mardi 23 novembre 2021

On ne parle plus d'amour

 L’Amour, l’Amour, l’Amour



On ne parle plus d’amour
écrit Stéphane Hoffmann sur la couverture de son dernier roman. Allons bon ! De quoi va-t-on parler alors ?
Olivier Lemarié s’apprête à recevoir l’insigne de l’Ordre national du mérite dans l’enceinte du yacht club de Guénic-sur-Vilaine, dont il est le président. Effervescence. Il envoie Louise, sa fille, chercher quelques bouteilles de champagne supplémentaires. Le caviste tique. L’ardoise de Lemarié s’allonge dangereusement. « Cet homme est charmant, mais il est charmant comme un escroc. Il ment, enfume, joue les uns contre les autres, puis les autres contre les troisièmes, déshabille Pierre pour rhabiller Paul, paie de promesses et ne s’embrouille même pas dans ses combines, ce qui montre un esprit malade, pervers, manipulateur. ». Lemarié a réponse à tout et ne se soucie guère de ses dettes. L’argent ? En parler est vulgaire ! Il est de cette race d’homme qui en trouve toujours. D’ailleurs, le mariage de Louise avec Armand-Pierre Foucher devrait arranger les choses, le futur gendre étant censé apporter de nouveaux investisseurs. Louise, la vingtaine docile, a jusque-là intégré les bases de son éducation bourgeoise. Rallye, mari... suivre le mouvement c’est éviter le souci de prendre des décisions. Elle ne parvient pourtant pas à se réjouir de cette union. Est-elle normale ? Guillaume du Guénic, de son côté, traîne un profond désespoir à la suite d’une rupture amoureuse. Pour le faire changer d’air, son père l’a envoyé dans leur villégiature armoricaine. Il y a quelques mois, il a croisé Louise dans les bois. Il lui a confié son écharpe pour sauver l’oiseau blessé qu’elle était en train de secourir. Et si, à défaut de parler d’amour, Louise et Guillaume le faisaient ?
Plongée dans la société d’une petite ville de Bretagne sous la plume délicate de Stéphane Hoffmann. Tout y est. L’aplomb du père de famille dispendieux qui n’hésite pas à filouter ses proches, sa propre femme en tête, pour sauver encore et toujours les apparences. L’hypocrisie de l’entourage. Le banquier complaisant, rattrapé par le zèle d’un jeune diplômé aux dents longues. Le fiancé psychorigide qui, pour s’émanciper d’une mère étouffante, entend formater sa promise. Le yacht club et ses codes. Il y a aussi des chiens, un jeune fou et un vieux sage. Louise et Guillaume se revoient, discutent, essayent tous les lits de la maison. Leur relation est aussi simple et naturelle que les autres sont convenues. Ils vivent l’instant présent en s’affranchissant des règles qu’ils n’ont jusque-là jamais songé à contester. L’écriture d’Hoffmann, élégante, glisse sur les émotions de chacun, dépeint les caractères des personnages avec une infinie précision. L’auteur décrypte les travers d’une province ressemblant étrangement à celle de Balzac ou Chabrol. Saupoudré d’un humour délicieusement caustique, le roman creuse l’écart entre ceux qui, par paresse ou étroitesse d’esprit, restent confortablement engoncés dans leurs principes et ceux qui se libèrent de leur carcan. L’amour ? Il n’est, en fait, question que de ça.

On ne parle plus d’amour. Stéphane Hoffmann. Éditions Albin Michel. 18,90€

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