Ronde de mots et tour des mondes, ce blog se veut un bric à brac, joyeux si possible... Un brin de douceur, des éclats d'idées, des tranches de vie ou des fragments d'envie : morceaux de soleil (et parfois de pluie) pour partager, voyager, observer et échanger !
lundi 2 décembre 2024
Le syndrome de l'Orangerie
mardi 12 novembre 2024
Numéro deux
J’ai évidemment un train (pour Poudlard ?) de retard, le livre broché étant sorti en 2022. Mais à l’approche de la Paulée de Meursault, dont David Foenkinos va recevoir cette année le prix éponyme, j’avais envie de lire un roman de cet auteur, dont je possède bien évidemment déjà plusieurs ouvrages, entre autres Charlotte, que j’avais récemment apprécié. J’ai aussi en son temps cédé à la fièvre Harry Potter. Faut-il avoir lu les romans de J.K. Rowling pour se plonger dans Numéro deux ? Pas forcément mais je pense que c’est préférable. On visualise ainsi mieux l’univers dont il s’agit. Évidemment, Harry Potter est le prétexte pour se pencher sur la notion de choix, d’échec, et la façon dont surmonter un traumatisme. Martin est assailli par la réussite omniprésente de l’autre. Il a le loisir de ruminer son échec, la peine de ne pas avoir été choisi, la frustration de rester sur le quai de la gare quand les autres, ceux avec lesquels il était à deux doigts de toucher les étoiles, ont embarqué pour un monde magique. Il
s’enferme dans le silence, ouvrant une porte à ceux qui peuvent lui faire du mal. David Foenkinos nous promène de Londres en Pologne en passant par Paris et le Louvre. Il nous entraîne dans le tumulte de Martin, le désarroi d’une mère, la duplicité d’un adulte censé protéger. Martin adulte doit faire face à son problème mais n’y parvient que partiellement. La clé n’est-elle pas dans l’amour ainsi que dans la capacité à ne jamais oublier qu’une médaille a son revers ? C’est facile à lire, plein de finesse, avec la force de cette écriture qui permet au lecteur de s’identifier.
Numéro deux. David Foenkinos. Éditions Folio. 8,90 €/
Hôtel Castellana
Hôtel Castellana. Ruta Sepetys. Éditions Folio. 9,70 €
mercredi 2 octobre 2024
Le rêve du pêcheur
mardi 17 septembre 2024
Le rêve du jaguar
lundi 16 septembre 2024
Roman de gare
Sans bouger de votre fauteuil, grimpez avec Philibert Humm dans un wagon à destination de l’inconnu et du n’importe quoi. Après le succès de Roman fleuve, sur lequel l’auteur s’est reposé, l’argent ne coule plus à flots. Bon gré mal gré, il faut se remettre sur les rails de l’écriture. Souvenez-vous, dans le roman précédent, trois jeunes gens téméraires bravaient la Seine depuis Paris pour rallier l’embouchure du fleuve en canoë. Cette fois, en guise de chemin de croix, notre narrateur a choisi celui de fer. Il transpose donc la fresque fluviale au domaine ferroviaire et sert, en bref, « une resucée du livre précédent » ! Le lecteur est prévenu avec ce brillant éclair de lucidité. Philibert a décidé de voyager économique et léger. Muni de son baluchon (panoplie incontournable du vagabond), accompagné de son ami et acolyte Simon, il s’attelle à trouver la brèche d’une clôture pour pénétrer de nuit dans une gare de marchandises et guetter un train à la destination surprise. Tout se passe-t-il comme prévu ? Rien n’est moins sûr puisqu’en bons logisticiens, Simon et Philibert n’ont que sommairement anticipé (même si la liste de l’équipement a été longuement pensée et dessinée). Lorsque la rame dans laquelle ils sont parvenus à prendre place s’ébranle, le voyage commence enfin. Où les mènera-t-il ?
Autant le dire tout de suite, la quatrième de couverture donne le ton : « Roman de Gare est à même de fournir un loisir ou une distraction salutaire à ceux qui n’attendent plus grand-chose de la littérature et de la vie en général ». La dérision est bien au rendez-vous. La Note de l’éditeur nous fait sourire dès la septième ligne. A la vingtième, on rit franchement. Et on n’arrête plus. Avec une plume éminemment caustique, Philibert Humm décrit les improbables péripéties de deux branquignoles en quête d’aventure. Le narrateur se persuade d’accomplir son grand œuvre ; l’histoire ne dit pas si c’est en écrivant ou en entreprenant ce voyage mais les deux sont étroitement liés de toute façon. Il amuse son lecteur par son impréparation assumée et sa détermination à géométrie variable. L’auteur, lui, maîtrise la dose d’absurde qu’il insuffle à son sujet. Livre atypique, dans un style léché (on me souffle dans l’oreillette que l’héritage d’Alphonse Allais n’est pas loin), Roman de Gare sollicite l’intellect tout en finesse et réduit les prises de tête à néant. Dans un contexte toujours plus morose, on peut qualifier cette épatante épopée d’hilarante et ça, ça n’a pas de prix (enfin si, 21€, mais faut-il sacrifier notre plaisir à l’éventuelle acrimonie du banquier ?) ! Un ouvrage de rentrée idéal pour ne pas retomber trop vite dans le train-train.
