dimanche 2 septembre 2018

Les belles amitieuses




 «A vingt-cinq ans je suis énarque et polytechnicien. Ce qui ne m'empêche pas d'être un con. Ma mère est aux anges ». Ainsi parle Amblard Blamont-Chauvry. Ce jeune narrateur, versaillais, fils de bonne famille, est promis à un brillant avenir. Avec un soupçon de cynisme et une pointe de nonchalance, il traîne sa désinvolture au fil des pages, sans jamais toutefois paraître antipathique au lecteur. Sa grande lucidité et sa capacité à l'autodérision en font un personnage très sympathique. « Je ne suis pas intéressant : seulement le produit de ce qu'on ma enseigné depuis ma naissance. J'ai les préjugés de ma caste. J'ai l'intelligence, il me manque le talent et je n'ai pas envie de travailler ». On le comprend, il n'espère rien. Aspire seulement à l'oisiveté, la paresse, la gourmandise et autres plaisirs de la vie.
Autour de lui, chacune à leur manière, s'agitent de belles ambitieuses. Sa marraine, la Comtesse de Florensac, femme qui se veut d'influence, lui a trouvé l'épouse parfaite. Soumis aux codes de la vie versaillaise et en côtoyant la jeunesse dorée, Amblard fait un beau mariage, plus parce que c'est l'usage que par réelle conviction. Il n'est pas question d'amour. D'abord, que sait-on de l'amour à vingt ans ? La jeune mariée, Isabelle Surgères, a les dents longues et mène sa barque d'une main de fer. Certes, l'action se déroule au début des années soixante-dix mais on n'est pas loin des intrigues de la Cour des Rois de France.
Quant à Coquelicot, on la croise dès la première page. Elle doit son surnom à la couleur de la robe qu'elle porte au moment de sa rencontre avec Amblard, en 1972, dans les jardins de Trianon, en marge de la visite de la Reine d'Angleterre en France. Qui est vraiment cette jeune fille délicieuse? Est-elle légère ? A-t-elle une revanche à prendre sur la vie ? En attendant, c'est dans ses bras qu'Amblard, tout au long du roman, paraît vivant. «Traîner au lit avec une dame aimable est une sagesse : on n'y a besoin de personne d'autre. C'est aussi une plénitude, c'est à dire un paradis. »
Le narrateur est né avec une cuiller en argent dans la bouche. Que peut-il attendre de la vie ? A-t-il besoin d'être audacieux ? Libre ? Utile ?
Avec une écriture fine et l'élégance qu'on lui connaît, Stéphane Hoffmann offre un roman savoureux, dont on tourne les pages avec délectation. C'est extrêmement drôle, avec une touche subtile de mélancolie et de causticité. Un conseil à ceux qui ont l'habitude d'aller jeter un œil à la fin de leurs livres. Cette fois, j'ai retenu mon geste, je ne saurais dire pourquoi. J'ai été bien inspirée. Interdisez-vous d'aller fureter vers la dernière page... La chute est magnifique. Ne vous la gâchez pas.




Et si par hasard (ou pas) vous avez décidé de venir faire un tour du côté du Clos de Vougeot les 22 et 23 septembre prochains, vous pourrez rencontrer l'auteur, dans le cadre du Salon Livres en Vignes.


« Les belles ambitieuses » de Stéphane Hauffmann. Albin Michel. 265 pages. 19,50€.


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