mardi 26 septembre 2023

Une odeur de sainteté

 


 Jeanne Doucet est un nez reconnu dans sa profession. Elle reçoit un jour une demande très particulière. Elle doit sentir le cœur d’une femme, Emérence, qui a vécu à la fin du XIXe siècle, pour laquelle un processus de béatification est en cours. Accompagnée d’un médecin et d’un diacre, Jeanne se rend à la faculté de médecine où la relique est conservée. Sa mission ? Humer l’organe et faire un bref rapport de ce qu’elle a perçu. Le choc est visuel, olfactif, émotionnel. Lorsqu’elle ressort, Jeanne n’est plus la même. Chamboulée, elle parvient difficilement à mettre des mots sur ses sensations, soudaines et inhabituelles. Elle ne peut résister au besoin d’en apprendre plus sur cette inconnue, presque sainte. Qui est Emérence ? Quels secrets, quelles souffrances recèle son cœur ? Le trouble de Jeanne est à son paroxysme. Un esprit étranger pénètre ses rêves, l’étourdit de visions. Entrée en résonance avec la propriétaire de ce muscle éteint, Jeanne palpite d’une curiosité impérieuse. Elle quitte son travail et part sur les traces de cette femme dont elle ignore tout et qui pourtant l’obsède. Cette quête insensée lui permettra-t-elle de percer le mystère de celle dont elle a respiré le cœur ? 

 

La dernière page d’Une odeur de sainteté tournée, la perplexité s’empare de moi. Bousculé, on l’est à la lecture de ce roman qui exhale d’incroyables fragrances. L’olfaction est le plus puissant de nos sens et Franck Maubert semble prendre un malin plaisir à transcrire dans le détail l’empreinte de chaque odeur. L’air métallique d’un bureau, les remugles d’un textile, le plastique neuf d’un tableau de bord, la poussière et l’humidité d’une bâtisse à l’abandon, l’encre heurtée d’un cahier de souvenirs, des ruines, pierres usées émergeant d’un fouillis de végétation. Chaque parfum, du plus discret au plus capiteux, réveille une mémoire, suscite un émoi. L’auteur joue de tout cela et entraîne son héroïne dans un tourbillon sensoriel. En quête de vérité ? A la recherche d’elle-même ? L’ellipse laisse la porte ouverte à toutes les suppositions au terme d’une balade quasi mystique aux frontières du réel. Une odeur de sainteté nous emmène bien au delà d’une histoire, nous engloutit dans les mots, précis, ciselés, associés avec une grande originalité. Nous voilà confrontés à nos propres impressions, poussés à explorer des recoins insoupçonnés de nos âmes ; on se perd à flairer nos doutes et notre trouble, pour enfin inhaler, parfois au bord de l’asphyxie, un parfum salvateur de paix et d’intelligence.


Une odeur de sainteté. Franck Maubert. Éditions Mercure de France. 14,80 €.

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