Roman de gare. Philibert Humm. Editions des Equateurs. 21€.
mardi 10 septembre 2024
Neuf rencontres et un amour
Dans le train qui me ramène de Bordeaux à Paris (j’ai dû écourter mon week-end prolongé pour régler un problème domestique), j’ouvre ma liseuse. Ultra-pratique quand je me déplace (encombrement et poids minimum), elle est rétroéclairée pour un confort de lecture optimal. En route pour Neuf rencontres et un amour. Les trépidations d’un train entre Bougival et Louveciennes secouent Antonin Artaud. Il se rend à un dîner. La femme qui reçoit n’a besoin ni de bijoux ni qu’on lui compose des poèmes, juste de cailloux à mettre dans son aquarium. Lorsqu’ils se retrouvent face à face, l’attraction est immédiate. Le jeune homme tourmenté a une idée bien précise de la relation amoureuse et pense qu’entre deux êtres tout se joue en neuf rencontres. Lui, ténébreux, émotif, maladroit, épris, opiomane. Elle, mariée, sensuelle, créative, encline à toutes les expériences. Anaïs Nin, puisqu’il s’agit d’elle, et Antonin Artaud se croisent en diverses circonstances dans un Paris en ébullition. Leurs retrouvailles sont tantôt dues au hasard, tantôt aux rendez-vous. Comment, en neuf tableaux successifs, ces deux personnages haut-en-couleur, libres et fantasques, vont-ils composer avec leur désir de vivre un amour unique et pur ?
Je faisais traîner l’achat de ce roman depuis plusieurs mois. Résolue à le lire avant l’été je le charge dans ma liseuse avec l’intuition qu’il serait un bon compagnon pour ce voyage. Je retrouve l’aisance de Jérôme Attal dans l’écriture, une sorte de grâce, de légèreté, de finesse, de précision. Je renoue avec son humour incisif, l’amour de la langue avec laquelle il se réinvente en permanence. Je ris, les pages s’enchaînent dans une certaine délectation. Le roman permet à l’auteur de prendre les libertés qu’il souhaite avec l’histoire qui a réellement existé entre ces deux figures atypiques du monde littéraire de l’entre-deux guerres. Il nous entraîne dans le tourbillon des questionnements, des limites ou de l’absence de limite ; il interroge les fondements de la créativité. Spontanément (à l’opposé de ma timidité parfois maladive), j’écris un message à l’auteur, rencontré à de nombreuses reprises en salon du livre. J’expose brièvement mon environnement (le wagon, le retour vers Paris) et quel bon moment je passe avec ses personnages et son intrigue. La réponse est rapide et surprenante. Jérôme Attal est dans le même train que moi ! Situés dans deux rames différentes, nous ne partagerons pas nos impressions autour d’un café à la voiture bar. Cependant, les circonstances et la proximité font de cette coïncidence une sorte de communion intellectuelle, donnant à ce dimanche soir la coloration particulière d’un coucher de soleil et d’un paysage verdoyant défilant à travers les vitres d’un TGV, décor observé simultanément par une lectrice et un écrivain. Et, poursuivant ma lecture, j’imagine la joie d’un auteur assuré que quelque part, tout près, quelqu’un tourne avec friandise les pages de son dernier roman.
Neuf rencontres et un amour. Jérôme Attal. Éditions Fayard. 20 €.
lundi 9 septembre 2024
Sept nouvelles de la terre
La Terre à la Une
Vous voulez des nouvelles de la Terre ? Sept auteurs des XIXe et XXe siècles nous livrent leur vision à travers un recueil d’histoires courtes. « Il n’y avait qu’à déblayer les bords du fleuve, de l’immense forêt vierge enracinée là depuis la naissance du monde » ; des hommes défrichent une forêt pour y installer une ville mais la forêt ne compte pas se laisser faire. « Toute la planète est goudronnée sauf Tsalka. Nous sommes la risée du monde […] il nous faut le goudron ! » ; Edolfius se bat depuis longtemps pour goudronner la route qui relie son village à la ville. Ailleurs, les “duniers” protègent leur territoire face à des envahisseurs venus de la mer, les “volters” : « Nous les traitons de monstres, mais je te le demande, Botrik, qui sont les monstres ? » interroge un jeune soldat circonspect. « C’est la loi de l’évolution, dit Bunting en colère, celui qui s’adapte survit » ; en 2430, la terre n’est plus peuplée que de trilliards d’humains et du plancton qui sert à les nourrir. Seul Cranwitz garde une poignée des derniers animaux. Dans un autre futur : « Disons pour faire court que l’activité humaine en quelques dizaines d’années, a abîmé la planète au point de nous obliger à porter cet accoutrement » ; vivre son adolescence quand les visages sont cachés par des masques et les corps enfouis dans des combinaisons !
