jeudi 11 juin 2015

Angelina Jolie... Et les autres #1


Quelle femme, aujourd'hui, ne redoute pas le passage annuel chez le médecin-gynécologue ?
Certaines s'en exonèrent, d'autres y vont à reculons, tremblantes. J'en connais peu, bonnes élèves, toujours prêtes à recevoir le sésame pour la douleur et l'angoisse : l'ordonnance pour la mammographie. A vrai dire, je n'en connais pas.
Qu'avait-il donc contre notre sexe le sombre idiot qui a inventé cette machine infernale ? Si on lui écrasait les c... entre deux plaques de verre et qu'on le tance parce qu'il grimace, lui assenant de ne pas bouger au risque de devoir refaire l'examen, comment réagirait-il cet homme-là ?
Je sais, c'est politiquement incorrect de s'insurger contre une pratique qui sauve des vies. Je le fais quand même. Je n'engage que moi. Au fil des années, je me suis questionnée, j'ai observé, j'ai lu, j'ai interrogé, j'ai écouté les expériences des personnes qui m'entourent. 
Mon côté rebelle ou revendicateur heurtera peut-être ceux ou celles dont l'histoire résonne différemment. Il y a un espace pour commenter, et donc dialoguer. C'est comme cela que l'on fait avancer les choses. On ne voit jamais la vie que de son propre point de vue. Et parfois, regardant le même objet mais pas sous le même angle, deux individus voient des choses très différentes, sans que l'un ait raison et l'autre tort.

Je vais donc au fil des pages, vous livrer une version... 
J'aurais bien commencé par la fin, pour remonter le temps... Seulement voilà, la fin n'est pas encore écrite. Alors j'attaque par un commencement. Ce n'est pas vraiment le début de l'histoire, mais je ne sais pas plus quand elle commence que quand elle finit.

Dans le cabinet de la gynéco, chaque année, c'est exactement le même scénario. On fait un point sur les moyens de contraception. Néant. Je connais mon corps, je sais quand il y a danger, quand il n'y en a pas. La gynéco grimace. Je rappelle que la pilule, ça modifie l'état hormonal, que certains stérilets aussi et que l'idée de corps étranger dans mon utérus m'est absolument insupportable, de toute façon. Après s'être repliée sur ce terrain, le médecin aborde celui, plus délicat, des examens préventifs (pour, contre ? )... Enfin, disons plutôt les examens de dépistage du cancer du sein. Pas facile pour elle. Je suis barricadée dans mon camp retranché. Avec les moyens de défense déployés tout autour de mon fort (for intérieur ?).
Mammographie et échographie. Pourquoi les deux examens sont-ils indispensables ? La mammographie est une torture. Les légères protubérances qui me servent de poitrine sont ultra sensibles et l'examen est difficile et douloureux. Des seaux de larmes à chaque fois ! Quand je demande à ne passer que l'échographie qui permettrait, le cas échéant, de prescrire une mammographie si l'image était douteuse, il m'est répondu qu'on voit des choses à la mammographie qu'on ne voit pas à l'échographie. C'est une fin de non recevoir. Je pourrais transgresser. Me présenter chez le radiologue en demandant à ne faire que l'échographie. Après tout, ne suis-je pas libre de décider ? Cela ne me vient même pas à l'esprit.
N'ayant pu forcer cette porte, la gynéco tente une autre approche et sort la cartouche de l'onco-généticien. Remontée comme une pendule après la précédente joute, je sors l'artillerie lourde. Aller voir ce type pour raconter toute l'histoire d'une famille touchée par des cancers à répétition, faire une prise de sang pour savoir si, comme ma mère et ma sœur je suis porteuse de la mutation génétique (BRCA2*... ça c'est du glamour !), oui, et après ? Après quoi ? Que fait-on ? N'être pas porteuse de la mutation me met-il à l'abri d'un cancer su sein ? Non. Et si je suis "mutante" que se passe-t-il ? Ah !!! On va juste me proposer une surveillance rapprochée et donc, de m'écraser les nichons deux fois par an au lieu d'une ? Quelle alternative réjouissante !
La gynéco, vaincue, me suggère, en dernier recours, d'aller chez le psy. Je me mouche bruyamment dans l'un des trente-six mouchoirs que j'ai déjà extraits de la boîte posée sur son bureau et je ne réponds rien. Il a bon dos le psy.
Un jour, plus tard, je me demanderais comment cette femme, mon médecin, spécialisée dans les maladies des seins, au courant de l'existence de cette mutation dans ma famille, comment cette femme avait pu faire l'impasse, dans le discours qu'elle me tenait, sur l'existence de la prophylaxie? Ce qui, soyons honnête, ne veut pas dire que j'y aurais été sensible, mais j'aurais au moins été avertie. Mais ça, c'est après...



*BR pour breast (sein en anglais), CA pour cancer et 2 parce que le 1 c'est Angelina Jolie qui l'a ! Très succinctement, il s'agit d'une mutation sur un chromosome qui perturbe le nettoyage des cellules malignes pour lequel notre organisme est génétiquement programmé. Les cellules tueuses de cancer sont inhibées et donc, la probabilité de développer un cancer est plus (voire beaucoup plus) importante que dans la population dite "normale".   


2 commentaires:

  1. Très touchant . Ta réflexion sur le sujet pour ne pas le nommer ( .. )pose les mots sur ce que je ressens.

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    1. Merci. La suite très bientôt. Échanger nos points de vue et nos réflexions ne peut qu'être utile pour avancer et faire avancer aussi les équipes "médicales"...

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