Quelques chiffres
La bibliothèque. Un lieu à la fois magique et un
brin austère. Toujours silencieux. Certains hésitent à pousser la
porte. D'autres semblent tombés dedans quand ils étaient petits. A
Beaune, l'inscription est une formalité. Cela fait du bien dans un
monde où pour la moindre démarche il faut fournir une liste
impressionnante de justificatifs. En deux minutes, on possède sa
carte. On a alors accès à quelques 63700 ouvrages pour adultes,
24000 livres jeunesse, 3800 journaux, 3660 DVD, 9700 CD et 100 jeux.
De quoi occuper les longues soirées d'hiver et les douces après-midi
d'été.
Histoire
En 1803, suite aux réquisitions révolutionnaires
dans les différents couvents de Beaune, le conseil municipal prévoit
d'installer une bibliothèque. En 1804, elle est installée dans la
grande salle du chapitre, un bâtiment contigu à l'église Notre
Dame. Dès le mois de mars elle est ouverte au public qui peut alors
consulter de nombreux ouvrages. En 1838, la bibliothèque, forte de
quelques 30000 ouvrages, est transférée à l'Hôtel de Ville (à la
place de l'actuel service des Archives municipales). Elle y reste
presque cent ans. Elle échappe à l'incendie de la Mairie en 1936,
avant d'être déplacée rue de la Poste (actuelle rue de l'Enfant)
en 1937. Enfin, elle s'installe dans l'ancien couvent des Minimes en
1976. En 2004, elle prend le nom de Bibliothèque Gaspard Monge.
Les trésors
Un dédale de couloirs et d'escaliers. Des portes
consciencieusement verrouillées. La directrice de la bibliothèque,
Anaïs Gros, nommée cet été, montre pour Edc l'envers du décor.
Nous pénétrons dans les magasins. Y sont conservés les ouvrages
édités entre le XVIème et le XIXème siècle. On est propulsé
dans le passé au milieu de ces rangées de vieux livres. D'énormes
volumes enchaînés attirent mon attention. Ce genre de livres est
apparu au XIIIème siècle, à la création des universités. Ils
étaient enchaînés à une table pour être consultés par tous sans
risque de vol.
On pénètre ensuite dans la réserve. Une pièce
plus petite, climatisée, dont le taux d'humidité est surveillé. Il
faut préserver soixante manuscrits anciens du Moyen Age. Sur une
table, enroulée dans un futon, l'ouvrage le plus vieux. Une Bible du
XIème siècle, dont la reliure a probablement été restaurée au
XIIIème. Prodigieux voyage dans le temps.
On tourne les pages d'un livre pris au hasard. Saint
François qui prêche aux oiseaux. On voit encore beaucoup de choses
comme la réglure, c'est à dire le traçage des traits pour écrire
droit, les petites lettrines... Les enluminures bénéficient d'une
décoration à la feuille d'or extrêmement bien conservée. Un être
humain s'est laborieusement penché sur ces pages il y a des
centaines d'années, et tout cela a traversé les siècles.
Gaspard Monge a fait don de manuscrits à la
bibliothèque comme le journal de l'école polytechnique. Beaucoup de
donateurs, au cours de l'histoire, ont cédé leur bibliothèque
personnelle. Des fonds ont été créés suite à des donations,
comme le fonds Mortureux. Érudit, lettré, collectionneur et
bibliophile, François Mortureux (1918-2005), bibliothécaire, a
participé à la fondation du Centre Beaunois d'Etudes Historiques en
1978. Auteur d'un ouvrage sur Beaune et ses cantons à travers les
cartes postales (1982) et d'une biographie consacrée à Xavier
Forneret* (1984), il fait don de son vivant d'un fonds de partitions
musicales. A sa mort, il lègue sa bibliothèque personnelle qui
enrichit la bibliothèque municipale de mille ouvrages d'intérêt
local ou patrimonial.
Vieux livres et transmission.
La bibliothèque dispose de 359 manuscrits et 272
incunables. Incunabula signifie « berceau » en latin.
