Blanches, écrit Claire Vesin. Blanches comme les blouses du personnel soignant. Blanches comme les oies que sont les novices, jeunes infirmières ou internes, jetés sans filet dans un système de santé dont on sait qu’il périclite depuis le jour où le mot rentabilité s’est invité à l’hôpital. Blanches comme la pureté, blanchies comme le seraient les accusées à la fin d’un procès où les jurés prononceraient l’acquittement. L’autrice, en plus de faire un état des lieux sans état d’âme d’un service d’hôpital de banlieue, pénètre l’intimité de chacun de ses personnages et raconte leur quotidien, capte un espoir fugitif, des fractures mal ressoudées. Le ton est aussi juste quand il s’agit de scruter l’angoisse de Kamel errant dans sa cité perdue que lorsqu’on se trouve dans le salon bourgeois des parents d’Aimée. Pas de clichés cependant, la primo-romancière maîtrise son sujet sur le bout des doigts et, par des touches subtiles, décrit les ambitions, les craintes, les rêves déchirés par la réalité. Ici un verre d’alcool étouffe les angoisses. Là c’est une barre de chocolat. Ailleurs, on s’acharne dans le sport, on laisse poindre une lueur de désir. Le silence, nœud des intrigues romanesques, pèse sur chaque page. On imagine les carrelages froids, la mousse de la bière sur les lèvres, les détresses humaines. Les tragédies se nouent sans bruit, des abcès crèvent et des non-dits asphyxient. A la fin, qui renonce, qui s’émancipe ? Pas si simple. Claire Vesin porte un regard profond sur la médecine hospitalière, l’humain et la société, un regard sans jugement qui suscite la réflexion. Bravo.
Blanches. Claire Vesin. La manufacture des livres. 18,90 €.
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