lundi 10 octobre 2022

 S’embarquer dans Roman fleuve, c’est – comment dire ? – une aventure inénarrable ! Je sais, certains écrivains sont allergiques aux adjectifs, l’auteur de l’ouvrage sus nommé me pardonnera s’il fait partie de ceux-là (il préfère probablement les adverbes). Je ne trouve pourtant pas d’autre mot qu’inénarrable pour qualifier la lecture de cette épopée fluviale. Je vais en plus me contredire puisque pour nourrir ma chronique, il va bien falloir, au futur proche, vous raconter mon expérience. Bref, ce papier commence mal. Enfin, ça commence surtout par trois amis. On ne sait pas s’ils sont vraiment amis, le doute est permis avec Waquet mais si, à peine cent mots après le début de cette pathétique tentative de résumé, je vous propose, comme Philibert Humm le fait à plusieurs reprises dans son récit, des ventilations narratives, vous n’allez plus vous y retrouver. Trois amis donc, le capitaine (qui peinera à conserver son statut tout au long du périple) et deux autres acolytes, Waquet, dit le major et Samuel Adrian, écopier fidèle surnommé ultérieurement Bobby, décident de descendre (ou remonter ?) la Seine depuis Paris jusqu’à son embouchure. Ça vous semble un peu confus ? C’est pourtant assez limpide (contrairement aux eaux du fleuve, remplies de E.coli). Le livre raconte l’odyssée invraisemblable de ces aventuriers en herbe. Enfin, en herbe n’est pas forcément le terme approprié puisqu’ils passent la majeure partie de leur temps sur l’eau. Ils ont un canoé, des pagaies, un mât de fortune, des bouteilles de vin, l’inconscience de la jeunesse et vogue la galère. Je ne vois pas comment, finalement, après ce galimatias, je pourrais mieux coller à la définition d’inénarrable.
N’ayant aucune inspiration pour une quelconque transition, j’enchaîne directement. L’automne charrie son lot de nuages bas, journées grises, spleen en gros et au détail. La morosité aurait tendance à s’insinuer partout, à faire couler la barque de votre bonne humeur, ce frêle esquif. Vous constaterez que pour me prémunir de toute réclamation en ayant fait à tort le postulat du mauvais temps, si le journal devait sortir par une belle journée ensoleillée, j’ai basculé sur du conditionnel. Si vous avez le moral dans les chaussettes donc, j’ai la solution. Écopez avec Roman Fleuve. Vous pouvez le lire aussi si vous ne déprimez pas, c’est vivement recommandé. Les héros – car ce sont des héros – ressemblent aux copains du Petit Nicolas trop vite grandis. Ils sont sans filtre, rudement attachants et ne reculent devant aucune loufoquerie, y compris quand il s’agit de picoler avec Sylvain Tesson et son père (a-t-on idée ?). Deux cent soixante-dix pages (approximativement) de drôlerie, de légèreté, de dérision, d’absurde, mais aussi d’érudition, de maîtrise. Boris Vian et l’Oulipo ruissellent gentiment, Victor Hugo s’invite à l’heure où les poissons vont boire, Verne, les Hussards et j’en passe, ne sont pas loin. Chutes littéraires et autres irrigations culturelles jalonnent les pages, souvent dans un contre-courant tourbillonnant d’humour. Et le lecteur se gondole aussi sûrement que les méandres de la Seine sur la carte de France. Naviguer sur ce Roman fleuve aura été, au futur antérieur, plus que plaisant. Je ne peux que vous conseiller de vous jeter à l’eau avec !


Roman fleuve.
Philibert Humm. Editions des Equateurs. 19€

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire