Marina et Malek sont en couple. Elle voudrait un enfant. Lui pas. Il est écrivain. Elle dirige un complexe de cinéma. Elle le quitte, sans heurt. Sa sœur, Isabelle, a un mari parfait, une vie parfaite. Marina est le vilain petit canard. Sa mère va encore la fustiger. Elle est seule, très seule, et elle a peur. Pourquoi ne rencontrerait-elle pas le grand amour ? Dans les périodes de flottement de la vie, on a tendance à se tourner vers le passé. Facebook est l'outil rêvé. Marina replonge dans le souvenir de ses années de lycée, retrouve des camarades. Si, avec la plupart, le dialogue s'arrête à quelques nouvelles échangées, il semble qu'avec Torsten, les choses aillent plus loin. Marina résiste. Quelque chose la retient. Elle ne distingue pas bien quoi. Elle ne veut pas aller trop vite. Se laisse finalement submerger par l'enthousiasme de Torsten. S'abandonne. Doute. Plonge. Dans un tourbillon éblouissant qui dure des mois. Un charme qui semble ne jamais vouloir se rompre. Torsten emménage chez elle mais oublie de payer le loyer. Marina éponge quand il perd au poker. En face d'elle, soudain, un mur : « méprisant, froid, égocentrique ». Pourtant, « Elle l'écoute parler et le trouve beau ». Faites vos jeux, rien ne va plus. Torsten se révèle imprévisible. Tout à coup, tout le dérange. Marina se demande ce qu'elle a bien pu faire de travers. Elle réfléchit à la façon de rétablir l'équilibre, la paix, l'amour. Cela ne va jamais. Elle est tout le temps à côté de la plaque. Elle fait des efforts pour redevenir la femme que Torsten a aimée. Elle n'écoute pas ce que lui dit sa sœur. Ce que son entourage lui souffle à demi-mot. Elle voit bien que quelque chose ne va pas, qu'elle n'est plus elle-même. Elle tente de décrocher. Replonge. Jusqu'au jour où...
« Un bonheur sans
pitié » est le genre de roman qu'on lit d'une traite, sans se
soucier des aiguilles du cadran qui nous emportent jusque tard dans
la nuit. On se fait presque du mal à lire jusqu'au bout
l'aveuglement et la descente aux enfers de Marina. Cette lecture
n'est pourtant pas du masochisme. Non, c'est toucher la détresse
bien réelle de tant de femmes (et quelques hommes) qui souffrent en
silence, au-delà des apparences. Quand Marie-Paule a raconté son
histoire à Eric Genetet, il a surtout été frappé par le fait
qu'elle s'était retrouvée en garde à vue pour non présentation
d'enfant. Les manipulateurs ont ceci en commun de réussir, souvent,
à inverser les rôles. Renverser la vapeur, souffler le chaud et le
froid sont deux de leurs armes favorites. Et la justice, elle, n'a
aucune parade à opposer dans ce jeu pernicieux. Double peine. Alors
Eric a écrit, ré-écrit, raconté d'une façon, d'une autre, une
histoire qu'il pensait isolée, une expérience rare. Puis, en
parlant de son travail, il a recueilli des dizaines de témoignages
de femmes, pourtant cultivées, intelligentes, occupant une position
sociale élevée, ayant eu un parcours similaire. Prises dans la
spirale infernale d'un beau parleur égocentrique. Laissant, malgré
elles, un vampire aspirer leur force de vie. L'auteur a su capter
avec justesse tous les sentiments, tous les égarements, donnant
également la parole à un Torsten enfermé dans ses failles et ses
certitudes. Eric Genetet ne condamne personne, n'accable pas. Il
transmet seulement une histoire dans laquelle vous pouvez vous
reconnaître, reconnaître un proche et comprendre des mécanismes
que l'écrivain a décodés et décrits avec justesse.
Eric Genetet. Un bonheur
sans pitié. Éditions Héloïse d'Ormesson. 16€. Parution le 2
mai 2019.
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