Les incunables sont des ouvrages imprimés avant 1500, dans les 50
premières années de l'existence de l'imprimerie. Le travail du
bibliothécaire consiste uniquement à dépoussiérer. Il doit faire
très attention, ne pas utiliser de produit détergent. Pas le droit
non plus de faire les travaux de restauration, réservés aux
spécialistes qui ont l'aval du comité technique de restauration. La
politique en la matière a évolué. L'idée est d'en faire le poins
possible pour prolonger au maximum la vie de l'ouvrage original. Par
ailleurs, tout est numérisé. Les enluminures sont référencées
sur un site spécial. Les chercheurs peuvent ainsi les étudier avant
de venir consulter les vieux ouvrages.
On peut visiter gratuitement les collections lors
des journées du patrimoine ou sur demande. L'accueil des classes de
primaire et de collège en visite patrimoniale est aussi une pierre
angulaire de la bibliothèque. Il semble fondamental d'instaurer dès
le plus jeune âge un lien avec la bibliothèque, la lecture et la
culture. Les élèves de 5ème, par exemple, étudient le Moyen Age.
A la bibliothèque, on leur montre comment on crée un manuscrit avec
une présentation sur tablette avant de leur faire découvrir les
objets.
La vie de la bibliothèque aujourd'hui.
Au-delà des trésors de la réserve, le
fonctionnement de la bibliothèque dépend de la municipalité. Le
budget est en effet voté par le conseil municipal et réparti
ensuite entre les différentes sections. Les bibliothécaires ont un
rôle de médiateurs et de prescripteurs. Ils se doivent d'être en
accord avec les demandes du public, mais aussi emmener ce dernier
vers des contrées moins explorées, tout cela pour construire des
collections cohérentes et pérennes.
Malgré son côté « statique », la
bibliothèque est un lieu vivant. On y propose de multiples
activités. Depuis 2014, par exemple, six fois par an, les dingues de
livres se réunissent pour un speed booking.
Ouvert à tous, le jeu
consiste à présenter un livre qu'on a lu et aimé, le tout en
quatre minutes. Quatre minutes, ça peut paraître beaucoup, mais ça
passe très vite. Quand le gong retentit, beaucoup de passionnés ont
encore des choses à raconter sur leur lecture. A noter, dans le
cadre de la Nuit de la Lecture, en janvier prochain, un speed booking
un peu spécial. En effet, pour la première fois cette année, un
prix des lecteurs est organisé. Pour participer, il faut lire et
voter pour votre roman préféré dans la sélection proposée par la
bibliothèque. Tout cela avant le 15 janvier. Le lauréat sera
dévoilé lors de cette Nuit spéciale.
Exposition des marque-pages oubliés, mise à l'honneur dans le reportage de TF1 |
Difficile d'évoquer tous les événements :
des expositions, le mois du documentaire, des conférences et
cafés-débats, des ateliers jeunesse, le samedi des petits-bouts...
Autant de suggestions pour sortir de chez soi, faire découvrir aux
enfants la magie du livre, s'instruire et échanger. Toutes les
informations sont accessibles via Facebook, Twitter et très
prochainement Instagram. Les abonnés reçoivent la Newsletter.
Chaque dernier vendredi du mois, la bibliothèque
propose également une « soirée jeux ». L'entrée est
libre. Les groupes se forment. On s'interpelle. Qui veut faire un
« Timeline » ? On rapproche les tables et assez
rapidement, on se plonge dans les règles du jeu puis dans des
parties endiablées. Les rires fusent d'un côté, les perdants
prennent sur eux. L'atmosphère est bon-enfant. Un vrai moment de
détente et de partage.
Bref, on pourrait presque en écrire un roman. De la
visite de Simone Veil en 1975, bibliothèque Saint-Jacques, à
l'exposition des marque-pages oubliés dans les livres en passant par
le succès fabuleux du « journal d'un dégonflé » en
section jeunesse, la bibliothèque regorge d'anecdotes et recèle
bien des secrets. « Une
bibliothèque, c'est le carrefour de tous les rêves de l'humanité »
écrivait Julien Green dans son journal (1940-1945). Ça vaut le
coup de s'y déplacer, non ?
*écrivain, dramaturge
et poète, né et mort à Beaune (1809-1884).
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