Comment ces écrivains ont-ils pu être aussi clairvoyants ? C’est ce qui nous a plu dans ces nouvelles. Les peurs du monde qui change ne datent pas d’hier. Chaque nouvelle, conte fantastique (Woods’town d’Alphonse Daudet) ou dystopie (2430 d’Isaac Asimov), traite du rapport de l’homme avec la planète et de son avenir. Déforestation, surpopulation, pollution, risque nucléaire, avantages et inconvénients du progrès (comme dans L’asphalte, nouvelle déchirante de Sylvain Tesson) sont autant de sujets qui montrent l’influence souvent néfaste de l’homme sur son environnement. Asimov nous rappelle à quel point l’homme peut être un mouton et nous avons été impressionnés par sa vision d’un futur, en 1958, où l’homme ne penserait qu’à lui, éliminant la vie animale autour de lui. Dans le contexte actuel et les guerres qui nous menacent, Planète pour hôtes de passage (1953) de Philip K. Dick souligne la fragilité de l’humanité et un manque d’humilité qui peut la conduire à la catastrophe. Plus près de nous, Bas les masques, écrit en 2005 par Benoît Boyard, plaira aux jeunes lecteurs, les héros étant des adolescents. La lecture de cette nouvelle, écrite bien avant la pandémie de Covid, donne à réfléchir. Quant à Pierre Bordage, il soulève subtilement, dans Les Duniers, la question des croyances, des peurs et de l’immigration. Certaines préoccupations récentes inspiraient déjà les écrivains comme Jean Giono en 1954 dans L’Homme qui plantait des arbres : lueur d’espérance.
La nouvelle, genre littéraire épuré au rythme concentré et à la chute percutante est le moyen idéal pour, de façon intemporelle, sensibiliser le lecteur à la préservation de la planète. Incontournable.
Sept nouvelles de la Terre. Magnard. Classiques & Contemporains.
Assya, Jean, Lucas, Evanne, Candice, Jérémy, Théophile, Eliott, Jack.
vendredi 6 septembre 2024
Amazone et Novecento : pianiste
Novecento : pianiste
Début du XXe siècle, le Virginian, “copie conforme du Titanic”, fait la navette entre l’Europe et les Etats-Unis. Après une longue traversée, Danny Boodman découvre un bébé posé sur le piano de la salle de bal. Touché par le nourrisson, sans doute abandonné là par des voyageurs de troisième classe qu’un nouveau-né encombrerait dans leur démarche d’immigration, le marin décide de garder l’enfant. Il lui donne son nom, auquel il ajoute les initiales T.D, trouvées sur la boîte faisant office de berceau – et dont il se persuadera longtemps qu’elles signifient : « Thanks Danny ». Il termine avec Novecento… symbolisant le début du XXe siècle. L’enfant grandit, devient un prodige au piano et enchaîne les traversées, sans jamais quitter le navire. Que se passerait-il s’il descendait sur la terre ferme ?
Alessandro Baricco est écrivain et musicologue. Ce qui explique sans doute le rythme de cette pièce de théâtre écrite comme un long monologue mettant en scène Tim Toomey. Trompettiste engagé sur le bateau, ce dernier raconte l’histoire inhabituelle de Novecento : pianiste. L’enfant abandonné est devenu un homme mais il n’a d’identité que dans le huis clos du bateau. Pour ce génie du piano qui joue comme nul autre, que signifie la découverte du monde extérieur ? Une possibilité sans fin de rues, de rencontres, de lieux de vie. Comme tout humain, il se trouve confronté à la peur et à l’envie. En nous entraînant dans les contradictions et les questionnements de Novecento, le narrateur nous interroge sur la philosophie de la vie, la notion de choix, de limites et d’infini. Impressionnant.
Mathilde, Charles, Mathéo, Baptiste, Mina, Noam, Hanaé.
Amazone
Fleuve rouge, piano blanc, musicien noir. Sur une rive du cours d’eau impétueux, s’accroche le petit village d’Esmeralda, animé par une routine bien ancrée. Pourtant, soudain, tout se fige. Cerveza, le barman, reconnaît un bruit familier de lui seul. Une mélodie. Les habitants sont bousculés par l’arrivée inattendue d’une embarcation de fortune, supportant un majestueux piano à queue sur lequel joue Amazone Steinway. Lors de son escale forcée, il est accueilli de façon ambiguë. Poursuivant un but dont il ne veut rien dévoiler, le pianiste se soumet aux règles du Colonel Rodriguez, gérant du bar et chef auto-proclamé du lieu. Jouera-t-il son avenir au prix de son rêve ?
Avec Amazone, récit poignant, Maxence Fermine nous a transportés dans un univers inconnu. Amazone Steinway nous embarque avec lui dans son aventure et ses nombreux obstacles physiques et psychologiques. L’auteur crée une atmosphère mystérieuse dans le luxuriant décor de l’Amazonie. Immersion dans une troublante quête d’absolu qui nous fera retenir notre souffle jusqu’à la fin. Vous serez portés par le bruit des cascades, l’humidité de la jungle et la magie de cet endroit dépaysant. Le style de l’auteur nous fait vivre un voyage poétique et onirique, nous ouvre les portes d’une culture et d’un mode de vie différents, où les frontières entre le réel et l’imaginaire s’effacent, où l’amour et l’amitié rythment les pages.
Hugues, Camille, Jérémy, Chloé.
Novecento : pianiste, Alessandro Baricco, Folio, 5,70 €.
Amazone, Maxence Fermine, Livre de poche, 7,90 €.
Les réveilleurs de soleil
Greg, Justine, Jules, Léane, Axel, Gabrielle, Maël,
Lana.
Les réveilleurs de soleil. Oxmo Puccino, Livre de poche, 7,20 €.
mercredi 29 mai 2024
Le récital des anges
Tracy Chevalier a l’art de raconter des histoires banales en maintenant un suspense haletant. Les drames de ces deux familles apparemment tranquilles sont tour à tour racontés par chacun des protagonistes, dans de courts chapitres. Les caractères se forgent au fil des années qui défilent. Ce roman fait transpirer la façon dont on s’accommode des convenances ou pas, la différence de classe et de condition, ce qui distingue les gens et ce qui les rapproche. Le cimetière, immuable, est là comme un personnage central autour duquel s’articulent vie et mort. Sans atermoiement et avec la grande finesse à laquelle cette autrice nous a habitués.
Le récital des anges. Tracy Chevalier. Editions Folio. 10,40 €
La Madeleine Proust, une vie
Il y a quelques semaines, j’ai eu le privilège d’animer une rencontre avec Lola Sémonin, alias la Madeleine Proust. Beaucoup d’entre nous connaissent ce personnage de paysanne du Haut-Doubs, à l’accent franc-comtois familier. Pendant quatre décennies, la Madeleine Proust a commenté les événements avec son regard faussement naïf. Lola Sémonin a laissé à une autre comédienne le soin de continuer de faire vivre le personnage dans un nouveau spectacle, La Madeleine Proust passe le relai. Elle se consacre désormais entièrement à l’écriture. Son personnage néanmoins chevillé au corps et un désir de transmission aussi fort qu’une vocation, elle en a écrit l’histoire. Née en 1925 dans une ferme d’un petit village près de Morteau, la Madeleine doit, toute jeune, s’occuper des frères et sœurs arrivés après elle. Quand elle peut enfin aller à l’école, elle apprend avec facilité. Le travail à la ferme l’éloigne pourtant bien souvent des bancs de la salle de classe. Des drames silencieux aux rencontres adolescentes en passant par le travail aux champs, la Madeleine Proust se raconte et partage les moments importants de sa vie de famille. Quatre tomes de La Madeleine Proust, une vie se succèdent. Le premier s’appelle Quand j’étais p’tite 1925-1939. Dans Ma drôle de guerre 1939-1940, Madeleine raconte la mobilisation et le départ d’anciens poilus désabusés comme son père, le cantonnement d’autres soldats, hébergés à la ferme. L’agriculture se moque des turbulences humaines, il faut des bras pour effectuer les moissons. Sous la botte 1940-1941 emmène Madeleine loin de sa montagne, à Paris, en tant que bonne. L’occasion de confronter deux univers, celui des patrons et des employés, mais aussi celui de la résistance et de la collaboration, aux frontières pas toujours nettes. Enfin, Libération 1942-1945, ramène notre paysanne chez elle pour vivre les dernières années de guerre où les habitants sont confrontés à des choix et contraints au secret.
Dans cette tétralogie, on découvre une Madeleine Proust différente du personnage de scène. On partage la vie d’une enfant et d’une jeune fille dans l’entredeux guerres et pendant le second conflit mondial. Beaucoup de thèmes sont évoqués : la place de l’école, du travail, des enfants, de la religion, les deuils, l’inceste, l’émancipation, les événements qui précipitent des peuples amis dans la guerre. C’est poétique, documenté, passionnant. Madeleine y apparaît sous un jour touchant, “au-then-ti-que” pour reprendre le terme utilisé par un protagoniste du roman pour définir la jeune fille. La nature est omniprésente, parfois de façon humoristique, sou- vent de façon émouvante. Le personnage de Madeleine, sans filtre, plein de bon sens aussi, dont la naïveté alimente un ressort à la fois comique et tendre, souligne les bienfaits des choses simples de l’existence. Il prend une dimension universelle et ça fait du bien.
La Madeleine Proust, une vie. Tétralogie. Lola Sémonin. Plusieurs éditeurs. Environ 22€ par volume.
Les oiseaux se moquent bien du paradis
Les oiseaux se moquent bien du paradis annonce Magali Discours dans son dernier roman. Entre les morts et les vivants, le ciel et la terre, les pinsons sont gais, les pies, voleuses, les poules mouillées, le pigeon, voyageur. La poésie des oiseaux et de l’autrice accompagne Vanille et Sam dans les quêtes qu’ils poursuivent presque malgré eux. Prendre son envol. Entre le propre et le figuré, certains se sont mélangé les cannes. Qui est vraiment Pierrot ? Un buste en céramique hérissé de sucettes ? Une personne réelle mais mutique ? Une présence symbolique silencieuse, qui permettrait enfin à Vanille d’écouter son chant intérieur et de trouver sa voie (voix) ? Que fait-on de son passé ? Comment surmonte-t-on (ou pas) le traumatisme d’avoir été mal aimé ? Dans un jeu de miroir (sans alouette), on observe des mères et les conséquences, souvent délétères, que provoque leur absence. Les personnages se débattent parfois comme une mouette rattrapée par la marée noire. L’évocation de souvenirs joyeux ou, à d’autres moments, d’instants chaleureux du présent, transpire la fluidité et l’élégance d’un vol d’oiseaux migrateurs. Avec la précision d’un coucou suisse, l’autrice décortique le déni et le désespoir.
Puis, à tire-d’aile, elle accompagne ses héros vers la résilience. Encore une fois, la jolie plume de Magali Discours nous emporte dans la vie de personnages qu’on peine à quitter, la dernière page tournée.
Les oiseaux se moquent bien du paradis. Magali Discours. Éditions de l'Archipel. Collection Instants suspendus. 20,00€
mercredi 15 mai 2024
Dans un livre addictif, Stéphanie des Horts plante le décor du drame dont on connaît l’issue. Elle présente John Kennedy junior et Carolyn Bessette en reprenant minutieusement l’enfance et le parcours de chacun jusqu’à leur rencontre. Elle retrace ensuite la succession des événements, émotions contraires, déchirements et tentatives pour sortir d’une spirale infernale. Puis, à l’approche du dénouement funeste, elle détaille l’enchaînement des contretemps, l’orgueil dont font parfois preuve les hommes auxquels rien n’a jamais résisté. De mauvaises décisions en coups de pas de chance, la légende tragique s’inscrit une fois encore dans l’histoire des Kennedy. Comme un très long reportage, ce roman concentre toutes les informations qu’on avait jusque-là vaguement glanées. A lire pour rassembler tous les morceaux.
Carolyn et John. Stéphanie des Horts. Éditions Albin Michel. 21,90 €
lundi 1 avril 2024
Ce parfum rouge
1934. Nine, jeune femme un peu effacée, est ingénieur chimiste à Suresnes, dans le laboratoire de François Coty, fondateur de l’industrie moderne de la parfumerie. Descendante d’une lignée de parfumeurs français installés en Russie, elle a fui la révolution bolchévique avec sa mère et son frère après avoir assisté à l’arrestation brutale et la disparition de son père. Sélectionnée pour le concours des jeunes parfumeurs de la Foire internationale de Lyon, elle oscille entre fierté d’avoir été choisie et appréhension : sera-t-elle digne de l’héritage paternel ? Lorsqu’un incendie détruit ses échantillons et alors qu’elle n’a pas consigné les procédés au coffre-fort, elle doit aller chercher de nouveaux arômes chez Léon Givaudan, fournisseur. Leur rendez-vous les lie instantanément dans un sentiment filial qui ne se démentira pas. L’entreprise de Coty en difficulté, Nine est licenciée. Elle n’a pas gagné le concours mais elle a été repérée et son avenir est prometteur. Givaudan la recrute et l’envoie dans la capitale des Gaules. Là, elle rencontre Pierre Rieux. Commissionnaire en parfums, issu des classes populaires, ambitieux, il fraye avec le pouvoir de Moscou. Malgré leurs différences, ils sont attirés l’un par l’autre. Lorsqu’une délégation soviétique vient avec Pierre visiter l’usine où elle travaille, Nine est déstabilisée. Dans le sillage de Polina Molotova, personnalité haut-placée dans la hiérarchie, une fragrance unique. Nine la reconnaitrait entre mille, c’est le parfum inventé pour elle par son père et dont lui seul détient la formule.
