jeudi 20 novembre 2025

L’âme de fond

Caroline, psychologue, s’inquiète. Dernièrement, trois de ses patients ont raté leur séance sans prévenir. Coïncidence, rassure Daniel, psychiatre, son ancien mentor et désormais associé. Parmi ceux qui honorent leur rendez-vous, Hadrien, avocat en droit des affaires dans un gros cabinet américain. Il consulte pour des troubles du sommeil. Il a perdu son père récemment, sa mère vit à l’autre bout du monde. Lui, il papillonne au gré des conquêtes sans jamais se fixer. Puis, vient Sophie. Sophie a tout. Un mari, des enfants, une maison secondaire à Arcachon, un statut social qu’elle s’est évertué à obtenir en faisant les mêmes études que l’élite. Elle a gommé tout ce qui était prolétaire chez elle y compris son nom de baptême. Aujourd’hui, elle gère la maison et les activités de tous mais ces derniers temps, elle a du mal à dormir. Michel, lui, a été absent quelques mois et revient. Après avoir dirigé une Agence régionale de santé, il a été promu ministre de la Santé. Il est habitué à la pression qu’imposent ses nouvelles responsabilités. Il n’en reste pas moins que les tâches à accomplir sont de grande ampleur et le système ne favorise pas l’action. Quand Caroline apprend que les personnes qui lui ont fait faux bond sont décédées d’une crise cardiaque, elle a du mal à croire au hasard. La loi des séries, lui oppose encore Daniel. Pourtant, la thérapeute pressent un danger. Elle se sent isolée.

 L’âme de fond, roman d’anticipation prenant, nous renvoie à un questionnement profond. Les patients se succèdent dans le cabinet de la thérapeute et livrent les bribes de leur vie. Ils ont travaillé d’arrache-pied pour accéder à leur position actuelle mais sont-ils vraiment en phase avec qui ils sont réellement ? Hadrien n’arrive pas à s’engager émotionnellement, Sophie étouffe dans sa vie de mère de famille bourgeoise où elle fait la potiche. Quant à Michel, homme visiblement intègre, il doit s’adapter aux règles de la politique dont les enjeux ne cadrent pas forcément avec ses valeurs. Au fil des pages, la tension monte. Les symptômes d’une nouvelle épidémie, pernicieuse, enflent. Caroline essaye de quantifier le problème pour mieux le qualifier et prévenir une vague qu’elle imagine dévastatrice. La transmission des données et la circulation des informations sont étouffées par des intérêts supérieurs. Julia Clavel nous fait pénétrer habilement dans les arcanes d’un pouvoir dont elle maîtrise parfaitement les codes, où savoir et communication ne font pas toujours bon ménage. Leurs contradictions plongent les patients dans un chaos dont ils ne semblent pas pouvoir sortir indemnes. Les lecteurs, tenus en haleine par l’enquête de la psychologue, s’interrogent aussi. Sont-ils alignés ? Plus les masques portés sont éloignés de leur être profond, plus le danger paraît grand. Cette histoire vibrante souligne les manques et les excès de notre société et la place qu’y occupe (ou pas) la santé mentale. Un premier roman percutant !


L’âme de fond. Julia Clavel. Editions de l’Observatoire. 23,00 €

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