mercredi 20 novembre 2019

Chronique sur l'opéra de celle qui n'y connaît rien !

Rien de plus excitant que d'entendre le bruit des instruments s'accorder avant un concert. Dans la fosse, je distingue certains musiciens. Trombone et autres cuivres. Sur la gauche, deux belles harpes de concert. Je ne peux m'empêcher de penser au mari de la harpiste (et à sa femme), bien décidée à guetter les incursions de cet instrument dans la partition. Le décor est spartiate. Des planches de bois au sol, à la verticale en fond de scène, à cour et à jardin. On devine que par une action mécanique, ces planches disjointes moduleront le décor. Les protagonistes entrent, habillés en tenue de tous les jours. Les premières notes s'élèvent. C'est le choc. D'emblée, je comprends que pour les grandes envolées lyriques, l'émotion façon "Pretty Woman", il faudra repasser. Ce ne sera pas pour cette fois. Ma mission, pour les 80 et 60 minutes que représentent les deux actes, c'est supporter cette succession incongrue de sons qui ne semblent reliés entre eux par aucune logique musicale. Une mélodie ? concept archaïque, dépassé. Non, les chanteurs (mais comment font-ils pour mémoriser des suites de notes aussi incohérentes ? ) égrènent des sonorités dissonantes, sortant de leur bouche dans ce qui me paraît un relatif désordre. Force est toutefois de constater que les voix ensemble, si elles sont loin de m'émouvoir, présentent une unité dans la dysharmonie. Incroyable. Et ce que je ne pensais pas pouvoir tolérer, bruit arrogant ressemblant à tout sauf à ce que je peux qualifier de "musique", se révèle écoutable, curieux, voire impressionnant. La harpe tire son épingle du jeu. Certains passages sont même très inventifs, je n'imaginais pas les instruments capables de reproduire tant de bruitages. Bon, je n'irais pas jusqu'à écouter ça chez moi, soyons honnêtes, je n'aime pas le genre. Je n'en admire pas moins la performance des chanteurs et instrumentistes, tellement la partition m'apparaît absconse.

Côté mise en scène, assez vite, Régane enlève ses chaussures. Lui font-elle mal aux pieds ? Le Royaume partagé par Lear est matérialisé par une miche de pain, sur laquelle se jettent goulûment les protagonistes concernés. On l'a compris (cf résumé dans le post précédent) la pièce est sinistre. Est-il utile d'enfoncer aussi grossièrement le clou ? Plus tard, Régane a ôté le haut de sa robe qu'elle a nouée autour de sa taille. Elle est en soutien-gorge. Dans quel but ? A-t-elle trop chaud ou veut-on nous faire comprendre qu'elle est foldingue ? Chacun, à son tour, sème des vêtements, qu'un vieux serviteur ramasse et fourre dans des sacs poubelle en plastique. Quand les planches du décor basculent, un jeu d'ombres nous permet de distinguer, entre les lattes, un vieillard, debout. Qui est-il ? La lumière s'intensifie. Mais, mais... Il est totalement nu ! L'ombre de ses maigres et flasques pectoraux sur son corps décharné, les os de l'épine pubienne exagérément saillants et le sexe exhibé, n'apportent à mon sens strictement rien à l'histoire. Vision allégorique de la mort et de la fragilité de la vieillesse, rendant l'homme vulnérable et nu comme l'enfant qui naît ? Halte-là. Le public n'est pas débile. A-t-on besoin de cette masturbation intellectuelle pour apprécier une œuvre ? Le festival continue avec du rouge barbouillé sur les yeux crevés de Glousester (au cas où on n'aurait pas compris). Quant à Régane, elle enlève maintenant ses bas dont elle se sert pour étrangler ses ennemis. N'en jetez plus. Lear, à demi-nu évolue dans un caleçon tâché au mauvais endroit de sorte qu'on pense qu'il s'est chié dessus. Où va-ton ? 
Ce n'est pas fini. Une image est projetée au fond de la scène. Un pied nu en gros plan. L'image glisse ainsi jusqu'à la tête de l'homme gisant, bouche ouverte. Le scénographe jugeant sans doute que le public en redemande nous inflige ensuite une sorte de gros plan sur ce que j'ai identifié comme une peau poilue sur laquelle glisse une goutte d'eau (mais sans certitude). Ensuite, pour finir, on a droit à de multiples focus sur la peau flétrie d'une personne âgée. Voilà, voilà...



Il est probable qu'une certaine presse encense le génie artistique de Calixto Bieito. Personnellement, j'ai eu de la peine, parfois, à voir les artistes se soumettre aux gesticulations grotesques voulues par leur metteur en scène. Le livret évoque une sombre histoire. On est d'accord. Là-dessus, la musique étant totalement barrée, on aurait gagné à une mise en scène plus humble. Tout semble en fait orchestré pour atteindre les sommets de l'absurde qu'une poignée de snobs veut nous faire prendre pour de l'art. Franchement, c'est à vomir de pédanterie.
Cela me fait penser à une scène des Intouchables. Certes, on revient dans du "populaire" mais le but de la société civilisée est-il de permettre au peuple de s'élever par la culture ou seulement de conforter une élite dans sa position de supériorité en inventant un onanisme conceptuel ? Dans le film, donc, quand Omar Sy découvre l'opéra aux côtés de François Cluzet, il explose de rire en voyant un chanteur truffé de feuilles vertes : " C'est un arbre ! C'est un arbre qui chante ! C'est en allemand en plus ! Vous êtes tarés !" Imparable pragmatique. Hilarité naïve, enfantine et communicative.
En découvrant ce vieillard nu, qui n'apporte aucune esthétique ni émotion à la composition, ma voisine et moi nous sommes regardées... étouffant un rire.
Quand on veut faire passer du grand n'importe quoi pour de l'art, ça donne ça. Ceux qui applaudiront des deux mains auront peut-être compris quelque chose qui m'a échappé. Moi, je vois plutôt des égos fragiles et surdimensionnés, adeptes de la bienpensance, les mêmes qui, face aux nouveaux habits de l'empereur ne tariraient pas d'éloges sur la qualité des vêtements d'un homme nu.

Du "beau" pendant l'entr'acte


En conclusion, malgré mon regard critique, je ne regrette absolument pas cette expérience et la confrontation à un spectacle vers lequel je ne me serais pas spontanément tournée. Cela me conforte dans mes goûts tout en m'initiant à la diversité. Ça me permet aussi de persifler ( ce que je m'autorise rarement à l'écrit !). Je ne le répèterai malgré tout jamais assez : "la critique est aisée mais l'art est difficile". Susciter de telles réactions est peut-être le but du controversé Calixto Bieito. Dans ce cas, objectif atteint !
J'ai hâte, quoi qu'il en soit, d'aller vers d'autres découvertes, peut-être plus conformes à ce que j'aime, et qui toucheront mes émotions autant que mon intellect.

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