Mettre le nez dans Ce parfum rouge, c’est ne plus en sortir jusqu’à la dernière page, s’enivrer des effluves de jasmin, musc et autre mousse de chêne. C’est toucher du doigt le bouillonnement de l’entre-deux guerres, ses hoquets et ses débordements. C’est se promener dans Lyon un soir de fête des lumières. C’est entrer dans un monde où enjeux économiques et politiques se discutent autour d’un alcool fort et dans la fumée des cigares. C’est porter le poids d’un exil, s’accommoder de l’odeur des abandons et des renoncements. C’est percevoir les émanations du désir, des secrets, des espoirs et du souvenir. C’est affronter les relents de peur, de haine et de trahison… La petite et la grande histoire s’enlacent sous la plume sensible de Theresa Révay. Cette dernière excelle dans l’art de raviver les senteurs d’un univers passé et oublié. Elle ressuscite des personnages ayant existé et notamment, de façon touchante, deux de ses aïeux. La fiction vient accentuer la dimension déjà hautement romanesque du sujet. Émotions fortes et tensions politiques imprègnent les relations entre les protagonistes ; intrigues et rebondissements donnent un rythme haletant à la lecture. La mémoire olfactive est l’une des plus puissantes. Une simple exhalaison nous fait voyager dans les replis du souvenir. Ce livre nous le raconte, l’Amour a un parfum. Respirez !
Ce parfum rouge. Theresa Révay. Éditions Stock. 21,90 €.
mardi 19 mars 2024
Rendez-vous à la porte dorée
On le pressentait en tournant les pages de L’homme que je ne devais pas aimer. Agathe Ruga, du moins son personnage de fiction, courait à la catastrophe. C’était brutal et impétueux, au-delà des limites. Les limites ? Agathe ne sait pas ce que c’est. Elle se permet tout. Avec elle, tout pulse plus fort. On retrouve avec plaisir sa plume décomplexée dans Rendez-vous à la Porte dorée. Anne a vrillé après sa troisième grossesse. Éprouvée par son quotidien de jeune mère, victime d’une dépression post-partum qui ne dit jamais son nom, elle se sent mourir à petit feu. Elle étouffe et elle veut bien tout sauf ça. Alors elle envoie balader le couple qu’elle forme avec Joachim pour vivre une passion avec un autre homme. Elle le savait que l’herbe n’était pas plus verte ailleurs. Elle le savait qu’elle avait mis l’énergie de son désespoir dans cette aventure aux lendemains incertains. Le nouveau compagnon l’entraîne dans la déraison. Le temps de la désillusion arrivé, Anne s’extirpe et, devant les décombres de son bonheur, réalise son erreur. Elle a éconduit l’homme de sa vie. Son accablement est incommensurable. Elle voudrait réparer mais l’ex-mari ne l’entend plus de cette oreille. Il l’évite, ne laisse la porte ouverte à aucun dialogue. Anne est déterminée, même quand ses filles lui apprennent que leur papa a une copine. Pour reprendre le cours d’une partition qui n’aurait jamais dû s’interrompre, elle est prête à tous les stratagèmes, y compris partir sur les traces du couple éponyme formé par les parents de la Vierge Marie.
Lire Agathe Ruga c’est sortir de la commune mesure. Accepter l’écorché vif. A travers les émotions qu’elle livre sans filtre et qui ont nécessairement un écho chez le lecteur, on a l’impression de se déshabiller avec elle sur la place publique. Plaisir de la transgression mêlé à la crainte qu’elle engendre. L’avantage avec l’écriture, c’est l’absence de conséquence. Agathe décortique le jusqu’au-boutisme dont l’humain est capable dans les sentiments. Elle va loin, souvent au-delà de ce qu’on s’autorise à imaginer. Dans ce que l’on serait prêt à faire pour reconquérir un ex. Dans ce à quoi on se soumet, prétendument par amour, pour des raisons souvent inexplicables au yeux des autres. Elle déballe tout. Les tâches de sang sur le matelas, les rafales de SMS, le Mur des Lamentations. Elle ose aller plus loin, quitte à perdre son personnage dans l’excès des sentiments. Excès. Ce mot existe-il pour Agathe Ruga ? Probablement pas. Jamais elle ne cède à la tiédeur. Elle donne du sens à la fureur de vivre, elle met des paillettes dans notre lecture. On tourne la dernière page le cœur battant, palpitations intenses. On a vingt post-it, pour revenir plus tard sur des formules percutantes : « Je te trouve plus beau et plus méchant qu’avant, ce qui n’arrange rien. J’avais décidé de ne plus t’aimer et, trois ans plus tard, je constate que le plan a échoué. » Agathe Ruga y va cash de bout en bout avec un sujet original. On en veut encore !
