«A vingt-cinq ans je suis énarque et
polytechnicien. Ce qui ne m'empêche pas d'être un con. Ma mère est
aux anges ». Ainsi
parle Amblard Blamont-Chauvry. Ce jeune narrateur, versaillais, fils
de bonne famille, est promis à un brillant avenir.
Avec un soupçon de cynisme et une pointe de
nonchalance, il traîne sa désinvolture au fil des pages, sans
jamais toutefois paraître antipathique au lecteur. Sa grande
lucidité et sa capacité à l'autodérision en font un personnage
très sympathique. « Je ne suis pas intéressant :
seulement le produit de ce qu'on ma enseigné depuis ma naissance.
J'ai les préjugés de ma caste. J'ai l'intelligence, il me manque le
talent et je n'ai pas envie de travailler ». On le comprend, il
n'espère rien. Aspire seulement à l'oisiveté, la paresse, la
gourmandise et autres plaisirs de la vie.
Autour
de lui, chacune à leur manière, s'agitent de belles ambitieuses. Sa
marraine, la Comtesse de Florensac, femme qui se veut d'influence,
lui a trouvé l'épouse parfaite. Soumis aux codes de la vie
versaillaise et en côtoyant la jeunesse dorée, Amblard fait un beau
mariage, plus parce que c'est l'usage que par réelle conviction. Il
n'est pas question d'amour. D'abord, que sait-on de l'amour à vingt
ans ? La jeune mariée, Isabelle Surgères, a les dents longues
et mène sa barque d'une main de fer. Certes, l'action se déroule au
début des années soixante-dix mais on n'est pas loin des intrigues
de la Cour des Rois de France.
Quant
à Coquelicot, on la croise dès la première page. Elle doit son
surnom à la couleur de la robe qu'elle porte au moment de sa
rencontre avec Amblard, en 1972, dans les jardins de Trianon, en marge de la
visite de la Reine d'Angleterre en France. Qui est
vraiment cette jeune fille délicieuse? Est-elle légère ?
A-t-elle une revanche à prendre sur la vie ? En attendant,
c'est dans ses bras qu'Amblard, tout au long du roman, paraît
vivant. «Traîner au lit avec une dame aimable est une
sagesse : on n'y a besoin de personne d'autre. C'est aussi une
plénitude, c'est à dire un paradis. »
Le narrateur est né avec
une cuiller en argent dans la bouche. Que peut-il attendre de la
vie ? A-t-il besoin d'être audacieux ? Libre ?
Utile ?
Avec une écriture fine
et l'élégance qu'on lui connaît, Stéphane Hoffmann offre un roman savoureux, dont on tourne les pages avec délectation. C'est
extrêmement drôle, avec une touche subtile de mélancolie et de
causticité. Un conseil à ceux qui ont l'habitude d'aller jeter un
œil à la fin de leurs livres. Cette fois, j'ai retenu mon geste, je
ne saurais dire pourquoi. J'ai été bien inspirée. Interdisez-vous
d'aller fureter vers la dernière page... La chute est magnifique. Ne
vous la gâchez pas.
Et si par hasard (ou pas) vous avez décidé de venir faire un tour du côté du Clos de Vougeot les 22 et 23 septembre prochains, vous pourrez rencontrer l'auteur, dans le cadre du Salon Livres en Vignes.
« Les belles
ambitieuses » de Stéphane Hauffmann. Albin
Michel. 265 pages. 19,50€.
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