mardi 10 janvier 2023

Le bureau d'éclaircissement des destins


Le saviez-vous ? L’International Tracing Service est le plus grand centre de documentation sur les persécutions nazies. Il a été créé par les alliés au cœur de l’Allemagne à la fin de la seconde guerre mondiale. Ses employés y accomplissent toutes sortes de missions et s’évertuent à retrouver les traces de personnes disparues, permettre à d’autres de découvrir ce qu’est devenu l’un des leurs. C’est un travail de fourmi. 
Là commence la fiction. Irène est française. Venue s’installer avec son mari allemand au début des années quatre-vingt-dix, elle a obtenu un poste à l’ITS grâce à sa maîtrise du français. Passionnée par son métier, elle s’y donne corps et âme sans toutefois comprendre ce qui la pousse à enquêter avec autant de persévérance pour réunir les familles disloquées. En 2016, son équipe se voit chargée de restituer des milliers d’objets regroupés au centre après la libération des camps. Commencent de minutieuses recherches. Des numéros, un nom, elle tire le fil du moindre indice pour essayer de reconstituer le parcours d’un objet et retrouver un frère, une petite-fille, un parent... Dans le même temps elle s’interroge. Après son divorce, elle a élevé seule son fils Hanno. Les drames qu’elle découvre génèrent un écho indéfinissable et bousculent son cœur de mère et de femme. Elle poursuit sa quête sans relâche à travers l’Europe. Que trouvera-t-elle au bout du chemin ?
 Le bureau d’éclaircissement des destins se présente comme un véritable puzzle. Dès le départ, on s’attelle avec Irène à en distinguer les contours. On pénètre à petits pas dans l’histoire de vies dévastées. L’intrigue se déroulant en Allemagne, on plonge dans un passé trouble et un traumatisme toujours vivant. Des gens savaient et se sont tu. D’autres participaient sans une once de remords. Gaëlle Nohant explore en profondeur les tiraillements d’une société et de l’âme humaine. Les choses s’avèrent bien plus complexes que la vision manichéenne véhiculée par les manuels scolaires. Au gré des investigations en sauts de puce d’Irène, on découvre la lettre d’une vieille dame, un mouchoir, la culpabilité, le désir de rédemption, l’envie de se dédouaner ou encore la lâcheté. Voilà pour un côté de la barrière. De l’autre, on approche des personnages que le destin a transformés en héros, on découvre l’horreur, l’indicible, mais aussi d’autres contrées, d’autres langues, la rébellion, une forme de résilience ou encore la difficile tâche d’être un survivant. La documentation est soignée. La plume, à la fois romanesque et instructive, explore avec brio les multiples facettes de la guerre. Comme d’habitude chez Gaëlle Nohant les personnages sont magnifiquement étudiés. Elle brosse les mémoires enfouies, les tragédies quotidiennes, du passé et du présent. Elle éveille chez le lecteur un sain questionnement. Entre deux romans, Gaëlle Nohant prend son temps. On comprend pourquoi. Le bureau d’éclaircissement des destins illuminera nécessairement votre pause lecture. Du grand art !
 
 
 Le bureau d’éclaircissement des destins. Gaëlle Nohant. Éditions Grasset. 23€.

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