lundi 25 janvier 2021

Retour à Cuba

 

Voyage en terre familiale





Un auteur, voisin de dédicace lors du salon littéraire de Besançon, suggère à Laurent Bénégui qu’il y a dans son histoire personnelle matière à écrire un roman. Ce dernier réalise qu’hormis quelques phrases récurrentes issues de la légende familiale et des bribes de souvenirs, il ne sait pas grand-chose de ses racines. Son grand-père est enterré à Cuba. Son père y est né. Paysans béarnais sans le sou, émigrés sur cette île des Caraïbes au début du XXème siècle, ses ascendants ont construit leur fortune au prix d’un dur labeur. Réussite évaporée avec la révolution cubaine. Restent beaucoup de zones d’ombres. Comment se fait-il que Laurent ne se soit jamais penché sur la question ? La réception d’une plaque de métal gravée au nom de son grand-père et exhumée de la terre de la Marne par une chercheuse de trésors de la Première Guerre Mondiale le conforte dans l’idée de remonter le fil de l’histoire. Il visionne les films super 8 tournés par son père lors de vacances de la famille à Cuba dans les années 70, extirpant des bobines de précieux souvenirs.  Il interroge, avec son regard d’adulte, la possibilité d’un tel voyage à l’époque, la raison de la brouille avec une partie de la famille rentrée en France, le destin de ceux restés sur place. Il décide alors d’enquêter, plonge dans la généalogie familiale et reprend contact avec des grands-tantes encore vivantes qui pourraient éclairer sa réflexion. Patiemment, il explore, émet des hypothèses. Que trouvera-t-il au bout du chemin ? Où l’emmène le roman qu’il a décidé d’écrire pour raconter sa quête ?

 

Se lancer dans les méandres de son histoire familiale relève d’une succession de tâtonnements, de fausses pistes, d’errances, d’émotions et de déconvenues. D’espoirs déçus en découvertes troublantes, de doutes tenaces en obstacles infranchissables, Laurent Bénégui enfile le costume du personnage lambda lancé sur les traces de ses ancêtres. A la fois rigoureuses et intuitives, ses recherches le conduisent de la région parisienne à Cuba en passant par le Béarn. Il se dégage de cet ouvrage le souffle romanesque des grandes épopées. L’authenticité du récit, l’humilité des protagonistes et leurs préoccupations universelles font pourtant de ce roman une œuvre pleine de simplicité, ancrée dans la réalité. En fouillant dans la vie de ses ascendants, l’auteur offre également un panoramique réussi sur l’histoire de Cuba. Il dessine avec un grand détachement la fresque politique de la succession d’événements qui a fait basculer la condition des siens. Les descriptions minutieuses, sueur des travailleurs, chaleur moite, parfums du café,  sons étouffés de la forêt tropicale, soleil écrasant, sont fidèles à l’univers réputé sensoriel de l’île ; elles transportent vraiment le lecteur au cœur de Cuba. Cette atmosphère chamarrée ne masque cependant pas la quête de sens. Fiction et réalité se mélangent aussi sûrement que chacun revisite ses souvenirs. C’est ainsi que se forge la transmission, génération après génération. Au terme d’un fabuleux voyage, Laurent Bénégui nous livre sa vision. Grand bien lui en a pris.

 

 

Retour à Cuba. Laurent Bénégui. Editions Julliard. 20€

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