lundi 3 avril 2023

Il ne doit plus jamais rien m'arriver

 

A la vie à la mort !


Il ne doit plus jamais rien m’arriver
prononce cette femme lorsqu’elle met au monde son premier enfant. Personne ne cherche vraiment à comprendre le sens de ces mots. Une maman se doit d’être là sans faille pour sa progéniture. Le narrateur est le petit dernier d’une fratrie de trois, couvée par l’auteure de leurs jours. Lui-même habite désormais le logement situé au-dessus de celui de ses parents, après que sa sœur a déménagé en province. Atteinte d’un cancer des ovaires, leur mère est condamnée. Elle prend les choses avec une certaine philosophie. Au fond, elle savait qu’elle mourrait jeune. Le fils, lui, se souvient de son enfance dans le grand appartement que ses parents, professeurs de mathématiques, ont restauré à Vincennes, avec vue sur le château. La maisonnée retentissait de rires et de mouvement, la porte était toujours ouverte pour donner un coup de pouce à ceux qui avaient besoin de soutien scolaire ou d’un point de chute. Dans la rue, l’enseigne lumineuse verte du Toutou shop, immuable, a été le témoin, au fil des ans, de toutes les aventures de la famille. Aujourd’hui elle voit passer des ombres d’hommes voûtés qui viennent d’apprendre la mort de celle qu’ils aiment. De l’hôpital au cimetière, un long parcours, semé souvent de situations en total décalage avec leur chagrin, les attend. Et le fils orphelin de s’interroger sur la vie de femme de sa mère. Que pouvait bien cacher cette phrase, anodine et mystérieuse, aux fondations de sa famille ? 

 Le sujet pourrait en rebuter plus d’un. Il serait pourtant dommage de passer à côté de ce récit en plusieurs teintes... Illustrateur, Mathieu Persan, qui signe là son premier roman, passe habilement du nostalgique au cocasse sans jamais perdre son lecteur. Il mêle le présent au passé sans s’emmêler les pinceaux. On découvre une force d’amour puissante, une famille sans histoire qui en écrit pourtant une belle. La beauté est dans la banalité. Une table de cuisine autour de laquelle on se rassemble et on s’offre de la chaleur. A côté de ça, la maladie, inexorablement, gagne du terrain. Mais si elle vient à bout de l’héroïne, elle n’a cependant pas le dernier mot. Le commerce autour de la mort prend le relais, grâce à des situations pour le moins dissonantes, où le rire l’emporte malgré l’incongruité. Parce que Mathieu Persan nous le rappelle d’une façon admirable : la mort, c’est la vie. Charge à ceux qui restent de faire palpiter encore et encore le cœur de l’être aimé et disparu, dans toutes les petites scènes du quotidien. L’auteur, d’une plume juste, tendre et drôle, dit tout sans en faire trop. La figure du père, un peu en retrait, s’étoffe au fil du roman et véhicule un message essentiel : « [...] on va te faire croire qu’il faut jouer les durs, rouler des mécaniques et que c’est ça, être un homme. Oublie ces conneries. Il faut être gentil, c’est ça le plus important. Et si on n’apprécie pas ça chez toi, si on te dit que tu es trop gentil, passe ton chemin. ». Ne passez pas le vôtre et allez à la rencontre de Matthieu Persan. 

 

Il ne doit plus jamais rien m’arriver. Mathieu Persan. Éditions L’Iconoclaste. 20 €

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire