jeudi 18 octobre 2018

La bibliothèque c'est chouette !

Qu'on se le dise. Mon péché mignon est de posséder les livres. J'ai énormément de mal à les emprunter. Surtout parce qu'il faut les rendre. Mais la logistique -le rangement quel casse-tête- et le budget m'obligent à réfléchir à deux fois. Et si je prenais le réflexe "bibliothèque" ?
L'inscription est une formalité. Cela fait du bien dans un monde où pour la moindre démarche il faut fournir une liste impressionnante de justificatifs.
Voici quelques ouvrages glanés au gré de mes déambulations.



Un livre de recettes : pourquoi encombrer ma cuisine avec un bouquin dont je ne vais extirper qu'une ou deux recettes fétiches ? Je consulte scrupuleusement l'ouvrage et relève uniquement les réalisations qui me font envies et qui semblent à ma portée. En terme de goût, d'ingrédients à réunir et de difficulté de réalisation. Pour l'heure, une seule tentative : une crème anglaise à la farine de châtaignes. Surprenant mais plutôt bon.

Un DVD : N'ayant pas la télévision, je ne peux faire découvrir à mon dernier fils les classiques lors des nombreuses rediffusions. Or, j'ai constaté combien il apprécie ces vieux films... Le voir hilare devant Oscar ou La Folie des Grandeurs me réjouit. Cette fois, le Mur de l'Atlantique n'a plus de secret pour nous. Ou comment Bourvil, restaurateur, se retrouve, à la suite de malentendus, embarqué dans la résistance avec un aviateur anglais, dont il ignore qu'il sera un jour son gendre.

Une BD : Effet Livres en Vignes oblige, je passe devant les BD, j'en choisis une... au hasard ? Drôle de hasard. L'intrigue du "Clos de Bourgogne" se déroule sur nos terres, entre Beaune et le Clos de Vougeot. Un domaine en Vente est très convoité par l'ennemi juré du vendeur. Pourtant, ce dernier avait certifié que jamais il n'arrêterait de faire du vin. Une journaliste mène l'enquête pour comprendre l'origine de la brouille et la raison de la vente. Bon intermède entre deux romans.

Enfin, un roman de la rentrée littéraire et pas des moindres. Je tergiverse depuis des semaines à lire "La vérité sort de la bouche du cheval". L'histoire d'une prostituée au Maroc m'attirait moyennement. A la bibliothèque, le livre est en bonne place sur la table des nouveautés. Il fait partie d'une sélection de six ouvrages pour lesquels les lecteurs peuvent décerner leur Prix. Allez, je me prends au jeu et embarque le premier roman de Meryem Alaoui (Gallimard).
Dans un premier temps, je suis décontenancée par le style, emprunté au langage parlé. Il y a cette femme encore jeune, qui glisse sur la pente de la déchéance. Le ton gouailleur, les cigarettes, la bibine, tout y est. Jmiaa raconte son quotidien de prostituée édulcoré pourtant de détails trop sordides. Avec un naturel déconcertant et sans jamais s'apitoyer sur son sort, elle raconte son parcours depuis Berrechid et la maison familiale jusqu'à ce quartier de Casa où elle vend ses charmes. Un jour, l'arrivée d'une réalisatrice surnommée Bouche de Cheval, va tout bousculer. Le choix d'écriture de l'auteur est totalement juste. Ça infuse si bien qu'on se laisse happer par ce personnage féminin haut en couleur qui dit ce qu'elle pense sans détour. Jmiaa se trouve entraînée dans le tournage du film. Son incursion dans le monde du cinéma, un univers totalement nouveau, est drôlissime. On est envoûté par cette femme naïve et forte qui fait face à son destin grâce à une opportunité qu'elle n'a pas créée. Une fois encore, le message passe de regarder au-delà des apparences et de se répéter que même si la vie ne nous a pas épargnés, il n'est pas interdit de croire en sa bonne étoile !

Meryem Alaoui à droite, à côté de Catherine Faye à Livres en Vignes.

mardi 9 octobre 2018

Il était une fois... peut-être pas.



Cette ritournelle m'a accompagnée tout le long de la lecture du livre éponyme d'Akli Tadjer. Je n'ai pas choisi ce roman. C'est son auteur qui me l'a conseillé, lors du salon Livres en Vignes. Au petit bonheur ? Quelle chance ! Je me suis plongée dans cette lecture avec curiosité … Et j'ai envie de vous en dire beaucoup et plus encore.

Myriam est partie faire ses études à Toulon. Elle a quitté l'enfance et la maison laissant Mohammed seul et désœuvré. Un week-end, elle rentre à Paris avec un gus : « Prépare-toi papa, je te le présente dimanche. ». Le gus en question, un gaulois pâle et blond, Gaston Leroux (comme la chicorée, le romancier ou les deux) veut trouver un travail dans la capitale. Il a quitté sa famille qui n'apprécie pas la peau mate et les cheveux de jais de Myriam. Mohammed ne voit pas ça d'un très bon œil mais ne peut refuser de l'héberger. Une fois la jeune fille repartie, le tête à tête s'annonce houleux. Dans la chambre de Myriam où il se réfugie, Mohammed narre des contes d'Orient. Lucifer, un chat noir en peluche, Cruella, poupée blonde, et Bla-bla, le perroquet en plâtre, sont suspendus à son récit. Il était une fois... peut-être pas. Le Grand IL, le djinn qui sait tout, complète le discours de Mohammed. Deux histoires s’entremêlent, entre la France et l'Algérie, entre le passé et le présent.
La belle Awa vit près d'Alger au début du XIXème siècle. Elle part faire fortune en vendant des éventails. Elle reviendra au village de son enfance les mains vides et enceinte. Myriam quant à elle, change de cap et met les voiles. Mohammed s'inquiète et voudrait lui faire entendre raison. Pendant ce temps, Gaston et lui s'apprivoisent. Rachel, une jolie psychanalyste, entre dans la danse... Comment tout cela va-t-il se terminer ? Pour le savoir, laissez-vous envoûter.
Plongez dans deux univers parallèles, entre le foisonnement d'Azur et Asmar et la beauté rude de la vie parisienne. Les références à la littérature française sont nombreuses, comme des clins d’œil à notre culture si riche. On traverse deux siècles d'histoire avec légèreté grâce à l'écriture douce, drôle et sensible d'Akli Tadjer. Avec une infinie tolérance, il montre à quel point tout n'est pas noir d'un côté et blanc de l'autre. Des méchants il y en a de tous les bords. Des gentils aussi, dieu merci !
« Lorsque Charles sut lire et écrire, il interpella son père pour savoir ce que signifiaient les tatouages sur ses avant-bras. Chems prit l'index de son fils et lui fit parcourir les arabesques qui sinuaient jusqu'au coude. Sur l'avant-bras droit, il était calligraphié : Sous la protection d'Allah. Sur l'autre avant-bras c'était : vive la France ! ». L'auteur revisite la longue et complexe histoire entre la France et l'Algérie, sans jamais émettre de jugement. Il évoque aussi le racisme, les secrets de famille, la religion, le danger de l'intégrisme...
Tout tient finalement dans le titre : « Il était une fois... peut-être pas ». La vie c'est parfois démêler le vrai du faux, de la petite histoire de notre famille à celle avec un grand H qu'on apprend à l'école. Au final, que retenir à part la force de l'amour ?


Il était une fois... peut-être pas, un écrivain français, né en France, traduit dans de nombreux pays et dont certaines œuvres ont fait l'objet d'adaptations cinématographiques. Un professeur de français, dans un lycée du nord de la France, prépare une rencontre avec Akli Tadjer. Elle propose à ses élèves la lecture du roman : « Le porteur de cartable », l'histoire d'une amitié improbable entre deux enfants de dix ans à la fin de la guerre d'Algérie. L'un, Raphaël, est réfugié pied-noir, l'autre, Omar, fils de militants du FLN, n'a jamais mis les pieds de l'autre côté de la Méditerranée.
Levée de bouclier de certains élèves qui refusent d'étudier le livre. Le crime d'Akli Tadjer ? Porter un nom en rapport avec ses racines. Le professeur envoie un mail, rendu public par l'auteur, pour expliquer la situation. Les élèves estiment que l'histoire ne concerne pas la France (tiens donc !). L'un deux a même refusé de lire à haute voix un extrait pour ne pas prononcer le nom « Messaoud ». On croit marcher sur la tête !
Sidération. Comment combattre l'ignorance et le manque de curiosité ? Que connaissent ces jeunes gens de la littérature et de la France ? Piètres armes que l'inculture et l'agressivité. Comment débattre, développer des idées quand on ne voit pas plus loin que... le bout de son smartphone ? N'y a-t-il pas en France d'autres perspectives que le repli sur soi, la télé-réalité, la haine de la différence et l'ouverture des centres commerciaux le dimanche ?
Akli Tadjer ne s'est pas démonté et ira rencontrer ces élèves. Avec l'espoir d'éveiller des consciences, de lever les malentendus. De raconter une histoire que ces jeunes, s'ils ôtent leurs écouteurs, se donneront peut-être la chance d'entendre. Il était une fois peut-être pas... Aller au delà des apparences et découvrir ! Si on faisait venir aussi les parents ? Qu'on leur mette dans les mains un bouquin ? Ils y verraient tout ce que l'on peut apprendre, voyager, réfléchir et comprendre grâce à des bouts de papiers. Il était une fois... peut-être pas. En attendant, moi, je vais me plonger dans « Les Thermes du Paradis », roman d'Akli Tadjer qui a reçu le Prix Albert-Bichot en 2014. Celui-là, c'est moi qui l'ai choisi, un jour ensoleillé de septembre, au milieu des vignes, au terme d'une riche discussion avec l'auteur, un inconnu quelques minutes auparavant...