mardi 12 septembre 2023

Le diplôme


 Au fond, j’avais hâte d’être à la retraite. Guillaume annonce la couleur dès les premières lignes. Prof désabusé, il a vite baissé les bras et réduit ses prétentions pédagogiques à leur strict minimum, c’est-à-dire zéro. Il assure ses cours avec le laxisme que le Xanax lui autorise. Côté cœur, Cécile, qui vit avec lui depuis douze ans, trouve finalement le courage qu’il n’a pas pour la rupture. Voilà pour le décor. Instantanément saisi d’une énergie nouvelle, il va s’inscrire à la salle de sport. Il y rencontre Nadia. Une bombe, trop belle pour lui c’est sûr. Contre toute attente, la jeune femme, vendeuse chez Zara, accepte d’aller boire un verre. Si Guillaume a d’abord pensé qu’il aurait une position intellectuelle dominante – le mépris de classe a encore de beaux jours devant lui – il reconnaît vite son erreur. Nadia est cultivée et regrette de n’avoir pas continué ses études au-delà de la licence. Son avenir semble tout tracé, ses possibilités de progression professionnelles restreintes. Guillaume compare les revenus de Nadia avec ceux, sans commune mesure, de son frère, diplômé d’HEC. Il décide de passer à l’action. Les compétences d’un individu sont corrélées au diplôme obtenu ? Qu’à cela ne tienne, il fabrique un CV à Nadia pour l’aider à trouver le job qu’elle mérite. 

Amaury Barthet, dont c’est le premier roman, a travaillé pour le HCERES (comprenez : Haut Conseil de l’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur). De l’enseignement et du pouvoir, il a finement observé les rouages, les travers, absurdités et autres aberrations. Il en tire un roman brillant et dresse un tableau sans langue de bois de notre société. Malgré les politiques successives marquant une volonté de contourner l’entre soi et les voies royales, le réseau et les apparences ont encore un bel avenir. La valeur des gens se mesure-t-elle à l’aulne de leur nom de famille ou de leur origine sociale ? Et si la lutte effrénée de ce prof sans ambition pour le succès de sa belle cachait autre chose ? L’enfer est pavé de bonnes intentions et la revanche, quelle qu’elle soit, peut avoir un goût amer. Si tous les coups sont permis pour contrebalancer les inégalités, ceux qui ont le cran de jouer les mystificateurs pour faire reconnaître leur vraie valeur parviennent-ils réellement à leur fin ? Amaury Berthet pointe les
défaillances d’un système avec une grande acuité. Il aborde également la complexité de l’être humain
en brossant habilement la psychologie de chacun de ses personnages. Avec un humour teinté de dérision il balade son narrateur. Et, de suspense en rebondissements, il n’épargne personne. On s’émeut des desseins bienveillants, on frémit des audaces, on s’inquiète des écarts, on tremble, on doute. C’est
drôle et d’une lucidité à faire peur. Le style est maîtrisé. Un parcours sans faute.


Le diplôme. Amaury Barthet. Editions Albin Michel. 19,90 €.

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