On dit souvent des romans de Sandrine Collette qu’ils dégagent une part d’ombre. Un frein à la lecture, repoussée cent fois par crainte d’être aspirée dans un univers trop noir. Finalement, je me décide. Là, je vérifie que réduire l’œuvre de cette autrice à son aspect obscur est bien dommage. Cela occulte l’immense richesse du récit. Dans Madelaine avant l’aube, les phrases, parfaitement ciselées, capturent immédiatement le lecteur. Le froid s’immisce, la faim tenaille, l’injustice règne, oui. Mais la lumière est partout. Dans le regard que se portent les sœurs, dans la complicité des enfants, dans la ténacité de Germain, le fils aîné, dans l’obstination de Madelaine, dans la bonté d’Eugène, dans la chaleur du four à pain. Dans l’unité de tous, avec leurs forces et leurs failles, face à l’adversité. La façon dont ces individus, coupés du monde, survivent est fascinante. La famille a appris à respecter le pouvoir établi par la terreur que font régner les maîtres. Madelaine, elle, n’a aucun code, sinon celui d’un ordre des choses juste et raisonnable. Accrochée à un instinct viscéral de survie, elle fait, malgré elle, planer un vent de révolte. Madelaine ébranle les certitudes, premier pas vers la liberté ? Une écriture éblouissante au service d’une histoire à la fois terrifiante et magnifique. Un équilibre parfait entre les scènes du quotidien, superbement décrites, les portraits des protagonistes, bouleversants de sincérité, les rebondissements, la tragédie et le prix de la vie. Incontournable.
Madelaine avant l’aube. Sandrine Collette. Éditions JC Lattès. 20,90 €. Prix Goncourt des Lycéens 2024.
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