mercredi 29 mai 2024

Les oiseaux se moquent bien du paradis

Dans les enceintes du taxi qui conduit une femme à la maternité, Dave chante Vanina-a-a. C’était la chanson préférée d’Hortense, dont la mort a laissé ses parents inconsolables. Ils y voient un signe de l’au-delà, le prénom de l’enfant à naître est trouvé. Embarrassés par le fantôme de leur fille décédée, ils déménagent à Hyères, dans le sud de la France, avec leur fille vivante, bientôt rebaptisée Vanille par ses camarades de classe, Pierrot en particulier. Alors que sa mère se mure dans son chagrin et que son père s’évade en compagnie des oiseaux qu’il étudie, Vanille noue une profonde amitié avec ce garçon dont elle est bientôt inséparable. Ensemble, ils décident que plus tard, ils tiendront l’épicerie où ils achètent leurs bonbons à la sortie de l’école. Va- nille a une voix magnifique, elle est promise à une carrière de chanteuse lyrique. Devenue adulte, elle officie pourtant bien dans l’épicerie, dont l’enseigne kitsch, un flamant rose lumineux volé devant une discothèque, trône dans la vitrine. Pierrot est là aussi. Vanille s’adresse à lui au quotidien sans jamais obtenir de réponse. Bien souvent, elle s’évade dans ses souvenirs. Son voisin, Sam, est coiffeur. Sa femme s’est enfuie en Italie en emmenant leur fille. Il cherche sans succès depuis des années à les retrouver quand il reçoit une lettre. Il appelle Vanille à l’aide.

Les oiseaux se moquent bien du paradis annonce Magali Discours dans son dernier roman. Entre les morts et les vivants, le ciel et la terre, les pinsons sont gais, les pies, voleuses, les poules mouillées, le pigeon, voyageur. La poésie des oiseaux et de l’autrice accompagne Vanille et Sam dans les quêtes qu’ils poursuivent presque malgré eux. Prendre son envol. Entre le propre et le figuré, certains se sont mélangé les cannes. Qui est vraiment Pierrot ? Un buste en céramique hérissé de sucettes ? Une personne réelle mais mutique ? Une présence symbolique silencieuse, qui permettrait enfin à Vanille d’écouter son chant intérieur et de trouver sa voie (voix) ? Que fait-on de son passé ? Comment surmonte-t-on (ou pas) le traumatisme d’avoir été mal aimé ? Dans un jeu de miroir (sans alouette), on observe des mères et les conséquences, souvent délétères, que provoque leur absence. Les personnages se débattent parfois comme une mouette rattrapée par la marée noire. L’évocation de souvenirs joyeux ou, à d’autres moments, d’instants chaleureux du présent, transpire la fluidité et l’élégance d’un vol d’oiseaux migrateurs. Avec la précision d’un coucou suisse, l’autrice décortique le déni et le désespoir.
Puis, à tire-d’aile, elle accompagne ses héros vers la résilience. Encore une fois, la jolie plume de Magali Discours nous emporte dans la vie de personnages qu’on peine à quitter, la dernière page tournée.


Les oiseaux se moquent bien du paradis. Magali Discours. Éditions de l'Archipel. Collection Instants suspendus. 20,00€

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