Rendez-vous à la Porte dorée. Agathe Ruga. Editions Flammarion. 20 €.
mardi 5 mars 2024
Blanches
Blanches, écrit Claire Vesin. Blanches comme les blouses du personnel soignant. Blanches comme les oies que sont les novices, jeunes infirmières ou internes, jetés sans filet dans un système de santé dont on sait qu’il périclite depuis le jour où le mot rentabilité s’est invité à l’hôpital. Blanches comme la pureté, blanchies comme le seraient les accusées à la fin d’un procès où les jurés prononceraient l’acquittement. L’autrice, en plus de faire un état des lieux sans état d’âme d’un service d’hôpital de banlieue, pénètre l’intimité de chacun de ses personnages et raconte leur quotidien, capte un espoir fugitif, des fractures mal ressoudées. Le ton est aussi juste quand il s’agit de scruter l’angoisse de Kamel errant dans sa cité perdue que lorsqu’on se trouve dans le salon bourgeois des parents d’Aimée. Pas de clichés cependant, la primo-romancière maîtrise son sujet sur le bout des doigts et, par des touches subtiles, décrit les ambitions, les craintes, les rêves déchirés par la réalité. Ici un verre d’alcool étouffe les angoisses. Là c’est une barre de chocolat. Ailleurs, on s’acharne dans le sport, on laisse poindre une lueur de désir. Le silence, nœud des intrigues romanesques, pèse sur chaque page. On imagine les carrelages froids, la mousse de la bière sur les lèvres, les détresses humaines. Les tragédies se nouent sans bruit, des abcès crèvent et des non-dits asphyxient. A la fin, qui renonce, qui s’émancipe ? Pas si simple. Claire Vesin porte un regard profond sur la médecine hospitalière, l’humain et la société, un regard sans jugement qui suscite la réflexion. Bravo.
Blanches. Claire Vesin. La manufacture des livres. 18,90 €.
mardi 20 février 2024
L’Inconnue du portrait
Au départ tout est vrai. L’histoire du tableau de Klimt, Portrait d’une dame, est exposée dans un court chapitre intitulé : Les faits. En une page et demie, l’intrigue est posée, le mystère, entier, nourrit tous les fantasmes. Camille de Peretti s’est emparée avec brio de cette énigme incroyablement romanesque pour écrire un ouvrage haletant. On s’engouffre avec gourmandise dans une institution viennoise pour y déguster le meilleur chocolat chaud. On voudrait prévenir Isidore du krach imminent et l’exhorter à la prudence ; on tremble avec lui de son audace. On reste muet devant cette peinture, visage de femme, dont la chevelure se détache sur fond vert et dont l’attitude semble si mélancolique. Le secret est épais. Comme des petites touches de lumière éclairant le tableau, avec lenteur et efficacité, des nuances de vérité sont ébauchées. Il ne faut pas trop en dire ici, pour laisser intact le plaisir de lecture, cet appétit qui nous fait tourner les pages sans relâche jusqu’à la dernière. L’épilogue, page 347, arrive trop tôt, comme un arrachement. Ce dénouement précipité et pourtant exhaustif jette le lecteur en dehors. On aurait aimé rester encore un peu avec Isidore, Pearl et les autres. Une vérité scientifique sera toujours défaite par une vérité romanesque. Avec cette conclusion magistrale, Camille de Peretti ouvre néanmoins le champ des possibles, encourage notre imaginaire et on l’en remercie.
L’inconnue du portrait. Camille de Peretti. Éditions Calmann-Lévy. 21,50 €
mercredi 7 février 2024
Basses terres
1976. Basse-Terre. La Grande Soufrière fait des siennes. Ça crache, ça s’affole. Haroun Tazieff ne croit pas à une éruption ; d’autres, comme Claude Allègre, le jugent irresponsable et préconisent l’évacuation. Dans cette atmosphère proche de l’explosion, évolue Eucate qui élève seule sa petite-fille Anastasie, dans une cabane sur les pentes du volcan. Elle ne partira pas. En Grande-Terre, de l’autre côté de l’isthme, Elias retrouve son fils Daniel, de retour en Guadeloupe pour la première fois depuis des années, avec femme et enfants. La case se remplit de visiteurs et de cousins déplacés. A Basse Terre, Anastasie vient se confronter à son méprisant géniteur. Rony, employé dans le même garage, remarque la jeune fille. Il est instantanément envoûté.
Basses terres, comme son nom le suggère, nous emmène aux tréfonds du cœur des humains. Au fil des intrigues, Estelle-Sarah Bulle dessine ses personnages avec minutie. Leurs univers, parallèles ou convergents, sont aussi l’occasion d’explorer l’île en profondeur, ses coutumes, ses mystères, ses blessures, son passé. La misère est une fatalité dont certains s’accommodent avec le sourire tandis que d’autres nourrissent de grands rêves de richesse ou d’évasion en métropole. La folie affleure,
entre passion et désillusion. C’est un roman âpre et coloré. L’auteur pose un regard à la fois doux et sans concession sur l’île papillon. Une belle découverte.
Basses terres. Estelle-Sarah Bulle. Editions Liana Levi. 20 €.
La fantaisie
Mona a sombré dans une grave dépression suite à un enchaînement d’épreuves, maladie, licenciement, divorce. Elle s’est réfugiée chez ses parents mais ne voit plus sa fille. Après quelques années, décidée à reprendre sa vie en main, elle s’installe dans un petit appartement d’étudiant, en banlieue parisienne. Les marches qui montent à la mezzanine sont aménagées en casiers de rangement. L’un d’eux est scellé. Mona décide de l’ouvrir. Dedans, elle découvre le manuscrit qu’un jeune homme, vingt ans plus tôt, a caché là. Elle commence à lire et bientôt, elle a envie de savoir ce qu’est devenu son auteur. Elle se met à sa recherche.
Les romans de Murielle Magellan sont frais et pleins de vie. La fantaisie n’échappe pas à cette règle. Dès les premières pages, on oscille entre le récit de la vie de Mona et la lecture du roman du jeune Philippe Sandre-Lévy. Le démarrage est hésitant, titubant même ; on sent à travers les lignes le brouillard dans lequel évoluent les personnages. Même si le manuscrit a rallumé une étincelle de curiosité, ils avancent à tâtons à la recherche de leur fantaisie perdue. Et nous aussi. Où va-ton ? Peu à peu, les peurs sont dépoussiérées, les masques tombent, la route se fait plus nette. Histoires d’amours pas banales, méthode irrésistible pour accepter le verre à moitié vide et favoriser le plaisir que procure la vision du verre à moitié plein, cela ressemble à un livre de développement personnel qui ne dirait pas son nom, la littérature en plus, et ça change tout.
La fantaisie. Murielle Magellan. Editions Mialet Barrault. 20 €
jeudi 25 janvier 2024
Histoire de Jérusalem
Jérusalem. Personne ne peut ignorer cette ville, source de tant de mystères, de fantasmes et de convoitises. Un olivier millénaire, perché sur le mont éponyme, face à la ville trois fois sainte, raconte son histoire. Perdu au milieu des montagnes, comment ce lieu dépourvu d’eau potable a-t-il pu devenir le nombril du monde ? Tout commence environ deux mille ans avant J.-C., quand les premières populations sédentaires s’installent autour d’une source, au pied du Mont des Oliviers. Apparaissent les premières sépultures, sur le versant oriental de la vallée du Cédron. La géographie des lieux montre que la cité, éloignée des routes commerciales, n’avait pas forcément vocation à prospérer. Rushalimum, la plus ancienne mention découverte à ce jour, se trouve sur une figurine égyptienne datant de -1800 (Jérusalem étant, à cette époque, dans le giron de l’empire des pharaons). Il y a peu de traces écrites sur les premiers frémissements de la ville. Un prince aux origines mystérieuses aurait fait sortir d’Égypte le peuple hébreu pour le mener vers le pays de Canaan. Mais Moïse n’aurait jamais atteint la Terre promise. On trouverait sa tombe (Nabi Moussa, “prophète Moïse” en arabe) près de Jéricho. Ensuite, Abraham (Ibrahim en arabe) quitte la Mésopotamie avec sa femme Sarah pour s’établir à Hébron avant de venir à Jérusalem sacrifier son fils, Isaac selon la tradition juive, Ismaël selon la tradition musulmane.
On le perçoit dans la sonorité des mots, dès les premières images ; telle le bois millénaire du vieil olivier, Jérusalem résulte d’un enchevêtrement de légendes, de croyances, de tradition imbriquées les unes aux autres, agglomérées, inséparables. Les humains qui la peuplent sont successivement capables de travaux d’embellissement colossaux comme de destruction massive. Un jour l’entente bienveillante permet une vie douce où les coutumes des différentes religions s’adaptent les unes aux autres dans une ambiance joyeuse et chamarrée. Le lendemain, une poignée d’hostiles fait basculer la paix dans un bain de sang effroyable. Au fil des dix chapitres autour desquels s’organise cette bande dessinée d’une grande richesse, on apprend énormément ! Le foisonnement des dessins souligne la densité de l’histoire du lieu depuis quatre mille ans. Le texte, soigneusement rédigé, s’appuie sur de nombreux écrits, de l’Ancien Testament à The Jerusalem Institute for Policy Research en passant par les Archives du Consulat général de France à Jérusalem, le Recensement ottoman de 1905 ou encore de multiples récits de voyageurs des trois grandes religions monothéistes. Cet ouvrage, incontournable, vous permettra de mieux capter la respiration de cette ville unique, pour laquelle des hommes continuent de se déchirer, alors que tant d’autres appellent depuis si longtemps à une coexistence possible, sans fanatiques manipulés par des dirigeants orgueilleux.
Histoire de Jérusalem. BD. Vincent Lemire et Christophe Gaultier. Les Arènes. 27,00€