mercredi 3 mai 2023

Des lendemains qui chantent

 La force du destin

 


 

1935. Paris. La crise est passée par là. On monte des spectacles en faisant des économies de bout de chandelles, politique de rigueur oblige. Le directeur de l’Opéra-Comique, inquiet, espère que sa reprise de Rigoletto va renflouer les caisses. Mais ne pouvant proposer des cachets dignes de ce nom, il a essuyé le refus de toutes les grandes voix. Sa distribution va-t-elle tenir la route ? Dans l’effervescence d’avant le concert, les personnages virevoltent. Au milieu d’un public éclectique, Mademoiselle Renoult. Cette femme digne, professeure de rôles, a fait la pluie et le beau temps dans les programmations des théâtres d’Europe et du monde. Mais elle a pris sa retraite. Pourquoi diable a-t-elle insisté pour obtenir un petit rôle à ce ténor sorti d’on ne sait où ? Voici l’instant où depuis la fosse de la salle Favart, s’élève la cacophonie des instruments qui s’accordent. Puis, le silence. Verdi, enfin ! Seulement, les choses ne se passent pas tout à fait comme prévu et c’est l’élève de Mademoiselle qui, avec ses dix misérables répliques, crée l’événement et capte l’attention de la foule. Retour en 1912. Une grange en Italie. Musetta la servante, prise au piège des amours ancillaires, met au monde un fils qu’elle aime instantanément. Tu seras quelqu’un murmure-t-elle à son enfant avant de rendre son dernier soupir. Que faire de l’orphelin qui donne de la voix à arracher les tympans ? Là commence le destin d’Elio, entre persécutions et miracles, malheureux hasards et chance vertigineuse. 

 Des lendemains qui chantent. Le titre, déjà, avait tout pour me séduire. Un double sens porteur de musique et d’espérance. Une quatrième de couverture alléchante... il n’en fallait pas plus. Mes jours ont été suspendus à ceux d’Elio Leone pendant les 442 pages d’une épopée haletante. Impossible de se détacher de la puissance du récit. L’auteur nous entraîne dans les pas de ce laissé pour compte (Abandonnato) que rien ne prédestinait à une carrière de chanteur lyrique. Les rencontres d’Elio sont autant de bouleversements, de fascination, de matière à introspection. La musique de Verdi n’est jamais bien loin et souvent, on suspend la lecture pour écouter ou ré-écouter le Chœur des Esclaves du grand Verdi ou la plainte slave des Chants et danses de la mort de Moussorgsky. Cette plongée dans tout ce que la musique classique a de sacré ancre la magie des mots. Ce roman absolument prenant dessine un héros complexe, naïf, entier, honnête, blessé, touché par la grâce, humble. Autour d’Elio, les personnages secondaires ont un vrai caractère, influant sur sa trajectoire. Une intrigue à multiples facettes qui nous entraîne de Naples à New York en passant par Paris, Nantes, la Sibérie, Haïti et Milan. Émotion intense. Évasion totale. Réflexion profonde sur la quête de soi, le talent, le succès, ce qu’on en fait ou pas, les sentiments vrais ou pervertis, l’Histoire et ses coups retors, la force de l’amour.


Des lendemains qui chantent.
Alexia Stresi. Editions Flammarion. 21 €.

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