mercredi 29 mai 2024

La Madeleine Proust, une vie


 Il y a quelques semaines, j’ai eu le privilège d’animer une rencontre avec Lola Sémonin, alias la Madeleine Proust. Beaucoup d’entre nous connaissent ce personnage de paysanne du Haut-Doubs, à l’accent franc-comtois familier. Pendant quatre décennies, la Madeleine Proust a commenté les événements avec son regard faussement naïf. Lola Sémonin a laissé à une autre comédienne le soin de continuer de faire vivre le personnage dans un nouveau spectacle, La Madeleine Proust passe le relai. Elle se consacre désormais entièrement à l’écriture. Son personnage néanmoins chevillé au corps et un désir de transmission aussi fort qu’une vocation, elle en a écrit l’histoire. Née en 1925 dans une ferme d’un petit village près de Morteau, la Madeleine doit, toute jeune, s’occuper des frères et sœurs arrivés après elle. Quand elle peut enfin aller à l’école, elle apprend avec facilité. Le travail à la ferme l’éloigne pourtant bien souvent des bancs de la salle de classe. Des drames silencieux aux rencontres adolescentes en passant par le travail aux champs, la Madeleine Proust se raconte et partage les moments importants de sa vie de famille. Quatre tomes de La Madeleine Proust, une vie se succèdent. Le premier s’appelle Quand j’étais p’tite 1925-1939. Dans Ma drôle de guerre 1939-1940, Madeleine raconte la mobilisation et le départ d’anciens poilus désabusés comme son père, le cantonnement d’autres soldats, hébergés à la ferme. L’agriculture se moque des turbulences humaines, il faut des bras pour effectuer les moissons. Sous la botte 1940-1941 emmène Madeleine loin de sa montagne, à Paris, en tant que bonne. L’occasion de confronter deux univers, celui des patrons et des employés, mais aussi celui de la résistance et de la collaboration, aux frontières pas toujours nettes. Enfin, Libération 1942-1945, ramène notre paysanne chez elle pour vivre les dernières années de guerre où les habitants sont confrontés à des choix et contraints au secret.
Dans cette tétralogie, on découvre une Madeleine Proust différente du personnage de scène. On partage la vie d’une enfant et d’une jeune fille dans l’entredeux guerres et pendant le second conflit mondial. Beaucoup de thèmes sont évoqués : la place de l’école, du travail, des enfants, de la religion, les deuils, l’inceste, l’émancipation, les événements qui précipitent des peuples amis dans la guerre. C’est poétique, documenté, passionnant. Madeleine y apparaît sous un jour touchant, “au-then-ti-que” pour reprendre le terme utilisé par un protagoniste du roman pour définir la jeune fille. La nature est omniprésente, parfois de façon humoristique, sou- vent de façon émouvante. Le personnage de Madeleine, sans filtre, plein de bon sens aussi, dont la naïveté alimente un ressort à la fois comique et tendre, souligne les bienfaits des choses simples de l’existence. Il prend une dimension universelle et ça fait du bien.


La Madeleine Proust, une vie. Tétralogie. Lola Sémonin. Plusieurs éditeurs. Environ 22€ par volume.

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