le camion était méconnais- sable. Et si le père de ses enfants était vivant ? Elle demande à son frère aîné, Ambroise, d’accueillir sa progéniture. Elle aura les coudées franches pour chercher sérieusement Lewis au lieu de s’apitoyer sur son sort. Les liens étant rompus depuis des années, les deux enfants arrivent en terre inconnue. Louis
se raccroche à la poésie, India parle aux arbres. Au
château, une grand-mère monte son cheval en amazone, une employée de maison bichonne son monde, une épouse et une ex femme s’évitent, vieux oncle et tantes gravitent autour d’une jeunesse prometteuse. Quand et comment tout va exploser ?
Dans
La mariée avait des bottes jaunes, on retrouve toute l’habileté de Katherine Pancol à faire entrer le lecteur dans un univers. Adieu les yeux des crocodiles, bonjour la région bordelaise et ses vignobles. Dans ce décor viticole, se déploie une grande saga familiale où des drames tus sont peu à peu mis à jour et où des secrets bien gardés se fissurent. Le naturel et l’intelligence de la jeune génération vient chambouler la réserve et le masque de dignité d’adultes dont les cœurs se dévoilent au fil des pages. La fille fugueuse, en retrait de la comédie familiale, œuvre en parallèle à son destin. Chacun, à un moment ou à un autre de cet imposant ouvrage (presque 750 pages quand même), fait entendre sa voix. La palette large des personnages donne des échos pétillants ou sombres, frais ou tourmentés. Une fois lancé, le lecteur ne peut plus s’arrêter. On participe au travail de la vigne, à la vie d’un domaine. On tente de déjouer les conflits pécuniaires que l’or rouge suscite chez les envieux. On observe, on transpire, on goûte, on hume, on regarde le ciel, on tremble, on s’inquiète du gel ou de la grêle, on s’épaule. Une configuration familière aux bourguignons auxquels le roman fait un clin d’œil. On assiste avec délectation aux remises en question, aux déceptions, aux éclosions, aux doutes, aux transformations des uns et des autres vers un nouvel ordre. On craint un moment qu’il faille attendre un prochain opus pour la résolution. On souffle d’aise quand on s’aperçoit qu’il n’en est rien. On se prend à espérer une suite. Dans quelle danse nous entraînera Katherine Pancol la prochaine fois ?

 

La mariée portait des bottes jaunes. Éditions Albin Michel. 24,90€

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire