Brune et Brigitte se
rencontrent au lycée. Bien que très différentes, elles se
découvrent une passion dévorante et commune. L'amitié est scellée.
Elle semble indéfectible. Les années d'adolescence se déroulent
avec leur lot de découvertes, d'expériences, de tâtonnements, de
rencontres. Il y a les soirées arrosées, les boîtes de nuit, la
danse, Beigbeder à l'époque d' « un roman français »,
les années de travail acharné pour décrocher une place en fac de
médecine, les vacances où l'on oublie tout, la bande de copains, le
jeu de la séduction, les râteaux. Rien ne pourra séparer Brune et
Brigitte. Il y a aussi les espoirs, les frustrations, l'éclosion de
la féminité, l'entrée dans l'âge dit « adulte », le
doute. Brune et Valéry se retrouvent parents tôt. L'un
imperturbable et l'autre exubérante. Brigitte écoute les
confidences. Cherche l'âme sœur, éternelle célibataire. Du groupe
de copains du lycée puis de la fac, vont émerger de nouvelles
personnalités. Marceau et Brune jouent un jeu dangereux. En même
temps, ils ont vingt ans. Des années plus tard, après avoir
traversé les turbulences de cette période intense, Brigitte rompt
avec Brune, sans donner aucune explication. Plus tard, Brune,
de nouveau enceinte, rêve. Une Brigitte, enceinte également, vient la hanter.
Qu'est-ce qui les a unies ? Qu'est ce qui les a séparées ?
Quel est l'événement déclencheur que Brune n'a pas vu ou pas voulu
voir ? Brigitte, blonde, bourgeoise, à l'humeur parfois
changeante... Qu'a-t-elle à reprocher à Brune, extravertie,
pétulante, instinctive ? Brune, en attendant l'enfant à
naître, tente de démêler l'écheveau. Elle détricote l'histoire
pour mieux la comprendre. Ou pas.
Agathe Ruga signe un
premier roman de presque trois cents pages, dense, parfois cru. Elle
y explore les ressorts de l'amitié fusionnelle et des premières
fois. Oscillant habilement entre deux temporalités, le présent de
la narratrice, enceinte, et son passé revisité, le roman est écrit
à la deuxième personne du singulier, comme une longue lettre à
l'amie qui a fermé sa porte sans un mot, laissant la narratrice dans
un profond désarroi. Dans un questionnement sans réponse. L'auteur
porte cette histoire comme Brune porte l'enfant à naître. Il va
bien falloir accoucher. En filigrane de ces gestations, le lecteur
évolue dans les excès de l'adolescence et ses sensations
exacerbées. L’écœurement des nausées côtoie celui des premiers
ratés à l'entrée dans le monde des adultes. L'écriture bouscule
le lecteur. Les personnages virevoltent. Tour à tour ils s'aiment et
se blessent, se cherchent et se perdent, sans qu'il n'y ait au bout
du compte ni bourreaux, ni victimes. Jamais coupables, seulement
humains. Le titre du livre rappelle la voix sucrée de France Gall
chantant Gainsbourg et sa « poupée de cire, poupée de son ».
La muse de Michel Berger n'est jamais loin dans le récit,
« évidemment ». Ses mélodies s'égrennent tout au long
du livre et servent de titres aux différentes parties. Agathe Ruga
donne le ton avec la première, « des gens bien élevés »,
chanson méconnue et impertinente. Le livre lui, se termine, c'est
logique, comme un accouchement, par la délivrance. Félicitations,
beau bébé !
Sous le soleil de mes
cheveux blonds. Agathe Ruga. Editions Stock arpège. 18,50€.
Blogueuse littéraire,
Agathe Ruga a également créé le Grand Prix des Blogueurs. Dans son
premier roman « Sous le soleil de mes cheveux blonds »,
aux éditions Stock, elle raconte l'histoire d'une rupture amicale. Dans la vraie vie, elle habite Chalon sur
Saône et a accouché de sa troisième fille peu après la sortie du roman. Elle a accepté de répondre à quelques questions.
A.L : Comment
démêler le vrai du faux dans ce récit souvent étourdissant d'une
rupture amicale entre deux jeunes femmes qui ont vécu ensemble leur
adolescence avant que l'une d'elle ne décide de couper les ponts
sans donner d'explication ?
A.R : L'histoire est
inspirée d'un chagrin personnel. J'ai ensuite brodé autour pour
toucher à l'universel. Pour l'anecdote, je suis vraiment dentiste,
comme la narratrice.
A.L: Sur Instagram,
vous êtes Agathe The Book et parlez de vos coups de cœur
littéraires.
A.R : J'aime lire et
écrire. J'ai pourtant fait une formation scientifique. Alors en
2015, j'ai ouvert un blog... pour moi... comme une sorte d'échappée
personnelle. Je partageais mes lectures avec d'autres lecteurs. C'est
devenu une passion, une addiction.
A.L: Il arrive,
pendant la lecture de votre roman, qu'on ait un sentiment étouffant
par rapport à cette histoire, aux interactions entre les
personnages, au questionnement de la narratrice.
A.R : Il n'y a pas
de lecture confortable. J'aime que ce ne soit pas trop lisse. Je
voulais quelque chose de violent et intense pour parler de cette
période fondatrice qu'est l'adolescence : toutes les premières
expériences, le peu de place laissé à la tolérance, la relation
fusionnelle ou rien.... On s'identifie, on projette tout sur une
amie, les frustrations, les sentiments... Beaucoup vont chercher, ce
qu'on fait tous dans ce cas, une vraie raison à la rupture. Je ne
voulais pas qu'on s'attache plus à un protagoniste qu'à un autre.
Jusqu'au bout les personnages doivent être ambivalents.
A.L: Le livre est
écrit à la deuxième personne du singulier, comme une longue lettre
en forme d'expiation.
A.R : Quand j'ai
trouvé le souffle pour écrire à la deuxième personne du
singulier, ça s'est ensuite déroulé rapidement. J'ai été
inspirée par un livre, « L'autre qu'on adorait », de
Catherine Cusset, où l'auteur utilise ce procédé.
A.L: La narratrice
est enceinte lorsqu'elle évoque la rupture. Et elle rêve que son
amie l'est également.
A.R : Le fil rouge
de la grossesse est voulu. J'ai fait des rêves intenses lors de mes
précédentes grossesses. On dit que les rêves des femmes enceintes
peuvent changer le monde.
A.L: Vous avez
choisi de nombreuses références aux chansons de France Gall (dont
le titre, tiré de « Poupée de cire Poupée de son) ?
A.R : France Gall
était pleine de complexes au début de sa carrière, elle n'était
pas préparée à ce qui lui est arrivé. Elle illustre bien le
propos. A l'adolescence et au seuil de la vie adulte, on n'est pas
préparé à ce qui va nous tomber dessus !
Paru en mai 2019 dans l'Echosdcom
Paru en mai 2019 dans l'Echosdcom
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire